Je me permets de rappeler à mes collègues et amis que la loi de 2005 est relative « aux droits des malades et à la fin de vie » et non « aux malades en fin de vie ». À la question simple que nous devons nous poser – tout traitement doit-il être poursuivi indéfiniment pour maintenir les personnes en vie ? –, la réponse est non, quelles que soient les références philosophiques ou religieuses que l’on peut avoir. Le maintien artificiel en vie d’une personne alors que celle-ci n’a plus conscience qu’elle existe et plus de relation à l’autre pose le problème de l’acharnement thérapeutique, qualifié dans la loi d’« obstination déraisonnable ».
Si l’on dispose que l’on ne peut interrompre un traitement de survie que pour les personnes en fin de vie, on se trouve confronté à une contradiction puisque, précisément, si ces personnes sont en survie, elles ne sont pas en fin de vie !
Pour autant, je vous renvoie aux textes et aux études consacrés au sujet. Si vous vivez en milieu urbain, vous avez quatre-vingts chances sur cent de mourir à l’hôpital, et, dans cet hôpital, vous avez une chance sur deux de mourir d’une limitation ou d’un arrêt des traitements, qui apparaîtront, à un moment donné, inutiles et disproportionnés, ou n’ayant d’autre but que le maintien artificiel d’une vie purement physiologique. Devons-nous maintenir des corps en vie sans qu’il existe la moindre possibilité d’un retour à une pensée, si minime soit-elle ? Je ne parle pas ici de personnes handicapées, mais d’une absence totale de pensée et de relation à l’autre. Comment imaginer que l’on n’ait pas le droit d’arrêter ce type de traitement ?
Nous devons donc faire attention. Ce n’est pas parce que la loi de 2005 a été votée à l’unanimité qu’elle est parfaite. On ne peut la « sanctifier » d’un côté, en affirmant qu’il fallait en rester là, et, de l’autre, continuer de se poser les questions que nous nous posions à l’époque et qui ont donné à cette réflexion approfondie et à ces réponses.
Faut-il en revenir à avant la loi de 2005 et considérer que l’obstination déraisonnable n’existe pas et que l’on n’a pas le droit d’arrêter le traitement d’une personne maintenue artificiellement en vie ? Je vous invite à réfléchir aux dangers qu’une telle démarche pourrait présenter sur le plan du respect de la personne et de sa dignité.