Intervention de Jean Leonetti

Séance en hémicycle du 5 octobre 2015 à 16h00
Nouveaux droits des personnes en fin de vie — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Rappelons que ni dans loi de 2005 ni dans celle de 2015 ne prévoient que la définition de l’obstination déraisonnable ne puisse jamais être donnée par la famille ou par les proches. Cette définition est donnée par le patient lorsqu’il est en conscience, lorsqu’il dit qu’il considère être en situation d’obstination déraisonnable et lorsqu’il refuse un traitement, même si cela met sa vie en jeu. Si, en revanche, le patient est totalement inconscient, sous réserve de la prise en compte de ses directives anticipées, de l’avis de la personne de confiance ou de son témoignage, on va alors recueillir le témoignage des proches.

La collégialité reste donc, dans ces circonstances exceptionnelles, maître de déterminer si le traitement est raisonnable ou déraisonnable. Vous comprenez bien que cela doit demeurer ainsi. On décide en effet au cas par cas et il se trouve des situations où le traitement est raisonnable à un moment donné et devient déraisonnable à un autre moment pour des raisons de pronostic.

C’est d’ailleurs le Conseil d’État qui a précisé ces notions, en indiquant que les traitements devaient être suspendus ou ne devaient pas être entrepris sous réserve de l’appréciation de la personne. Sur le plan philosophique, le nouvel équilibre est le même que l’équilibre initial : on peut arrêter un traitement lorsqu’il apparaît déraisonnable, et c’est la collégialité médicale, et non pas un médecin isolé, qui décide de ce caractère raisonnable ou déraisonnable après avoir recueilli les témoignages et pris en considération les directives anticipées ou, le cas échéant, le témoignage de la personne de confiance. En aucun cas une famille ne peut considérer elle-même qu’il y a obstination déraisonnable et intenter un procès.

Le tribunal de Châlons-en-Champagne, le Conseil d’État qui a confirmé sa décision en appel et la Cour européenne des droits de l’homme le disent : même lorsque la personne n’est pas en fin de vie, la loi de 2005 s’applique et l’on peut interrompre les traitements lorsqu’ils apparaissent inutiles et disproportionnés, ou n’ayant pour but que le maintien artificiel de la vie. Dans ces conditions, l’avis de la famille ou de proches, et demain leur témoignage, sera recueilli, mais c’est la collégialité qui décide.

L’affaire Vincent Lambert, qui déchire une famille, est bien sûr extrêmement douloureuse, mais je me permets de rappeler que le cas se rencontre 20 000 fois par an dans notre pays. En dix ans, donc, la problématique se sera posée une fois sur 200 000. Et cette problématique est réglée par le juge, qui dit comment appliquer la loi. On le voit, ce n’est pas la famille qui décide ou qui a un droit de veto : c’est bien la collégialité médicale qui, dans des circonstances précises, définit si le traitement est inutile, disproportionné ou n’a d’autre but que le maintien artificiel de la vie.

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