Intervention de Philippe Goujon

Séance en hémicycle du 8 octobre 2015 à 15h00
Isolement électronique des détenus et renseignement pénitentiaire — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Goujon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Cette proposition de loi aurait pu permettre de localiser les téléphones afin de les saisir lors des fouilles et de connaître le contenu des conversations.

J’appelle par ailleurs l’attention de la garde des sceaux sur la nécessaire généralisation de brouilleurs de nouvelle génération : elle a annoncé que dix établissements seraient équipés en 2015, mais qu’en est-il des 170 établissements restants ? Le manque de contrôle des parloirs est lui aussi très préoccupant : les fouilles ont été abandonnées et, faute de moyens humains, les conversations ne sont pas surveillées. Pourtant, il est avéré que Nemmouche, par exemple, a été approché pendant sa détention, puis mis en condition par des visiteurs qui ont largement contribué à sa radicalisation.

Face à ces phénomènes, l’administration pénitentiaire et ses personnels paraissent largement dépourvus des moyens juridiques indispensables à une lutte efficace. Des expériences de regroupement des détenus islamistes ont certes été menées afin de les isoler et de protéger les autres détenus, comme à Fresnes, grâce à la création d’une unité dite de prévention du prosélytisme en octobre 2014, suivie de quatre autres, selon les annonces du Premier ministre. Mais ce regroupement, souhaitable, ne correspond à aucun cadre légal précis ; les modalités en sont floues, tandis que le nombre de places se révèle toujours très insuffisant.

Mon groupe vous propose donc de garantir l’isolement effectif des détenus et de renforcer les moyens des services de renseignement pénitentiaire. L’article 1er de cette proposition de loi donne un fondement législatif à l’interdiction de disposer en prison de téléphones portables et, plus généralement, de terminaux – téléphones 3G ou 4G, tablettes ou ordinateurs – permettant un accès non contrôlé à Internet. Serait ainsi empêchée toute tentative de modifier, sans l’accord du législateur, les circulaires et les règlements intérieurs qui, seuls, excluent l’usage de ces appareils.

L’article 3 complète l’article 1er et vise à interdire les SMS, les e-mails, les messageries instantanées ou l’utilisation des réseaux sociaux. L’article 4 permet de retirer le permis de visite et d’empêcher l’accès aux parloirs des visiteurs encourageant la violence ou le prosélytisme. L’article 5 permet à l’administration pénitentiaire de disposer d’outils juridiques pour détecter et lutter contre l’usage des téléphones portables : il crée un dispositif ad hoc lui permettant de recueillir les « données de connexion » relatives aux appels.

Si on m’en avait donné la possibilité, j’aurais proposé, par amendement, afin de tenir compte du nouveau cadre légal introduit par la loi relative au renseignement, de permettre à l’administration pénitentiaire de recourir aux techniques du renseignement et notamment de pratiquer des écoutes directement, comme le proposait le président Urvoas en commission, ou au moins sous contrôle du procureur, par parallélisme des formes avec l’écoute des points phones. Cette nouvelle possibilité ouverte au renseignement pénitentiaire aurait permis de mieux surveiller les détenus recourant aux téléphones clandestins, alors qu’aujourd’hui seulement 1 % de ces appareils est contrôlé par les services spécialisés.

L’article 6 ouvre à nouveau le débat sur l’opportunité de modifier la composition du Conseil national du renseignement, comme le suggérait le sous-directeur du renseignement pénitentiaire lors de son audition par le groupe d’études sur les prisons, en juin 2014. Je proposais, par amendement, d’intégrer également le renseignement pénitentiaire à la communauté du renseignement, suggestion à laquelle Didier Le Bret, coordonnateur national du renseignement, s’est d’ailleurs déclaré favorable – les députés de mon groupe ici présents, notamment Georges Fenech, Guy Geoffroy et Jean-François Lamour, s’en souviennent parfaitement.

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