La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
La parole est à M. Philippe Goujon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, redoutant l’examen d’un texte qui divise sur ces bancs et qui, surtout, pourrait créditer l’opposition d’une amélioration de notre dispositif antiterroriste, les députés socialistes ont préféré saborder le débat démocratique par le dépôt d’une motion de rejet préalable. Pourtant, la gravité des menaces ne permet pas d’y surseoir et ce texte aurait pu, au contraire, nous rassembler. C’est d’ailleurs dans cet esprit de responsabilité que l’opposition a voté tous les projets de loi sur le terrorisme et le renseignement pénitentiaire présentés par ce gouvernement, alors même que la réciproque n’a pas été vraie dans le passé.
Nul ne conteste que la radicalisation s’aggrave en milieu carcéral. Deux des auteurs des attentats de janvier, Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly, avaient purgé des peines d’emprisonnement. Il ne s’agit pas de cas isolés : Mohamed Merah et Mehdi Nemmouche avaient été incarcérés pour des délits de droit commun avant de se radicaliser en prison. Et pas plus tard que mardi, le braqueur de Saint-Ouen, qui a abattu un policier, était connu pour s’être radicalisé en prison. Ce phénomène s’accentue année après année. Faute d’établissements pénitentiaires en nombre suffisant, la surpopulation carcérale et la promiscuité qu’elle induit nourrissent la radicalisation et favorisent le prosélytisme.
Tous les syndicats de personnels pénitentiaires que j’ai auditionnés ont pointé les risques liés à l’explosion des téléphones portables clandestins, qui mettent en danger les personnels et favorisent les trafics. Nombreux sont les détenus qui continuent même, depuis leur cellule, à harceler les victimes en multipliant les appels malveillants. L’administration pénitentiaire, que j’ai également reçue en présence du cabinet de la garde des sceaux – qui d’ailleurs n’a jamais transmis à votre rapporteur les données techniques réclamées –, est loin de nier le phénomène : sa directrice a reconnu devant la commission d’enquête sur les filières djihadistes que l’introduction de portables en détention constituait un « véritable fléau », contre lequel il était difficile de lutter.
Dans ces conditions, les préconisations de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté visant à autoriser les téléphones portables dans les prisons sont tout à fait inadéquates. Les services de la Chancellerie ont, semble-t-il, été tentés, ce printemps, de céder à de telles préconisations, au moins pour ce qui concerne la semi-liberté. Pourtant, aucun des pays voisins ne pratique de la sorte.
Plus grave encore : ces smartphones autorisent aux détenus un accès sans contrôle à Internet. Cet accès démultiplie les sources radicales avec lesquelles les détenus peuvent entrer en contact : échanges de photos, accès aux réseaux sociaux et aux messageries instantanées, consultation de sites Web hébergés à l’étranger. C’est un danger considérable pour les personnalités les plus fragiles ou les plus instables. Les téléphones de dernière génération posent une difficulté supplémentaire, car les technologies de chiffrement utilisées empêchent tout accès aux données à quiconque ne possède pas le code de déblocage, que les géants de la téléphonie, Google et Apple, refusent de communiquer dans le cadre des procédures judiciaires.
La loi relative au renseignement n’a pas du tout résolu ce problème, ce qui fait dire au procureur de la République de Paris, M. Molins : « Soit Google et Apple proposent un dispositif nous permettant d’accéder aux données nécessaires aux investigations, sous l’autorité d’un magistrat, soit les pouvoirs publics devront tôt ou tard légiférer afin de les y contraindre. »
Cette proposition de loi aurait pu permettre de localiser les téléphones afin de les saisir lors des fouilles et de connaître le contenu des conversations.
J’appelle par ailleurs l’attention de la garde des sceaux sur la nécessaire généralisation de brouilleurs de nouvelle génération : elle a annoncé que dix établissements seraient équipés en 2015, mais qu’en est-il des 170 établissements restants ? Le manque de contrôle des parloirs est lui aussi très préoccupant : les fouilles ont été abandonnées et, faute de moyens humains, les conversations ne sont pas surveillées. Pourtant, il est avéré que Nemmouche, par exemple, a été approché pendant sa détention, puis mis en condition par des visiteurs qui ont largement contribué à sa radicalisation.
Face à ces phénomènes, l’administration pénitentiaire et ses personnels paraissent largement dépourvus des moyens juridiques indispensables à une lutte efficace. Des expériences de regroupement des détenus islamistes ont certes été menées afin de les isoler et de protéger les autres détenus, comme à Fresnes, grâce à la création d’une unité dite de prévention du prosélytisme en octobre 2014, suivie de quatre autres, selon les annonces du Premier ministre. Mais ce regroupement, souhaitable, ne correspond à aucun cadre légal précis ; les modalités en sont floues, tandis que le nombre de places se révèle toujours très insuffisant.
Mon groupe vous propose donc de garantir l’isolement effectif des détenus et de renforcer les moyens des services de renseignement pénitentiaire. L’article 1er de cette proposition de loi donne un fondement législatif à l’interdiction de disposer en prison de téléphones portables et, plus généralement, de terminaux – téléphones 3G ou 4G, tablettes ou ordinateurs – permettant un accès non contrôlé à Internet. Serait ainsi empêchée toute tentative de modifier, sans l’accord du législateur, les circulaires et les règlements intérieurs qui, seuls, excluent l’usage de ces appareils.
L’article 3 complète l’article 1er et vise à interdire les SMS, les e-mails, les messageries instantanées ou l’utilisation des réseaux sociaux. L’article 4 permet de retirer le permis de visite et d’empêcher l’accès aux parloirs des visiteurs encourageant la violence ou le prosélytisme. L’article 5 permet à l’administration pénitentiaire de disposer d’outils juridiques pour détecter et lutter contre l’usage des téléphones portables : il crée un dispositif ad hoc lui permettant de recueillir les « données de connexion » relatives aux appels.
Si on m’en avait donné la possibilité, j’aurais proposé, par amendement, afin de tenir compte du nouveau cadre légal introduit par la loi relative au renseignement, de permettre à l’administration pénitentiaire de recourir aux techniques du renseignement et notamment de pratiquer des écoutes directement, comme le proposait le président Urvoas en commission, ou au moins sous contrôle du procureur, par parallélisme des formes avec l’écoute des points phones. Cette nouvelle possibilité ouverte au renseignement pénitentiaire aurait permis de mieux surveiller les détenus recourant aux téléphones clandestins, alors qu’aujourd’hui seulement 1 % de ces appareils est contrôlé par les services spécialisés.
L’article 6 ouvre à nouveau le débat sur l’opportunité de modifier la composition du Conseil national du renseignement, comme le suggérait le sous-directeur du renseignement pénitentiaire lors de son audition par le groupe d’études sur les prisons, en juin 2014. Je proposais, par amendement, d’intégrer également le renseignement pénitentiaire à la communauté du renseignement, suggestion à laquelle Didier Le Bret, coordonnateur national du renseignement, s’est d’ailleurs déclaré favorable – les députés de mon groupe ici présents, notamment Georges Fenech, Guy Geoffroy et Jean-François Lamour, s’en souviennent parfaitement.
C’est aux sénateurs qu’il faut parler ! Nous, nous avions adopté cette disposition !
Nous sommes à l’Assemblée et je parle donc aux députés ! Mais parlez-en surtout au Gouvernement, que je n’avais pas encore critiqué ! M. Mennucci me donne l’occasion de rappeler que c’est à cause du Gouvernement que nous sommes dans cette situation.
Vous avez tort, mes chers collègues, de qualifier cette proposition de loi de « texte d’émotion » destiné à « occuper le terrain ». Quel culot, au moment même où la garde des sceaux a déclaré vouloir améliorer les lois sur les permissions de sortie au lendemain de la fusillade en Seine-Saint-Denis !
En l’occurrence, monsieur Pietrasanta, ce sera bien une loi d’émotion destinée à occuper le terrain en pleine campagne régionale, comme cela n’a échappé à personne. Et si ma mémoire est bonne, le Gouvernement que vous soutenez a présenté, à juste titre d’ailleurs, une loi sur le renseignement, deux lois sur le terrorisme et quelques autres dispositions de circonstance depuis que des attentats ont été perpétrés sur notre territoire, et nous avons voté ces textes.
Certains encore, parmi vous, ont argué de la loi relative au renseignement adoptée en 2015 pour dire que cette proposition de loi n’était plus pertinente, mais c’est exactement l’inverse ! Le compromis bancal arraché en commission mixte paritaire, auquel a fait allusion M. Mennucci et qui ne satisfait personne sauf peut-être Mme Taubira car il est très en deçà du projet de loi initial, ne permet même pas à l’administration pénitentiaire de recourir aux techniques spécialisées pour surveiller les correspondances clandestines. Et notre proposition de loi corrigeait précisément cette lacune, en reprenant d’ailleurs des amendements de la majorité.
Quant au reproche d’amalgamer utilisation des portables en détention et radicalisation, je citerai tout simplement un spécialiste, le juge Trévidic, lors de son audition par la commission d’enquête conduite par M. Ciotti et M. Menucci – je parle sous le contrôle de son rapporteur : il a pris comme exemples celui d’un détenu pour crime terroriste dans la cellule duquel on avait retrouvé trois portables en l’espace d’un mois et celui d’un autre détenu qui avait organisé avec des portables un projet d’attentat visant le championnat d’Europe de football – je parle en présence d’un champion olympique, M. Lamour, qui mesure la difficulté du sujet.
Selon le ministre de l’intérieur, 90 % des individus qui basculent dans le terrorisme le font par Internet. Le Coordonnateur national du renseignement a indiqué qu’environ 200 terroristes actuellement emprisonnés et sans doute libérés à partir de 2017 grâce aux réductions de peine – qui ne manqueront pas d’intervenir – risquaient d’ici là d’avoir tissé des réseaux en prison et de s’être encore davantage radicalisés. Nous ne pouvons pas nous permettre de négliger de les surveiller pendant le temps de la détention.
C’est pourquoi cette proposition de loi est essentielle. La commission des lois en a pourtant décidé autrement, en supprimant ou rejetant les sept articles ainsi que les quatre amendements portant article additionnel. Je vous en aurais proposé d’autres tenant compte notamment des débats en commission, mais j’en suis empêché puisque vous avez décidé de censurer l’opposition, redoutant un débat qui vous dérange sans doute, car démasquant les failles de votre dispositif. Je reste néanmoins convaincu que, comme cela s’est produit à chaque occasion, vous intégrerez ces propositions d’intérêt général à une loi future, que vous serez obligés de présenter à notre assemblée. Espérons simplement que, d’ici là, notre pays n’aura pas à souffrir d’autres drames sanglants.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, cette proposition de loi a été déposée en février 2015, à un moment très particulier de notre histoire récente. La majorité des dispositions proposées reviennent sur des débats qui ont déjà eu lieu depuis à l’occasion de l’examen de projets de loi, le Parlement ayant alors rejeté ces dispositions. Le Gouvernement n’a évidemment pas attendu pour agir. La sécurisation des prisons est ainsi l’une de ses priorités : un plan de sécurisation majeure des établissements pénitentiaires a été décidé dès 2013, pour 33 millions d’euros.
L’objectif de renforcement de la coopération et des échanges d’information a pleinement pris en compte, ces dernières années, le ministère de la justice et celui de l’intérieur.
Je veux rappeler ici les actions déjà menées par ce gouvernement en matière de renseignement :
Des circulaires conjointes, qui rappellent les circuits de communication de l’information entre les services, dont celle du 25 juin 2014 relative à la lutte contre la radicalisation violente et les filières djihadistes ;
La mise à disposition, depuis janvier 2015, d’un directeur des services pénitentiaires à l’Unité de coordination de la lutte anti-terroriste – UCLAT – du ministère de l’intérieur ;
La participation hebdomadaire de l’administration pénitentiaire aux réunions hebdomadaires de l’UCLAT et aux états-majors de sécurité départementaux ;
La signature d’un protocole avec l’UCLAT et la direction générale de la police nationale le 12 mars dernier ;
La signature de conventions avec la direction générale de la police nationale – DGPN – et la direction générale de la sécurité intérieure – DGSI – et d’un protocole avec la direction centrale du renseignement intérieur – DCRI – en 2012, qui a vocation à être réactualisé avec la DGSI ;
Un projet de convention est en cours avec le service central du renseignement territorial. D’autres protocoles sont susceptibles d’être formalisés avec, entre autres, la sous-direction de l’analyse opérationnelle de la direction générale de la gendarmerie nationale – DGGN – ou la Préfecture de police de Paris. Cela montre bien que la transversalité progresse dans l’administration, ce qui devrait être de nature à tous nous rassurer.
Par ailleurs, dans le cadre du plan de lutte antiterrorisme, un renforcement sans précédent des moyens du renseignement pénitentiaire a été opéré :
En administration centrale, avec la création d’une cellule de veille informatique et d’une cellule pluridisciplinaire de réflexion sur la radicalisation ;
Dans les directions interrégionales, avec la création de vingt-deux postes d’informaticiens et de quatorze emplois d’analystes veilleurs ;
Au sein des équipes d’intervention – création de140 postes, fouilles sectorielles plus fréquentes, renforcement des équipes régionales d’intervention et de sécurité – ERIS – par soixante-dix postes.
Enfin, un décret relatif à la mise en oeuvre des techniques de renseignement dans les établissements pénitentiaires et aux modalités d’échanges d’information sera publié dans les prochaines semaines, afin de faciliter et de formaliser les échanges entre les services de renseignement et l’administration pénitentiaire. Ainsi, le Gouvernement est particulièrement attentif à la sécurité des prisons et au renseignement pénitentiaire.
Les articles de cette proposition de loi ne font que reprendre des dispositions qui ont déjà été débattues et, jusqu’à présent, écartées. Ainsi, les articles 1er et 2, qui avaient été présentés sous la forme d’amendements notamment par vous, monsieur le rapporteur Goujon – dont on connaît l’assiduité et la compétence sur ces sujets –, ont néanmoins été rejetés par l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi relatif au renseignement.
L’article 4, relatif au refus du permis de visite pour prosélytisme, avait également été introduit par un amendement en commission des lois à l’Assemblée nationale, lors de l’examen du projet renforçant les dispositions en matière de lutte contre le terrorisme, puis supprimé par le Sénat, avant que cette suppression ne soit confirmée en commission mixte paritaire.
L’article 5 a un moment figuré dans le projet de loi renforçant les dispositions en matière de lutte contre le terrorisme lors du débat à l’Assemblée nationale avant d’être abandonné, une fois encore, en CMP.
Concernant cette dernière disposition, on peut s’étonner de la proposition d’une modification des pouvoirs de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement – CNCTR –, créée par la loi relative au renseignement, moins de deux mois après la promulgation de cette loi – 24 juillet 2015.
De plus, une partie de ces dispositions relève du pouvoir réglementaire et pourrait tomber sous le coup de l’article 41 de la Constitution, sur lequel nous sommes – nous, le Gouvernement, et vous, les parlementaires – de plus en plus interpellés.
Ces dispositions ne sauraient donc figurer dans la loi : elles viennent en effet interpréter la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Il n’y a pas lieu de légiférer pour interdire les téléphones portables et l’accès à Internet par les détenus, comme le prévoit l’article 1er : c’est déjà interdit par le règlement ! De telles dispositions tomberaient sous le coup de l’article 41 de la Constitution dont je viens de parler. Il y a lieu, sur ce sujet, d’être de plus en plus vigilant.
La loi pénitentiaire est également interprétée par les articles 3, qui définit la correspondance écrite, et 4, qui ajoute le motif de prosélytisme à ceux pouvant être invoqués pour refuser un permis de visite. Il n’est aucun besoin d’ajouter ce motif car les refus sont déjà motivés par le maintien du bon ordre ou de la sécurité, ou par la prévention des infractions.
En outre, l’article 6, qui prévoit un rapport dans l’année de la publication de la loi sur l’opportunité de modifier la composition du Conseil national du renseignement – CNR –paraît étrange pour trois raisons.
D’abord, cette disposition est sans rapport, avec la proposition de loi.
Ensuite, la composition du CNR est régie par l’article R 1122-7 du code de la défense et non par une disposition législative.
Enfin, l’intégration d’un représentant de l’état-major de sécurité de l’administration pénitentiaire au CNR supposerait préalablement que l’administration pénitentiaire fasse partie des services spécialisés du renseignement, hypothèse qui a été exclue lors de l’adoption définitive de la loi relative au renseignement. Par ailleurs, l’article 27 de cette même loi prévoit déjà une évaluation de cette loi dans les cinq ans à compter de sa publication : cette évaluation traitera vraisemblablement du CNR.
En ce qui concerne la garantie des libertés publiques, ce texte est problématique, car son article 2 restreint la protection des échanges entre les personnes détenues et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Comme vous le savez, l’instauration de ce contrôleur général est une garantie pour le contrôle et la bonne vie des prisons. La liberté de communication entre les détenus et ce contrôleur ne saurait donc être limitée. Nombre des échanges se font lors d’entretiens oraux et la modification du texte qui est proposée aboutirait à l’absence de protection de ces échanges.
Enfin, l’article 5 crée un système de recueil, en temps réel, des données dépourvu de garantie légale suffisante, le contrôle ex post de la CNCIS prévu par la proposition de loi ne pouvant être regardé comme satisfaisant au regard du niveau de protection requis constitutionnellement.
L’article 5 paraît donc, ainsi, contraire à la Constitution en ce qu’il ne procède pas à une conciliation équilibrée entre le respect de la vie privée et familiale d’une part, et l’objectif de prévention des atteintes à l’ordre public d’autre part.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement vous invite à ne pas adopter cette proposition de loi.
Monsieur le secrétaire d’État, vous venez de tenir un propos que je qualifierai de modéré, mais qui ne nous a pas appris grand-chose que nous ne sachions déjà et qui ne nous a pas paru convaincant quand il a tenté de démontrer l’inopportunité de cette proposition de loi.
Ce propos tranche néanmoins avec celui, moins nuancé, qu’a tenu en commission des lois Sébastien Pietrasanta, porte-parole du groupe socialiste, républicain et citoyen. Ce dernier n’a en effet pas hésité, le 30 septembre dernier, à nous accuser de tous les maux de la terre et à nous reprocher, en particulier, de multiplier, jour après jour, les propositions de loi et de nous livrer ainsi à un « concours Lépine » des propositions les plus démagogiques sur un sujet qui devrait tous nous rassembler ».
Oui, ce sujet devrait nous rassembler. C’est d’ailleurs pour cette raison que, de manière précise, concrète, argumentée – je veux saluer l’initiative et le travail de notre rapporteur Philippe Goujon –, nous essayons, tout simplement, d’apporter notre contribution à une action collective pour laquelle jusqu’à présent, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement ne peut pas dire qu’il nous ait pris en défaut de refus de solidarité avec lui, en tant que garant des libertés et de la lutte contre toutes les formes de terrorisme sur notre territoire.
Aujourd’hui, selon notre collègue Pietrasanta, nous voudrions réécrire l’existant. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez essayé d’étayer cette affirmation. Je dois dire que cela n’a pas été très éloquent et que je n’est pas été convaincu.
Vous dites que le règlement suffit et que la loi serait inutile. Vous allez même jusqu’à brandir l’article 41 de la Constitution pour nous opposer un motif d’inconstitutionnalité. Permettez-moi de dire qu’en la matière, votre propos est probablement inexact.
Le meilleur moyen de vérifier qui, de vous ou de nous, a raison est d’ailleurs peut-être de laisser le texte prospérer afin que le Gouvernement puisse demander au Conseil constitutionnel si, oui ou non, le Parlement a raison de se saisir de ce problème. Quel problème ?
C’est un problème lié à une liberté fondamentale, celle de communiquer. Or, s’agissant de cette liberté, donc de l’idée selon laquelle son usage pourrait être altéré, voir supprimé, pour certains de nos concitoyens, je ne crois pas que nous soyons très loin du cadre strictement édicté par l’article 34 de la Constitution. Nous sommes bien dans le cadre des libertés et droits fondamentaux.
Vous nous dites aujourd’hui que ces droits fondamentaux seraient assurés ou restreints par le règlement et que celui-ci suffit.
Et puis vous affirmez, comme l’a fait le groupe SRC en commission, qu’il n’y a pas de problème puisqu’en 2014, plus de 27 000 téléphones portables ont été saisis par l’administration pénitentiaire, plus de 23 000 l’ayant été en 2013. Circulez, il n’y a rien à voir : du fait de ces chiffres, qui en apparence sont importants, il n’y aurait plus aucun portable en prison !
Certes, 27 000 téléphones ont été saisis, mais pour quoi faire, et combien restent en circulation ? Le renseignement pénitentiaire n’a pas les moyens de lutter efficacement contre les intrusions d’objets illicites en détention. La réalité – que vous ne pouvez pas nier, même si, au fil du temps, nous y sommes tous pour quelque chose – c’est que les services de renseignement ne seraient en mesure de surveiller que dix portables sur 1 000 qui sont saisis, soit 1 %. Cette information, parue selon un article du Figaro le 26 juin dernier, n’a jamais été contestée.
Si elle avait du l’être, je pense que cela aurait été fait.
Je l’ai redit en commission des lois : j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec M. Jean-Marie Delarue, juste avant qu’il ne quitte ses fonctions. Dans le cadre d’un tête-à-tête qu’il avait bien voulu m’accorder, j’ai donc pu évoquer ce sujet avec lui. C’était tout à fait clair dans son esprit, et il assumait cette position de façon très honorable : il était favorable à ce que le téléphone portable soit désormais autorisé dans les établissements pénitentiaires.
Il avait argué du fait que, la justice ne se trouvant pas en capacité de mettre en oeuvre une véritable interdiction, mieux valait ne pas interdire !
Officiellement, la nouvelle Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, préconise, de son côté, un accès contrôlé et surveillé à Internet, dans des salles communes. Cette idée est même allée jusqu’à séduire certains membres de la commission des lois.
Mais la question se pose : quel intérêt aurait un détenu à se rendre dans une salle commune pour avoir un accès contrôlé, surveillé à Internet si la loi n’interdit pas l’usage des téléphones portables ? Ce détenu pourrait en effet tranquillement accéder à Internet depuis son téléphone portable quand il le veut, dans les conditions qu’il souhaite, sans aucun contrôle ?
Vous semblez nous prendre pour des agitateurs permanents de l’émotion populaire. Lorsqu’il s’agit de sujets d’intérêt crucial pour la nation, nous ne le sommes pas, et nous ne vous avons jamais fait le procès de l’être lorsque vous vous trouviez dans l’opposition.
Quelques exemples vous permettront de mesurer que le sujet n’est pas banal et que le problème se pose bel et bien.
En janvier 2015, des détenus des Baumettes ont fait scandale en alimentant régulièrement une page Facebook de photos et de vidéos. En mai 2015, une page semblable, également sur Facebook, est découverte à Nice. En juin 2015, c’est l’Agence France Presse, nullement contredite, qui raconte que les nouveaux arrivants en détention voient leur nom tapé sur Google et que les délinquants sexuels – dont on sait quel est le sort lorsqu’ils sont identifiés comme tels – peuvent être, de ce fait, mis en danger.
Et je rappellerai qu’en 2012, du fond de sa cellule, un sinistre individu dont le nom n’a échappé à personne, Youssouf Fofana, le chef du gang des barbares, aurait posté une quinzaine de vidéos antisémites sur Youtube.
Vous prétendez qu’il n’y a pas de problèmes ? Il y en a, et nous vous proposons d’avancer sur la voie de leur règlement grâce aux dispositions de cette proposition de loi.
Partant de ce secret de polichinelle selon lequel des détenus utilisent des portables en prison, nous voulons tout simplement non pas, comme vous voulez le laissez croire, occuper stérilement et de manière dérisoire le terrain de la lutte contre le terrorisme, mais compléter efficacement le dispositif et la réponse pénales.
C’est pourquoi notre proposition de loi pose le principe de l’interdiction d’utilisation d’un téléphone cellulaire ou d’un accès autonome et non contrôlé à Internet, ce qui permettra de garantir un « isolement électronique des détenus ».
Cette question concerne une liberté fondamentale et doit donc relever, si nous l’envisageons, de la loi et non pas du règlement.
Cette interdiction ne portera bien sûr pas atteinte au droit des détenus à communiquer avec les personnes autorisées par téléphone fixe à certains horaires, ni à correspondre par voie postale avec elles, cela faisant toutefois l’objet d’un contrôle quand c’est nécessaire.
Le texte vise également à renforcer les moyens du renseignement pénitentiaire, en donnant les moyens aux services compétents de procéder à l’interception, l’enregistrement et la transcription des communications électroniques et autres échanges effectués au moyen de terminaux cellulaires ou Internet clandestins – il y en a à la pelle en prison. Quoi que vous en disiez, ces moyens ont besoin d’être assis sur une interdiction législative, au nom – je le répète une dernière fois – de l’atteinte à une liberté fondamentale, que seule la loi peut autoriser.
Le texte propose enfin d’autoriser l’administration pénitentiaire à prendre toute mesure pour empêcher les détenus de s’adonner au prosélytisme terroriste. Vous conviendrez que cette mesure n’est pas totalement déraisonnable par les temps qui courent, compte tenu du risque permanent que ne cessent de nous rappeler à juste titre le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de l’intérieur.
Au final, ce que nous demandons par ce texte, ce n’est pas l’impossible, ce sont des progrès. Nous pensons faire preuve de réalisme et nous vous créditons de votre capacité à en faire preuve également en adoptant cette proposition de loi ou, au moins, ce que, visiblement, vous n’avez pas l’intention de faire, et je le regrette, en permettant qu’elle soit examinée au fond, article par article, amendement par amendement.
Si ces propos, ce que j’espère encore, peuvent vous avoir convaincus de l’importance d’aller jusqu’au terme du débat, nous aurons au moins apporté cet après-midi une pierre non négligeable à l’édifice de la lutte contre le terrorisme dans notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le drame de lundi matin en Seine-Saint-Denis vient nous rappeler combien la lutte contre la radicalisation en prison constitue un enjeu primordial en matière de sécurité.
La France dispose d’un arsenal juridique reconnu par ses voisins européens pour sa pertinence, mais l’évolution des causes et des caractéristiques du terrorisme nous oblige à adapter régulièrement notre législation. Tels étaient les objectifs de la loi du 21 décembre 2012, de celle du 13 novembre 2014 et, plus récemment, de celle du 24 juillet 2015 relative au renseignement.
La radicalisation en prison est l’un de ces phénomènes nouveaux que nous devons prendre en compte si nous voulons lutter avec efficacité contre le terrorisme.
Aussi, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui pose les bonnes questions. Comment permettre à l’administration pénitentiaire et à ses personnels de lutter avec efficacité contre le phénomène grandissant de la radicalisation et du prosélytisme en milieu carcéral ? L’isolement électronique et le renforcement des moyens de surveillance au sein des prisons peuvent-ils diminuer le phénomène d’embrigadement que l’on peut observer ?
Les trois premiers articles visent à compléter la réponse pénale en matière de mesures d’isolement des détenus condamnés pour terrorisme.
Il ne faut pas le nier, l’explosion du nombre de téléphones portables clandestins en possession de détenus représente un risque grandissant qui met en danger les personnels et favorise tous les trafics. Les smartphones permettent aux détenus de se connecter à Internet sans aucun contrôle. Ils sont une porte ouverte sur l’extérieur et donnent aux détenus un accès sans limite à l’un des principaux moyens d’embrigadement des terroristes.
Aujourd’hui, l’interdiction des téléphones portables n’est prévue que par les circulaires ministérielles et les règlements intérieurs des établissements pénitentiaires. Le décret du 30 avril 2013 énonce ainsi que l’utilisation ou la détention de téléphones portables ou de tout autre appareil communiquant est interdite. Inscrire une telle disposition dans la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, ainsi que le demandent les auteurs de la proposition, est une première étape pour lutter contre ce véritable fléau. Nous ne pourrons limiter l’utilisation de ces moyens de communication en prison si l’interdiction n’est pas clairement et définitivement inscrite dans la loi.
Le constat est le même pour les correspondances des détenus : l’interdiction de l’accès libre à Internet n’est pas inscrite dans la loi alors que nous savons tous que de nombreuses vocations naissent par ce biais. L’interdiction de l’accès libre à Internet pour les détenus doit être clairement posée. Il s’agit d’un préalable indispensable à une lutte efficace contre la radicalisation et le prosélytisme.
Certes, 27 524 téléphones portables ont été saisis par l’administration pénitentiaire en 2014. Et alors ? Ne s’agit-il pas de la partie visible de l’iceberg ? Face à des réseaux organisés et structurés, nous ne pouvons lutter efficacement si chaque lieu de détention développe sa propre politique. Le dire, c’est enfoncer une porte ouverte. C’est sur l’ensemble du territoire, en gravant cette interdiction dans le marbre de la loi, que nous pouvons être plus efficaces.
S’agissant des permis de visite, la loi de 2009 ne fait référence qu’à des motifs « liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions ». Il nous semble nécessaire de permettre au chef d’établissement ou au préfet de refuser d’accorder le permis de visite ou de le retirer dans le cas précis de prosélytisme avéré du visiteur en faveur de mouvements ou d’actions tendant à favoriser la violence ou le terrorisme. Incontestablement, notre législation doit être adaptée à ce récent phénomène de radicalisation. En l’état actuel des textes, elle ne l’est pas.
Quant au renseignement, aujourd’hui, l’administration pénitentiaire peut, sous le contrôle du procureur de la République, interrompre ou enregistrer les conversations téléphoniques passées par les détenus depuis les points phones, mais pas celles que ceux-ci peuvent passer avec des téléphones portables. L’article 5 de la proposition de loi vise donc à créer un dispositif permettant à l’administration pénitentiaire de recueillir les informations ou documents relatifs aux appels passés ou reçus par une personne détenue grâce à un téléphone portable clandestin.
Afin de tenir compte de l’adoption de la loi sur le renseignement, le rapporteur a proposé en commission de donner une base légale au recours, dans les prisons, à de nouveaux outils techniques, comme les IMSI-catchers. Il s’agirait ainsi de permettre à l’administration pénitentiaire de recueillir, au moyen d’un dispositif technique de proximité, les données de connexion des équipements terminaux utilisés ainsi que celles relatives à leur localisation.
Nous avons eu de longs débats sur le sujet, à l’initiative du Gouvernement, lors des discussions sur la loi relative au renseignement. Nos établissements pénitentiaires sont un terreau favorable au développement des menaces et des risques terroristes. Il est primordial de se doter d’un système de renseignement performant en prison, en inscrivant cet aspect dans la loi. Être informé, c’est anticiper la menace terroriste pour éviter des drames, et garantir ainsi la sécurité de notre pays, de nos concitoyens.
Mes chers collègues, au-delà de l’appareil répressif, le rapport de la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes publié le 2 juin 2015 pointe un aspect intéressant sur le lien entre les dispositifs de surveillance rapprochée et la radicalisation. L’encellulement des détenus mineurs, doublé d’une présence éducative renforcée, permettrait de limiter les influences négatives. Nous devons donc développer un suivi personnalisé des détenus pour déconstruire certains discours ou prévenir certaines dérives. Pour qu’un tel dispositif soit une réussite, il convient de renforcer les effectifs des surveillants pénitentiaires. Une mesure concrète ne peut être efficace sans les bons outils.
Les actions menées dans les prisons ne doivent pas détourner des efforts qui sont à réaliser dans le milieu scolaire, le milieu familial ou bien encore le milieu associatif. C’est à ces différents niveaux qu’il faut agir, avant qu’un individu ne décroche et ne sombre dans le cercle vicieux du terrorisme.
Vous l’aurez compris, le groupe UDI votera cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre pays est confronté à une menace inédite, celle du terrorisme. Environ 2 000 de nos ressortissants sont impliqués dans des filières djihadistes. Ce chiffre est alarmant et, à lui seul, résume l’ampleur jamais égalée de la menace. Empêcher nos jeunes de basculer dans un radicalisme ultra-violent est un combat qu’il faut mener. Le Gouvernement s’y est engagé et a déjà apporté des solutions.
Le plan anti-djihad du Gouvernement présenté en avril 2014 a permis d’intensifier la lutte contre le terrorisme. La mise en place du numéro vert a permis d’empêcher de nombreux départs.
Depuis le 29 avril 2014, 3 247 signalements concernant 3 113 personnes ont été pris en compte par ce centre, dont 1 950 cas émanant du numéro vert, 396 autres, soit 12,20 %, via le formulaire accessible sur le site Internet du ministère de l’intérieur, et 901 cas transmis par un service de renseignement territorial, par courriel, lorsque les signalants ont directement fait leur démarche dans un commissariat de police ou une brigade de gendarmerie. À ce chiffre s’ajoute celui des primo-signalés par les états-majors de sécurité, soit 4 001 cas, dont 749 mineurs, 930 femmes et 171 partis. Le bilan global est lourd : 6 951 signalés. Les femmes sont majoritaires puisqu’elles représentent 2 140 cas, soit 30,79 %.
La loi sur le terrorisme de novembre 2014, dont j’ai été le rapporteur, a permis de se doter de moyens législatifs supplémentaires pour lutter contre le djihadisme, La loi sur le renseignement adoptée en juillet dernier renforce les moyens techniques de nos services tout en préservant les libertés individuelles. À cela s’ajoute une augmentation des effectifs en matière de lutte contre le terrorisme. En janvier, le Premier ministre a annoncé plus de 2 600 recrutements sur trois ans dans les différents services et ministères.
Le contre-discours, la prévention et la déradicalisation sont aussi mis en oeuvre pour lutter à tous les étages contre la radicalisation et le passage à l’acte. Permettez-moi d’ailleurs de saluer le courage des familles, qui vivent un drame depuis le départ de leurs enfants. Elles ont décidé de s’unir, de réagir en apportant leur témoignage poignant et de sensibiliser notre jeunesse par des clips vidéos diffusés depuis hier dans les médias et sur le site « Stop djihadistes ». J’ai rencontré certaines de ces familles et je sais à quel point leur douleur est immense. Je leur apporte tout mon soutien.
Dans la lutte contre le terrorisme, nous partageons avec vous, monsieur le rapporteur, le souci d’être plus efficace en milieu carcéral et d’accroître le rôle du bureau du renseignement pénitentiaire mais, si nous partageons l’objectif, nous pensons que votre proposition de loi n’est pas suffisamment solide juridiquement, qu’elle est parfois contre-productive et ne prend pas en compte les débats et les apports de la loi sur le renseignement.
Le sujet du renseignement pénitentiaire est abordé par le petit bout de la lorgnette puisque vous ne faites référence qu’au seul IMSI-catcher. Vouloir résoudre un problème aussi sensible et complexe sous cet angle unique est particulièrement réducteur même si, personnellement, vous le savez, je suis favorable à un tel dispositif puisque j’ai cosigné avec Jean-Jacques Urvoas un amendement en ce sens lors de l’examen du projet de loi sur le terrorisme, sauf que je souhaite la création d’un véritable service de renseignement pénitentiaire, avec des personnels formés, permettant le recueil et l’analyse des données en milieu carcéral.
Pour empêcher les détenus de s’adonner au prosélytisme terroriste vous souhaitez autoriser l’administration pénitentiaire à prendre des mesures telles que le refus et le retrait de permis de visite, le contrôle du courrier postal. Vous réinventez l’existant. Le prosélytisme radical qui gangrène le milieu carcéral est déjà sanctionné par la loi de novembre 2014. Aujourd’hui, l’administration pénitentiaire a tous les droits pour éviter non seulement le prosélytisme, mais toutes les actions ou présences qui pourraient porter atteinte au bon ordre de l’établissement et pour prendre des sanctions. Le prosélytisme ne sera pas combattu avec vos propositions. Le problème est bien plus complexe que cela.
C’est un sujet sur lequel j’ai travaillé lors de la mission parlementaire sur la déradicalisation qui m’a été confiée.
Je me permets de dire quelques mots sur l’expérience pilote mise en place à la prison de Fresnes, qui consistait en un regroupement, dans une aile spéciale de la prison, des détenus condamnés ou en préventive pour terrorisme. Si cette expérience a permis d’endiguer le prosélytisme auprès d’autres détenus, elle doit être repensée et améliorée, car des difficultés sont apparues, comme le mélange de détenus prosélytes avec des détenus influençables, la formation du personnel ou l’absence de programme de déradicalisation.
Il est donc essentiel de catégoriser les détenus, entre les vrais leaders et ceux qui sont sous influence. Il convient d’éviter à tout prix que ces quartiers dédiés ne deviennent des quartiers de relégation, afin de ne pas aggraver les problèmes à la sortie de prison.
Pour être utile et efficace, la création de ces quartiers dédiés doit remplir plusieurs conditions : choisir les détenus pour éviter de mettre des prosélytes avec des détenus influençables ; ne pas exclure d’y mettre des « droits communs » radicaux ; proposer un programme de déradicalisation spécifique pour chaque détenu de ce quartier dédié ; former le personnel, notamment à reconnaître des signaux faibles, et apporter des moyens humains supplémentaires pour gérer les quartiers dédiés.
Nos actions de lutte contre le terrorisme sont sans précédent, et nous continuerons à agir avec détermination, pragmatisme et un grand sens républicain. En matière de lutte contre la radicalisation en prison et sur le renseignement pénitentiaire, nous souhaitons être plus efficaces et plus ambitieux que ne l’est votre texte dont, vous l’avez compris, nous souhaitons le rejet.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
J’ai reçu de M. Bruno Le Roux et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Sébastien Pietrasanta.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, cette motion de rejet préalable vise à rejeter un texte dépassé, inutile, décalé, voire contre-productif ;…
…un texte qui souligne une fois de plus le goût de l’opposition de nier les progrès indéniables faits par ce gouvernement et par cette majorité parlementaire pour trouver et mettre en oeuvre des réponses adaptées à la menace terroriste.
Ce texte est dépassé, car votre proposition de loi a été conçue en février 2015, soit quelques mois après la loi sur le terrorisme du 13 novembre 2014 que votre groupe a votée, et surtout quelques jours après les attentats de janvier 2015, comme s’il fallait à tout prix occuper le terrain. Dépassé encore, dans la mesure où votre proposition de loi a été inscrite à l’ordre du jour par votre groupe, après l’adoption de la loi relative au renseignement, au sujet de laquelle vous vous êtes particulièrement divisés.
Ce texte solide, validé par le Conseil constitutionnel, a permis d’aborder des questions fondamentales sans détours et de proposer des solutions efficaces et protectrices des libertés individuelles. Vous souhaitez donc relancer un débat déjà mené et déjà tranché. Appliquons-nous plutôt la règle du non bis in idem !
Ce texte est également inutile, puisqu’il réinvente l’existant. Vous voulez interdire, dans la loi, les téléphones portables dans l’enceinte des établissements pénitentiaires, alors que cette interdiction existe déjà, réglementairement. Elle est effective et bien réelle puisqu’en 2014, 27 524 téléphones portables ont été saisis par l’administration pénitentiaire contre 23 495 en 2013. Une interdiction législative ne résorbera en rien ce trafic.
Or, vous ne suggérez, hélas, pas d’autre solution crédible.
Votre texte est décalé, puisqu’il fait fi des exigences de terrain et qu’il ne semble pas à même de répondre à votre ambitieux exposé des motifs. Vous vous bornez à évoquer la question des téléphones portables et des autres moyens de communication – correspondance, tablette et Internet – dont vous savez qu’ils sont interdits, même si leur circulation en milieu pénitentiaire reste une réalité. Je le répète, remplacer une interdiction réglementaire par une interdiction légale ne me paraît pas de nature à modifier cette réalité.
Mais elle est également contre-productive, puisqu’elle empêcherait dans l’absolu le contrôle des communications de certains détenus à l’intérieur de l’établissement comme vers l’extérieur. Vous souhaitez collecter le renseignement en prison grâce à l’écoute des portables, tout en voulant éradiquer ces derniers. Faut-il ou non favoriser le renseignement ? Vous le voyez, le sujet est bien plus complexe.
Nous devons éviter les caricatures et rester pragmatiques. La question de l’utilité pour le renseignement pénitentiaire des portables et des autres moyens de communication n’a pas à être tranchée avant d’avoir été posée.
Votre volonté de limiter la capacité des détenus à correspondre avec le Contrôleur général des lieux de privation des libertés va à l’encontre de la convention européenne des droits de l’homme. Il en va de même pour les permis de visite. Un pouvoir d’appréciation suffisant de longue date est déjà conféré au directeur de prison, afin d’assurer la sécurité et le bon ordre dans son établissement. Vous préférez introduire une notion sujette à contentieux pour fragiliser le dispositif existant.
Vous avez cependant raison de souligner l’importance du rôle du renseignement pénitentiaire. Du reste, le Gouvernement a annoncé sa montée en puissance avec la création de 111 équivalents temps plein. Nous aurons à très court terme une structuration importante du bureau de renseignement pénitentiaire qui s’est d’ailleurs réorganisé il y a quelques semaines. Nous en parlerons, je l’espère, au moment de l’examen de la mission « Justice ».
Mais votre texte est très loin des véritables problèmes qui touchent à la communauté du renseignement, dans laquelle le renseignement pénitentiaire pourrait prendre toute sa place. Là encore, il semblerait que vous n’ayez pas intégré les apports de la loi relative au renseignement. Vous confondez d’ailleurs la communauté du renseignement et le Conseil national du renseignement, qui sont deux choses distinctes.
Vous nous proposez une loi censée régler d’un trait de plume un problème d’actualité sensible et complexe. Vous en appelez à la fermeté de principe tout comme nous. Malheureusement, et je le regrette, votre proposition de loi ne tient nullement compte ni du droit existant, ni des règles pénitentiaires européennes, ni même des problématiques que vous avez vous-même définies.
Tout a été dit pendant la discussion générale. Assurément, le renseignement pénitentiaire est un sujet important et sérieux. J’en veux pour preuve tout le travail que nous avons mené autour de la loi sur le renseignement. La lutte contre les mafias, les bandes organisées et le terrorisme, qui sont souvent liés, constitue un sujet très important, comme chacun en conviendra.
Mais chacun conviendra aussi que l’on ne peut le traiter au détour d’une proposition de loi de sept articles. Nous avons bien compris votre objectif, monsieur le rapporteur : vous voulez remettre le sujet à l’ordre du jour pour défendre à nouveau un amendement à la loi sur le renseignement qui était certes très intéressant, mais qui n’a pas été retenu dans l’économie du texte que nous avons adopté. Pour toutes ces raisons, nous demandons à l’Assemblée de voter cette motion de rejet préalable fondée, vous l’avez bien compris, sur un problème de méthode.
Inutile de vous dire que les arguments de M. Pietrasanta ne m’ont pas convaincu. Les rabâcher n’en fait pas pour autant une vérité !
Personne ne peut contester ici l’intérêt, voire la nécessité d’aller plus loin dans la lutte antiterroriste, et tout particulièrement contre le radicalisme en prison. Je ne reviendrai pas sur la plupart des arguments de M. Pietrasanta, que j’ai déjà contrés dans mon intervention en discussion générale et que plusieurs orateurs ont également déconstruits. Je regrette simplement qu’en recourant à une motion de procédure, la majorité de gauche interdise le débat sur un sujet de cette importance.
Contrairement à ce que vous avez prétendu, monsieur Pietrasanta, ce texte ne vise pas à occuper le terrain et ce n’est pas non plus un texte d’émotion. Nous reprenons en effet des amendements, que je défends, pour certains d’entre eux, depuis des années, car, de l’aveu de tous, le débat est loin d’être tranché. J’ai même repris des amendements dont vous avez été vous-même l’auteur. Un sujet aussi essentiel que l’intégration du renseignement pénitentiaire dans la communauté du renseignement, souhaitée par plusieurs parlementaires, dont le prestigieux président de la commission des lois, ne me paraît pas pouvoir se passer de débat.
Nous proposons un véhicule législatif approprié. Le règlement ne suffit pas, non plus que la circulaire qui prévoit dans son texte même l’interdiction des portables, tout en suggérant que des évolutions sont envisageables. Cela est très dangereux, d’autant que la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a fait des déclarations appelant à l’autorisation des portables en prison et qu’il existe un projet, certes avorté, mais qui est encore dans un tiroir de la chancellerie, pour permettre l’utilisation des portables dans les quartiers de semi-liberté.
Le texte n’a évidemment pas l’ambition de régler tous les problèmes de la radicalisation en prison, mais il est faux d’affirmer que la loi relative au renseignement l’a rendu caduc, puisque personne, à l’exception peut-être de la garde des sceaux, n’est satisfait du compromis de la commission mixte paritaire, qui ne permet pas, contrairement d’ailleurs aux intentions du projet de loi initial, de surveiller les communications clandestines des détenus, dont 20 % sont employées à poursuivre des activités délinquantes et nuisibles.
Jean-Jacques Urvoas lui-même a reconnu en commission, tout en appelant à la poursuite du débat en séance, que cette proposition de loi posait des problèmes intéressants. Il mène lui-même des études de législation comparée, en vue de futures propositions législatives, ce en quoi il a parfaitement raison. Nous étudierons ces perspectives avec lui. Certains amendements proposés sur ce texte permettent précisément de l’actualiser pour tenir compte de la loi renseignement, comme nous l’avions vu en commission.
Le président de la commission des lois a parlé de texte d’appel, nous invitant, par conséquent, à en débattre. Afin de faire oeuvre utile pour nos concitoyens, intégrons donc des propositions issues de vos réflexions, chers collègues, car dans ce domaine tout retard peut coûter des vies. Vous dissiperez aussi toute suspicion sur une éventuelle autorisation des portables en prison, laquelle ne sera pas levée tant qu’il n’y aura pas de dispositions législatives. Un jour viendra, sans doute assez proche, où la plupart de ces dispositions seront reprises dans un texte proposé par votre propre majorité ou par le Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe Les Républicains.
Beaucoup de choses ont été dites, sans épuiser le sujet. La dernière intervention de Sébastien Pietrasanta a bien montré que tous les arguments employés pour lutter contre notre initiative butaient sur les réalités et qu’il n’y en avait pas beaucoup pour justifier qu’il fallait repousser ce texte ou, pis encore, ne même pas l’étudier.
Je reviendrai sur deux des arguments avancés par notre collègue. Vous nous dites d’abord, monsieur Pietrasanta, que ce texte est la reprise d’un amendement qui a déjà été soumis puis refusé. Circulez, il n’y a rien à voir ! Un amendement rejeté le serait donc pour l’éternité ! J’en prends bonne note. Heureusement qu’au sein de chaque majorité et que d’une majorité à l’autre les esprits évoluent pour finir par se rencontrer quand l’essentiel est en jeu.
Votre deuxième argument est en totale contradiction avec le premier. D’après votre conclusion, la motion de rejet préalable serait fondée essentiellement sur un problème de méthode. On pourrait en déduire que le fond est appréciable, et que vous ne seriez donc pas opposé à l’adoption de notre texte ! J’avoue ne pas vous comprendre : quand la méthode est la vôtre, et que nous tentons d’améliorer votre texte par des amendements, vous nous dites que cela n’est pas bon, et quand la méthode est entre nos mains sur un sujet dont vous semblez reconnaître le bien-fondé, vous nous dites que c’est la méthode qui ne va pas ! Incontestablement, votre argumentation est un peu pauvre !
J’espère qu’il y aura, dans chaque groupe, des élus qui auront envie que l’examen de ce texte aille à son terme, pour que chacun puisse assumer sa responsabilité sur chaque article, sur chaque amendement et sur le texte lui-même. Je souhaite donc que cette motion soit rejetée.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. Philippe Gomes, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, je serai bref puisque l’ensemble des arguments ont déjà été exposés. J’ai retenu que notre collègue qui défendait la motion de rejet préalable nous indiquait que cette proposition de loi était à la fois inutile, dépassée et contre-productive.
Serait-il donc dépassé de s’adapter au développement de moyens de communication qui, par la radicalisation qu’ils permettent d’opérer, contribuent à la fragilisation de notre démocratie et de notre république ?
Serait-il donc inutile de graver dans le marbre de la loi ce qui n’existe aujourd’hui que dans les règlements intérieurs des prisons ou dans les circulaires ministérielles ?
Enfin, serait-il contre-productif de tenter de s’adapter au développement du terrorisme et de la radicalisation dans nos prisons ?
Bien évidemment, nous ne partageons pas cette opinion, et nous voterons donc contre cette motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La motion de rejet préalable, mise aux voix, est adoptée.
Je suis tout de même content d’être venu, monsieur le président de la commission.
Sourires.
L’Assemblée ayant adopté la motion de rejet préalable, la proposition de loi est rejetée. Il n’y aura pas lieu de procéder au vote solennel décidé par la Conférence des présidents.
L’Assemblée ayant adopté la motion de rejet préalable, la proposition de loi est rejetée. Il n’y aura pas lieu de procéder au vote solennel décidé par la Conférence des présidents.
La parole est à M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État aux relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, nous achevons avec ce texte la série des propositions de loi présentées, dans le cadre de l’initiative parlementaire, par le groupe Les Républicains. J’avoue être particulièrement honoré d’être le rapporteur de ce texte que nous vous devons, monsieur le président Le Fur, et nous sommes un certain nombre à avoir soutenu votre initiative tout en notant qu’elle s’inscrit dans une démarche partagée : je voudrais saluer à ce propos notre collègue Patrick Mennucci ici présent qui, dans le cadre des missions que lui a confiées notre assemblée, a abouti à des conclusions identiques aux nôtres, ce qui a amené, la semaine passée, notre commission à adopter le texte à l’unanimité.
Cette proposition de loi a un objectif simple : elle comporte un article unique qui vise à rétablir le dispositif qui, jusqu’à l’abrogation de la réglementation en vigueur en 2012, soumettait le franchissement des frontières françaises par un mineur à l’autorisation de ses parents. Une circulaire a été publiée en novembre 2012, probablement à l’issue de conclusions malencontreuses et malvenues, d’une mauvaise interprétation – on a cru tirer les conséquences de la loi du 9 juillet 2010 – qui, je l’espère, sera corrigée aujourd’hui.
Il se trouve, personne ne l’ignore, que je connais bien cette loi pour en avoir été un des initiateurs et le rapporteur, loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants. Elle a été adoptée à l’unanimité. Elle comportait une disposition visant à protéger les enfants des suites d’un couple qui aurait mal tourné et qui, n’existant plus, serait malgré tout encore confronté à des tourments, la plupart du temps en raison de la problématique des enfants. L’objectif de cet article était qu’un enfant ne puisse pas être enlevé et séquestré par l’autre parent à l’étranger. Il s’agissait d’un point fort de la protection des enfants dans le cadre des violences intrafamiliales. Conçue pour mettre un terme aux enlèvements d’enfant dans les couples où les choses se passent mal, cette loi répondait à une évidence : la querelle de famille qui dégénère, le parent qui emporte l’enfant à l’étranger, l’autre parent qui reste en France, désemparé, et la justice de notre pays qui fait tout, avec les moyens qui sont les siens, pour batailler avec les institutions locales qui partagent plus ou moins – et, disons-le, plutôt moins que plus – notre conception du droit. Pour l’éviter, le législateur a donc créé des procédures d’inscription préventive des enfants au fichier des personnes recherchées, afin que la police les arrête à la frontière.
Le Gouvernement, et je ne souhaite pas lui en tenir rigueur, a dès lors supprimé l’autorisation de sortie du territoire signée des parents dont devait être muni un mineur qui quittait seul le territoire, parce qu’il considérait que le problème était réglé. Mais force est de constater aujourd’hui que toutes les situations ne sont pas comparables. La loi de 2010 traite un cas particulier, celui d’un parent qui agit contre l’intérêt de ses enfants. Elle ne saurait s’adapter au cas général, celui dans lequel un parent veut évidemment a priori le bien de ses enfants. Or, c’est bien du rôle des parents dont il s’agit, de leur responsabilité de déterminer ce que peuvent ou non faire leurs enfants.
L’autorisation de sortie du territoire était exigée, jusqu’en 2012, pour le passage de tout enfant quittant la France sans ses parents, qu’il le fasse seul ou en groupe. Elle était visée, suivant les cas, par le maire, le préfet, le directeur de l’école. Ceux qui, comme moi, ont eu le grand honneur de diriger un établissement scolaire savent que cela se passait facilement, que les procédures étaient connues, huilées, et qu’elles ne créaient pas de préjudice particulier. Tout le monde comprenait que quand un mineur quittait le territoire, accompagné éventuellement par des enseignants, il était naturel que les parents aient au préalable donné leur autorisation.
En supprimant cette disposition, on a donc aligné le droit des mineurs sur celui des majeurs : si un enfant veut quitter la France tout seul, il n’a dorénavant besoin pour se rendre en Europe ou dans des pays partenaires de la France, que de sa carte d’identité. Il n’y a même pas d’âge limite : les adolescents sont donc concernés, et même les petits enfants. Cette situation est incontestablement préjudiciable, malvenue. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité, avec notre proposition de loi, rectifier cette bévue que j’espère involontaire et qui étonne à bon droit tous ceux qui ont eu, dans leur vie personnelle ou professionnelle, la responsabilité d’enfants. Je citerai quelques exemples : la Belgique a, elle, conservé l’autorisation de sortie du territoire, son ministre de l’intérieur indiquant plusieurs fois ne pas en voir la nécessité ; certains, au sein du Gouvernement, semblent en désaccord avec la situation actuelle – je n’insisterai pas, faisant simplement remarquer que la ministre de l’éducation nationale, par une prudence et une sagesse qu’il faut saluer, a donné consigne à ces personnels de maintenir la pratique antérieure pour les voyages scolaires.
À ces considérations, il convient bien sûr d’ajouter le contexte international. Des mineurs ont de tout temps fugué, pour toutes sortes de raisons, quelquefois très ennuyeuses sur le moment et qui se révèlent ensuite beaucoup plus légères dans leurs conséquences, mais, aujourd’hui, des fugues se produisent pour des raisons déplorables et dangereuses pour les intéressés eux-mêmes : je pense à l’appel au djihad, mené par des réseaux voués à endoctriner la jeunesse qui sévissent sur Internet, facilitant ainsi le départ de jeunes victimes vers le Moyen-Orient. La presse nous rétorque que cela ne concerne qu’une vingtaine de cas, mais je lui réponds, et je ne suis pas le seul, que si les dispositions que nous devons voter aujourd’hui permettent de priver un seul de ces enfants de cette sortie de territoire qui le condamne à des actes terribles pour lui-même et pour les autres, ce serait déjà une oeuvre tout à fait utile.
Les élus que nous sommes peuvent confronter leurs opinions sur toutes sortes de sujets – nous venons d’ailleurs de le faire sur des sujets connexes depuis ce matin. Mais en ce qui concerne la protection des plus faibles, nous avons une obligation de consensus, une obligation à laquelle nous n’avons pas de difficulté à satisfaire quand nous le voulons : les lois sur l’égalité homme-femme et sur la protection de l’enfance comptent parmi celles sur lesquelles nous sommes toujours capables de parvenir à un consensus, souvent traduit par une belle unanimité. Ce fut encore le cas, je tiens à le souligner, monsieur le secrétaire d’État, en commission des lois la semaine passée. J’ai apprécié, je le redis dans l’hémicycle, les propos tenus par nos collègues du groupe majoritaire – je pense à Patrick Mennucci – qui ont reconnu que notre proposition rejoignait exactement la leur et qu’il n’avait pas matière à refus, d’autres collègues les rejoignant après avoir eu écho de la position du Gouvernement.
Nous avons ce matin été saisis en commission d’un amendement du Gouvernement visant à réécrire l’article unique. La commission a unanimement décidé de rejeter cette proposition de nouvelle rédaction, estimant qu’il fallait conserver celle qu’elle avait adoptée. J’ai constaté au vu des documents qui nous ont été remis que le Gouvernement a bien compris quelle était la détermination de la commission des lois et probablement de l’Assemblée tout entière, et qu’il va nous proposer cet après-midi le même amendement, non pas pour remplacer l’article unique mais au titre d’un article additionnel. Je dois vous dire, sans avoir consulté la commission puisque nous n’avons bien évidemment pas pu nous réunir depuis ce matin, que votre proposition, monsieur le secrétaire d’État, éventuellement assortie de quelques modifications bien modestes sur lesquelles je reviendrai, recevra le soutien du rapporteur et, dans l’esprit qui a présidé à nos débats, probablement celui de la commission et de l’ensemble des membres de cette assemblée.
Je crois que nous sommes à quelques minutes d’une décision qui fera date, car est sera importante dans son principe. Personne ne pourra dire que la méthode utilisée n’était pas la bonne. J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que vous apprécierez à la fois la détermination, mais aussi l’esprit d’ouverture de la commission, et que vous saurez, par vos propos, garantir que le travail que nous avons fait sera soutenu par le Gouvernement pour le plus grand bien des enfants concernés et de la nation tout entière.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d’abord à excuser l’absence du ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, qui aurait vraiment souhaité être parmi nous mais qui est retenu, comme vous le savez sans doute, par le Conseil « Justice-Affaires Intérieures », dans des circonstances dont chacun évidemment mesure l’importance au plan européen.
Le Parlement est saisi d’une proposition de loi qui a pour effet de revenir sur la circulaire du 20 novembre 2012 relative à la décision judiciaire d’interdiction de sortie et à la mesure administrative conservatoire d’opposition à la sortie du territoire. Cette circulaire a supprimé les autorisations de sortie du territoire pour les mineurs non accompagnés de leurs parents, auparavant prévues par une circulaire du 11 mai 1990. Par cette initiative, l’opposition propose d’inscrire dans la loi une mesure relative à une circulaire, ce qui relève d’une conception originale de la hiérarchie des normes, conception à propos de laquelle j’ai rappelé tout à l’heure que l’article 41 de la Constitution s’impose à toutes et à tous, et de plus en plus : ni le Parlement, ni le Gouvernement – lui aussi concerné, je vous en donne acte – ne devrait s’estimer diminué dans son action législative par l’impossibilité d’introduire dans nos débats des mesures qui ne sont pas de l’ordre du législatif.
Mais j’ai bien compris, monsieur le rapporteur, que vous souhaitiez que nous allions au fond des choses, au-delà du formalisme juridique, même si cet aspect a tout de même de l’importance.
Je note d’ailleurs que le Sénat a décidé d’intervenir, en vertu de l’article 41 de la Constitution. Les parlementaires connaissent bien l’article 40, qui dispose qu’un amendement est irrecevable s’il ne prévoit pas de financement. Quant à l’article 41, il inscrit l’irrecevabilité des propositions et amendements qui ne sont pas du domaine de la loi dans nos principes constitutionnels. Beaucoup a été dit à ce sujet, notamment par le Conseil constitutionnel. Je fais là une incise…
Je ne me le permettrais pas, car mes connaissances sont assez limitées en la matière ! Je souhaite cependant appeler l’attention des parlementaires sur le fait que nous devrons nous astreindre – je parle aussi pour le Gouvernement – à une discipline beaucoup plus rigoureuse au regard de l’article 41. De la même façon, le Conseil d’État et le Secrétariat général du gouvernement interviennent sur les projets de loi afin d’assurer le respect des normes législatives. L’incise, sans doute un peu longue, me semble importante dans le cadre de cette discussion.
Cette proposition de loi a pour objet d’interpeller le Gouvernement sur l’autorisation de sortie de territoire et les raisons de sa suppression. C’est du moins ainsi que je la comprends, avant d’essayer d’y répondre. Une telle mesure figurait dans les conclusions de la commission d’enquête parlementaire sur la surveillance des filières et des individus djihadistes présidée par Éric Ciotti et dont Patrick Mennucci était le rapporteur. Ce rapport a été adopté à l’unanimité des membres de la commission. Ils ont eu raison, puisque le travail réalisé par la commission a été tout à fait remarquable…
...et que le rapport précieux, approfondi, fouillé qui en a découlé continue d’influencer très positivement l’action du Gouvernement.
Un grand nombre de ses mesures ont d’ailleurs été adoptées dans la loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme du 13 novembre 2014 ; d’autres l’ont été le 24 juillet 2015 dans la loi relative au renseignement. Beaucoup a été fait en matière de police administrative, mais, c’est vrai, il reste encore beaucoup à faire, y compris en matière de lutte contre la radicalisation, notamment en matière carcérale.
Votre rapport constitue donc, monsieur Mennucci, une source majeure d’inspiration pour l’action du Gouvernement. Il suggère — c’est l’objet de la proposition de loi d’aujourd’hui – de rétablir l’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs non accompagnés. Interrogé par la commission d’enquête parlementaire, le Gouvernement avait à cette occasion exprimé certaines réserves, qui méritent, il est vrai, d’être étayées.
Tout d’abord, le Gouvernement souhaite livrer à la représentation nationale un élément de contexte. À ce jour, le nombre estimé de mineurs français présents sur les théâtres d’opération en Syrie et en Irak s’élève à 89, dont 53 jeunes filles. Quatorze mineurs combattent actuellement dans ces pays et cinq y sont décédés depuis le début du conflit. En outre, la plupart de ces mineurs peuvent avoir été embarqués par des familles, donc avoir obtenu l’approbation de leurs parents. Cet élément de discussion n’enlève rien à la situation dramatique que j’ai décrite précédemment.
Cette proposition de loi peut donc concerner un nombre très important de mineurs, évalué à 13 millions, alors qu’elle ne cible en réalité qu’une infime minorité d’entre eux – heureusement. En outre, la mesure qu’elle restaure avait essentiellement pour objet de venir appuyer l’exercice de l’autorité parentale par les parents. Dès lors qu’un mineur dispose d’un passeport, il est considéré comme bénéficiant d’une présomption d’autorisation de sortie du territoire, ce qui réduit encore la portée de cette disposition.
Comme vous l’aviez dit tout à l’heure, monsieur le rapporteur, si le Parlement fait le choix d’adopter cette mesure, il devra être conscient de la difficulté de l’appliquer dans l’espace Schengen, puisqu’elle n’est pas reconnue au niveau européen, à moins d’inscrire l’ensemble des mineurs ne bénéficiant pas d’autorisation parentale de sortie. Cela représenterait plusieurs millions de noms dont la saisie et la gestion dans les fichiers Schengen seraient très lourdes.
Enfin, si le Gouvernement n’a pas souhaité conserver ce dispositif, c’est parce qu’il reposait sur des autorisations délivrées par les mairies et matérialisées par des documents aisément falsifiables. Comme vous l’indiquez dans l’exposé des motifs de votre proposition de loi, il s’agit de rétablir le dispositif existant avant 2012. En adoptant cette proposition de loi, le législateur fera donc porter sur les mairies le traitement de ces dossiers : au regard de la situation, les maires endosseront une responsabilité considérable en cas de dossiers falsifiés.
Il pourrait dès lors être envisagé de sécuriser ce document en prévoyant sa légalisation par une autorité. Mais ce dispositif impliquerait l’accueil potentiel de 13 millions de mineurs et de leurs familles, afin d’authentifier la signature des deux titulaires de l’autorité parentale, et non d’un seul comme pratiqué jusqu’à présent. Les préfectures pourraient ainsi être chargées de cette activité, mobilisant un grand nombre d’agents et de guichets, avec une saisonnalité sans doute très marquée.
Il n’est pas possible d’évaluer la volumétrie de l’activité : à titre indicatif, la réception et l’instruction de demandes annuelles pour seulement 10 % des mineurs français, soit 1,3 million de mineurs susceptibles d’être concernés, à supposer qu’elles nécessitent dix minutes par dossier, mobiliserait en préfecture plus de 150 agents en équivalent temps plein. Vous comprendrez, mesdames et messieurs les députés, que cette hypothèse est difficilement acceptable car la charge financière induite la rendrait irrecevable.
Enfin, il faut avoir à l’esprit que cette mesure pénaliserait des millions de familles, notamment celles dont les parents sont séparés ou divorcés, ou séparés géographiquement pour des raisons diverses, où les autorisations expresses des deux parents se révéleront de fait difficiles à réunir. Et on pourrait multiplier les interpellations administratives sur ce sujet.
La suppression des autorisations de sortie du territoire a été rendue possible par le renforcement du dispositif de protection des mineurs prévu par la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants. Ce dispositif, qui ne visait évidemment pas l’objet dont nous parlons aujourd’hui, permet d’assurer la protection des mineurs par une procédure judiciaire et une procédure administrative réservée aux cas d’urgence. Ces deux procédures entraînent le signalement du mineur au fichier des personnes recherchées et au système d’information Schengen.
Il existe donc un dispositif administratif, l’opposition à la sortie du territoire prononcée par le préfet, et un dispositif judiciaire, l’interdiction de sortie du territoire, qui peut être prononcée par le juge aux affaires familiales et le juge des enfants.
Conscient que le dispositif prévu restait insuffisant pour prévenir le départ de mineurs en dehors d’un conflit familial, le Gouvernement a mis en place par une instruction ministérielle du 5 mai 2014 un dispositif d’opposition à la sortie du territoire national d’un mineur sans titulaire de l’autorité parentale, d’une durée de six mois renouvelable. Cette mesure est inscrite au fichier des personnes recherchées, le FPR, et au système d’information Schengen, le SIS, à la demande d’un parent lorsque ce dernier craint un départ vers des zones de conflit. Dans les faits, 74 oppositions à la sortie du territoire sans titulaire de l’autorité parentale ont été inscrites au FPR depuis mai 2014 et 18 interdictions de sortie du territoire ont été prononcées sur le fondement du code de la sécurité intérieure, modifié par la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.
Les dispositifs existants, jugés plus performants que l’autorisation de sortie du territoire, permettent aux parents de demander le signalement de leur enfant au FPR auprès des services de police et de gendarmerie en cas de disparition, mais aussi de pouvoir signaler le risque de départ de leur enfant avant même qu’il ne se concrétise.
À travers cette proposition de loi, mesdames et messieurs les députés, vous démontrez votre volonté d’accroître l’efficacité de l’action publique afin de prévenir les départs. Cet objectif est bien naturellement partagé par le Gouvernement. Les départs vers les théâtres d’opérations terroristes sont des allers simples vers la mort – mort physique, mort psychologique, et sans doute mort morale. Il est de notre devoir de concevoir les dispositifs les plus efficaces pour lutter contre eux.
Le Gouvernement, vous l’avez compris, émet des doutes sérieux sur le caractère effectif du dispositif prévu par la proposition de loi et regrette les contraintes qu’il crée pour l’extrême majorité des mineurs non concernés par cette problématique. Il partage toutefois pleinement son objectif et comprend le message que souhaite adresser la représentation nationale. Aussi s’en remet-il au Parlement quant au vote de l’article 1er.
Le Gouvernement souhaite également tirer profit de ce texte pour intensifier les dispositifs existants, qui s’appuient sur le FPR et sur le SIS, pour empêcher les départs. C’est l’objet de l’amendement que nous proposons.
Cet amendement vise à renforcer l’interdiction de sortie du territoire en complétant l’article 375-5 du code civil afin de permettre au procureur de la République, en cas d’urgence, de prononcer une interdiction de sortie du territoire provisoire, assortie d’une inscription au fichier des personnes recherchées, comme mesure de protection du mineur. En l’état actuel du droit, seule l’autorité parentale peut initier l’opposition à la sortie du territoire. Celle-ci peut également être prononcée par le juge aux affaires familiales ou le juge des enfants, si celui-ci a été saisi au préalable dans le cadre de l’assistance éducative.
L’objet de cet amendement est d’élargir considérablement les possibilités de signalement, tout en accroissant l’efficacité de la prévention et en préservant les libertés publiques. Je me permets à ce titre de signaler le caractère innovant de ce dispositif et son importance, y compris politique, au sens noble du terme. La police, la gendarmerie, mais aussi les services de l’éducation nationale, les structures éducatives, les services sociaux, les hôpitaux et médecins, les clubs de sport, pourront saisir le procureur de la République.
En étendant le champ des signalements possibles, cette mesure permettra de parer, en urgence, aux situations que les parents ne veulent ou ne peuvent pas voir, pour des raisons aisément compréhensibles. En outre, elle permettra de mobiliser l’ensemble des acteurs en contact avec les mineurs pour la prévention de la radicalisation et des départs à l’étranger. Cette question doit en effet être l’affaire de tous, et pas seulement celle de la police et de la justice qui, à eux seuls, ne peuvent pas tout détecter, ni tout empêcher. Elle n’est pas non plus l’affaire des seuls parents, et la mobilisation sociale constitue un élément important d’une approche nouvelle de l’éducation de l’enfant. La famille et les autorités régaliennes portent une responsabilité, mais elles doivent être épaulées par d’autres acteurs, comme autant de mailles du filet social.
L’interdiction de sortie du territoire pourra donc intervenir rapidement, dès réception et analyse du signalement par le parquet s’il est établi que les parents ne peuvent ou ne veulent pas intervenir. Sa durée maximale sera fixée à deux mois. Le procureur saisi d’un signalement qu’il estimera sérieux pourra ainsi agir sans délai, 24 heures sur 24, sans qu’une instance ouverte au préalable ne soit nécessaire, à charge pour lui de saisir sous quinze jours le juge des enfants.
Ce juge aura alors la charge d’assurer le respect du contradictoire, d’ordonner un examen approfondi de la situation du mineur, de prendre toute mesure de protection utile, et, bien entendu, de confirmer ou d’infirmer l’interdiction de sortie prononcée par le procureur à la lumière des éléments qui auront été recueillis. Comme la loi le prévoit déjà, le juge des enfants pourra prolonger la mesure d’interdiction pour une durée de deux ans.
Ce dispositif s’apparente à celui qui existe de longue date, et qui permet au procureur, saisi d’une situation de mineur en danger, d’ordonner son placement temporaire en urgence, avant la saisine d’un juge des enfants. Il a donc l’avantage de s’inscrire dans une pratique largement répandue, qui a démontré sa souplesse et son efficacité, et qui est connue des professionnels de la protection de l’enfance.
Avec cet amendement, le Gouvernement souhaite rendre hommage à la représentation nationale qui formule cette proposition de loi, soutenir les députés qui ont démontré leur volonté d’empêcher le départ sur les théâtres de guerre de mineurs français et accroître ainsi la détection des candidats au djihad.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Cette proposition de loi, placée sous le haut patronage de son auteur, Marc Le Fur, qui préside cette séance, est à la fois simple et de bon sens. Elle vise à rétablir l’autorisation de sortie de territoire pour les mineurs, formellement supprimée depuis début 2013. Que se passait-il avant ?
Avant 2010, le droit en vigueur instituait un régime d’autorisation préalable à la sortie du territoire. Autrement dit, un mineur ne pouvait pas franchir la frontière sans disposer de l’accord exprès de l’un de ses parents ou, dans le cas d’une sortie scolaire ou parascolaire, du visa de l’autorité publique.
Le droit a néanmoins fait l’objet de deux compléments au cours de l’année 2010. Premièrement, par voie législative avec la création d’une interdiction judiciaire de sortie du territoire. La procédure d’IST permet au juge aux affaires familiales ou au juge des enfants de proscrire la sortie du territoire d’un mineur. Elle est systématiquement inscrite au fichier des personnes recherchées et, sauf instruction contraire du magistrat, au système d’information Schengen que partagent 27 États du continent européen.
L’interdiction de sortie du territoire prononcée par le juge des enfants revêt un caractère absolu, mais elle ne peut excéder une durée de deux ans. En revanche, la mesure décidée par le juge aux affaires familiales, si elle ne connaît pas de limite dans le temps, présente un caractère relatif : elle peut être levée par un accord ad hoc des deux parents. Dans les deux cas, la majorité de l’enfant met fin à la surveillance dont il fait l’objet.
Deuxièmement, par voie réglementaire, avec la possibilité de faire opposition à la sortie du territoire. L’opposition à la sortie du territoire d’un mineur est prévue par le décret du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées. Elle est prononcée à titre conservatoire à la demande du titulaire de l’autorité parentale, ou d’un des titulaires conjoints de l’autorité parentale, pour empêcher la sortie du territoire national d’un mineur, dans l’attente d’obtenir, par la voie judiciaire, une interdiction de sortie du territoire.
À regarder l’application de ces dispositifs, l’interdiction et l’opposition à la sortie du territoire, on peut dire qu’ils ont constitué une avancée importante dans la lutte contre les enlèvements d’enfant par l’un de leurs parents. Tel était d’ailleurs leur objet premier. De ce point de vue, il s’agit de dispositifs tout à fait satisfaisants.
Mais ils ont aussi, dans le même temps, donné lieu à une mauvaise interprétation par le Gouvernement. Ainsi, le 20 novembre 2012, une circulaire interministérielle a tiré argument du renforcement des dispositions légales et réglementaires pour décider la suppression des autorisations de sortie du territoire individuelles et collectives, qui constituaient jusqu’alors le régime de droit commun. Cette suppression est devenue effective au 1er janvier 2013.
Il en résulte, quoi qu’en disent certains, un régime particulièrement laxiste dans lequel les mineurs peuvent, pratiquement sans contrôle, franchir les frontières et quitter le pays. Il est désormais loisible à un mineur de se rendre à l’étranger, à la seule condition de posséder la pièce d’identité exigée de tout voyageur : carte nationale d’identité ou passeport en cours de validité, suivant les destinations. Le droit n’impose aucune limite d’âge : sont donc concernés tant les adolescents que les enfants les plus jeunes.
Il convient de mentionner, si l’on veut être précis, que le droit et la pratique ont toutefois imposé la persistance d’une autorisation dans deux cas particuliers.
En premier lieu, une autorisation doit être délivrée par les deux parents pour la sortie du territoire d’un enfant faisant l’objet d’une interdiction de sortie du territoire prononcée par le juge aux affaires familiales. Le décret du 10 septembre 2012 prévoit que cet accord doit être recueilli par un officier de police judiciaire cinq jours avant le départ, et que ce fonctionnaire doit dresser un procès-verbal.
En second lieu, la disparition des autorisations groupées de sortie du territoire a donné lieu à une circulaire du ministre de l’Éducation nationale en juillet 2013. Outre les documents d’identité exigés des voyageurs de droit commun, les élèves concernés sont tenus de présenter une autorisation parentale.
Voilà pour l’état de lieux. Sans doute aurait-on pu en rester là, dans d’autres temps et dans d’autres lieux, mais l’actualité fournit aux législateurs que nous sommes une raison supplémentaire de procéder au rétablissement de l’autorisation de sortie du territoire. Dans un contexte où de nombreux parents ont été les témoins impuissants du départ de leur enfant mineur vers des zones de conflit armé, à la suite d’une radicalisation qu’ils n’ont pu détecter à temps, les dispositifs issus des réformes de 2010 ont montré leur inadaptation à ces nouveaux enjeux.
Certes, le Gouvernement a tenté d’élargir l’opposition à la sortie du territoire, initialement réservée aux cas de conflit familial et d’enlèvement par un des parents, à la suspicion de terrorisme. Une instruction du 5 mai 2014 a donné aux parents la possibilité de solliciter une opposition à la sortie du territoire en cas de crainte d’un départ à l’étranger sous l’influence de mouvements radicaux armés. Toutefois, cette opposition « antiterroriste » présente la même faiblesse que le dispositif classique. Cette faiblesse a été relevée par les membres de la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes, présidée par Éric Ciotti, lequel soulignait : « Encore faut-il, pour [que cette mesure] soit efficace, qu’un parent ait perçu, chez son enfant, le risque d’un éventuel départ vers une zone de djihad, voire qu’un parent ne cautionne pas un tel départ ». En accord avec cette analyse de bon sens, la commission d’enquête a donc recommandé « de revenir à l’état du droit qui prévalait avant l’entrée en vigueur de la loi du 9 juillet 2010 et, ainsi, rétablir l’autorisation de sortie du territoire individuelle ».
Nous nous félicitons que la commission des lois ait adopté la semaine dernière la présente proposition de loi en l’état et que, ce matin, elle ait repoussé l’amendement du Gouvernement tendant à réécrire, et pas seulement à compléter, le texte initial. En effet, cet amendement visait à renforcer l’existant pour permettre au procureur de la République, en cas d’urgence, de prononcer une interdiction de sortie du territoire, assortie d’une inscription au fichier des personnes recherchées, lorsque des éléments sérieux laissent supposer qu’un mineur s’apprête à quitter le territoire national et que ses parents n’ont pas entrepris de démarche pour obtenir une opposition préfectorale à la sortie du territoire. Un tel dispositif pécherait toujours par le même défaut : il suppose que le parent puisse anticiper un tant soit peu le départ de son enfant, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas.
S’agissant du troisième alinéa qui prévoit que les modalités d’application seront prises par décret, j’appelle votre attention sur la situation particulière des zones frontalières. Les déplacements quotidiens ou réguliers ne devront pas, en effet, y être entravés. Le décret devra donc prévoir un dispositif incluant une autorisation permanente, ou limitée dans le temps, ou encore restreinte à certaines destinations. Il devra aussi prévoir un dispositif spécifique pour les mineurs résidant à l’étranger, voire les exclure de cette disposition.
Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Les Républicains requièrent l’adoption sans délai de la présente proposition de loi, dans sa rédaction initiale, voire complétée, mais sans qu’elle soit vidée de ses véritables apports.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans un contexte grave : celui de la montée en puissance du djihadisme et de ses conséquences.
Mes chers collègues, le djihadisme nous a déclaré la guerre. Il frappe la France et, hélas, cela risque de continuer. C’est une menace quotidienne. Je me revois, à la fin 2014, exprimer mon inquiétude devant cette assemblée lors de séances tardives consacrées à l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme. À l’époque, on avait déjà eu l’affaire Merah à Toulouse et l’attaque du Musée juif de Bruxelles, où un Français avait été impliqué, mais, depuis, le phénomène n’a cessé de s’aggraver : dois-je rappeler les tueries à Charlie Hebdo et à l’Hyper Cacher en janvier 2015 et l’assassinat de la malheureuse Aurélie Châtelain par Ahmed Ghlam – qui a, heureusement, manqué son attentat contre les églises du Val-de-Marne ? Puis, en juin de cette année, il y eut une décapitation en Isère et le projet, qui là encore a échoué, de faire sauter une usine chimique. Et combien d’autres projets ont avorté ? Combien ont été déjoués ? Surtout, combien sont actuellement en préparation ? Je ne veux pas être alarmiste, mais le risque s’accentue jour après jour. Le 21 août dernier encore, seul le courage héroïque de quelques passagers et peut-être la chance, voire le hasard, ont permis d’éviter un massacre dans le Thalys ; cela me fait penser à cette citation d’Einstein : « Le hasard, c’est Dieu qui se promène incognito ».
Ce phénomène inédit dans sa nature et son ampleur mute comme un cancer et nous contraint à adapter notre législation dans l’urgence.
Un nombre croissant de citoyens français, dont plus du quart sont des convertis, s’engagent à l’issue d’une radicalisation aux côtés des djihadistes. Parmi eux, et c’est notre sujet aujourd’hui, beaucoup de mineurs, parfois de quinze ans à peine, dont nombre de jeunes filles, rejoignent les zones de combat en Irak et en Syrie. Ces jeunes sont des cibles privilégiées pour Daech, qui racole sur Internet et les réseaux sociaux et dispose de réseaux d’exfiltration partout en France et en Europe.
Nous sommes confrontés à un phénomène de masse. Le djihad est, hélas, devenu une sorte de mode parmi ces jeunes en mal de repères, avec une dynamique de groupe stimulante : on leur promet aventure, argent, armes, puissance, sexe. Le rapport de la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes, dont j’ai eu l’honneur d’être vice-président, recensait mi-mai près de 1 700 individus impliqués dans les filières djihadistes dans notre pays ; parmi eux, 457 étaient à l’époque effectivement présents en Syrie ou en Irak, dont quatre-vingts mineurs, parmi lesquels quarante-cinq jeunes filles. Depuis, vous le rappeliez, monsieur le ministre, ces chiffres se sont malheureusement accrus. En d’autres termes, près d’un djihadiste sur cinq partis de France est mineur. Fin mai, plus de 500 individus étaient sur le départ, dont au moins une centaine de mineurs.
Fin 2014, le Gouvernement a envisagé le problème à sa juste mesure et mis en place un plan de prévention et de lutte contre les filières djihadistes. À ce jour, les résultats ne sont hélas pas bons. Les chiffres sont terribles : de vingt djihadistes en janvier 2013, on est passé à près de 2 000 aujourd’hui en France : pas dix, mais cent fois plus !
Devant le nombre croissant de mineurs quittant le sol national pour s’engager dans des organisations djihadistes au Moyen-Orient, la France doit renforcer son arsenal juridique. Force est de constater qu’à ce jour, les circulations extra-frontalières de mineurs ne sont pas assez contrôlées.
La proposition de loi de notre collègue et président de séance Marc Le Fur, du groupe Les Républicains, tend à renforcer le contrôle du franchissement des frontières par les mineurs. Elle pose le principe d’un retour au régime d’autorisation préalable des parents.
La législation applicable aux mineurs en matière de sortie du territoire n’est, de fait, pas adaptée. Je rappelle à mon tour que, depuis le 1er janvier 2013, un mineur peut se rendre à l’étranger sans autorisation de sortie du territoire de ses parents ; la seule condition est de posséder une carte nationale d’identité ou un passeport valide. La mise en place de l’interdiction de sortie du territoire et de l’opposition à la sortie du territoire en 2013 avait pour objet premier de répondre à la multiplication des enlèvements d’enfant par un des parents en cas de litige familial. Ces instruments ne répondent pas au risque d’embrigadement djihadiste.
Certes, l’article 19 du code frontières Schengen permet que des « modalités spécifiques de vérification » s’appliquent aux mineurs. Néanmoins, ce dispositif suppose l’expression d’une volonté explicite des parents, ce qui implique que ceux-ci soient pleinement conscients du processus d’embrigadement djihadiste de leurs enfants.
D’autre part, tenant compte du contexte actuel, une instruction du 5 mai 2014 a donné aux parents la possibilité de solliciter une opposition de sortie en cas de crainte d’un départ à l’étranger sous l’influence de mouvements radicaux. Toutefois, là encore, ce dispositif n’est efficace que si l’un des parents a perçu le risque d’un éventuel départ vers une zone de djihad, ce qui n’est pas toujours le cas. Indéniablement, notre législation comporte en la matière des failles, qu’il est de notre devoir de combler.
Au groupe UDI, nous sommes donc, sans aucune hésitation, favorables à cette proposition de loi. Toutefois, le rétablissement de l’autorisation parentale ne résoudra évidemment pas tout le problème du djihad des jeunes.
Les mots d’ordre doivent rester éducation, prévention et sanction. Nous savons que des réseaux existent pour endoctriner notre jeunesse ; ils sont très structurés et sévissent notamment sur Internet. Un travail considérable reste à accomplir. Une stratégie de prévention efficace doit commencer en amont, à l’école, creuset de la République.
Nous devons aussi, à mon sens, sans plus attendre, fermer toutes ces mosquées salafistes et expulser les imams radicaux qui prônent le djihad.
Nous devons aussi mener une politique de communication adaptée. La République ne peut laisser à ses ennemis mortels le monopole de l’imaginaire et du rêve. Il faut rendre coup pour coup, à l’instar des clips vidéo diffusés actuellement, qui mettent en avant les dangers de l’embrigadement.
Permettez-moi de rappeler une évidence : l’éducation est d’abord et avant tout de la responsabilité des parents. Un enfant, quel qu’il soit, ne naît pas djihadiste, raciste ou antisémite. Certes, dans certains cas largement médiatisés, les familles sont les premières victimes du drame que représentent ces jeunes embrigadés, souvent convertis et partis au djihad du jour au lendemain ; mais s’il peut arriver que la dérive djihadiste du jeune échappe à la vigilance de ses parents, il reste de la responsabilité de ces derniers de détecter les signes avant-coureurs de radicalisation. C’est ce qui ressort des entretiens que nous avons eus avec les nombreux parents que nous avons rencontrés dans le cadre de la commission. On ne peut pas, d’un côté, poser le principe d’une autorisation préalable des parents et, de l’autre, ignorer la responsabilité parentale.
Enfin, deux exigences devront guider le rétablissement de l’autorisation de sortie du territoire : l’efficacité et la faisabilité.
Deux risques principaux se présentent en effet. D’abord, la falsification : il conviendra de garantir l’authenticité du document administratif.
Deuxième risque : la charge de travail induite et sa répartition. Si l’objectif est de rétablir le même dispositif, cela constituera une charge de travail supplémentaire pour les personnels habilités des mairies, notamment dans les zones rurales, où les moyens des communes sont souvent beaucoup plus limités. En somme, il faut veiller à ce que ce texte entre en vigueur avec le maximum d’efficacité et le minimum de contraintes supplémentaires.
C’est pourquoi le groupe UDI soutiendra un amendement pour simplifier et adapter la future procédure d’autorisation de sortie du territoire. Le rétablissement de cette procédure n’est pas adapté au domaine scolaire. En effet, si le régime d’autorisation de sortie du territoire français a été supprimé, la circulaire du 16 juillet 2013 relative aux sorties et voyages scolaires prévoit que les parents doivent remettre à l’enseignant l’autorisation de participation d’un élève mineur à une sortie ou un voyage scolaire à caractère facultatif après l’avoir datée et signée.
Le rétablissement de l’autorisation de sortie du territoire vise avant tout à empêcher les départs de mineurs vers la Syrie ou l’Irak. Or – cela va de soi – les sorties scolaires ne présentent a priori pas ce risque, et le régime mis en place par le ministère de l’éducation nationale semble suffisant. Ainsi, l’amendement que je présenterai vise à exclure les sorties et voyages scolaires du champ de la proposition de loi. Je crois qu’un autre amendement portera sur les Français non-résidents. En tant que député des Français de l’étranger, je suis bien conscient qu’il serait très compliqué, pour les enfants de Français non-résidents qui seraient en séjour en France, de présenter ce document.
Mes chers collègues, le contexte actuel impose, hélas, une surveillance stricte des départs de mineurs vers les zones les plus dangereuses aux portes de l’Europe. Je fais miens les propos de notre rapporteur : « Une précaution, fût-elle imparfaite, vaut mieux qu’une permissivité totale. » Pour toutes ces raisons, le groupe UDI votera en faveur de cette proposition de loi.
Je vous invite tous, ici, à oublier les clivages politiques traditionnels. Le Premier ministre l’a dit, de même que beaucoup d’entre nous : la lutte contre le terrorisme n’est ni de droite, ni de gauche. Face à cette menace, nous devons préserver un front uni.
Avant de céder la parole à l’orateur suivant, je tiens à ajouter une dernière remarque : la lutte contre les filières djihadistes doit être internationale. On ne peut adopter des lois contre les filières djihadistes sans en tenir compte dans nos relations avec les États qui soutiennent et alimentent ces mêmes filières. Il faut être lucide : les filières djihadistes ne se développent que parce que certains États leur apportent leur concours financier, logistique ou idéologique, par le biais des mosquées salafistes qu’ils financent en France, par le biais des associations prosélytes, par le biais des imams radicaux. Ces États, hélas, nous les connaissons ; parfois, hélas, nous les fréquentons, quand nous ne flirtons pas avec eux ! Pour les citer : l’Arabie Saoudite, le Qatar mais aussi l’Iran, matrice du djihad mondial depuis plus de trente ans. Cela, nous ne pouvons l’ignorer dans notre lutte contre la menace djihadiste.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, la onzième préconisation du rapport de la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes que j’ai rédigé et qui porte le titre « Face à la menace djihadiste, la République mobilisée », s’intitule « Rétablir l’autorisation de sortie du territoire individuelle pour les mineurs. » La commission d’enquête, présidée par Éric Ciotti, a adopté cette proposition à l’unanimité, comme les vingt-huit autres. Reconnaissons qu’il n’est pas commun, dans notre assemblée, que des travaux fassent l’objet d’un tel consensus !
C’est essentiellement parce que la commission d’enquête, toutes tendances confondues, a répondu à l’appel du chef de l’État après l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo. Le sentiment d’unité nationale, le sens des responsabilités nous ont conduits, au-delà de nos différences politiques, au cours des travaux que nous avons menés au premier semestre.
Aujourd’hui, sous la présidence de notre collègue Le Fur, nous examinons cette proposition de loi sans attendre les résultats du travail que nous menons en coopération avec le ministère de l’intérieur. Il est évident que notre groupe votera pour cette proposition de loi, conformément à la position que nous avons adoptée en juin 2015. Pourquoi une telle position ? Pour l’expliquer, je me permettrai de rappeler quelques éléments issus des travaux de la commission d’enquête.
Notre réglementation s’est récemment enrichie de plusieurs outils pour empêcher certaines entrées ou sorties du territoire. Il s’agit tout d’abord de l’opposition à la sortie du territoire, qui concerne les mineurs, de l’interdiction de sortie du territoire, qui concerne des nationaux français, et de l’interdiction de retour, qui concerne des étrangers qui peuvent résider habituellement en France.
La loi du 9 juillet 2010 – que notre rapporteur a citée à plusieurs reprises en séance comme en commission – relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants a introduit dans notre droit la possibilité pour le juge aux affaires familiales de prononcer une interdiction de sortie du territoire d’un enfant, à la demande de l’un des parents. Parallèlement, par souci de simplification, cette même loi a abrogé la base légale de l’autorisation de sortie du territoire, nécessaire pour qu’un mineur puisse se rendre à l’étranger. Cette loi a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale.
En conséquence, dès l’année 2012, il est apparu que des mineurs avaient pu quitter le territoire national à l’insu de leurs parents. Dès le mois de novembre 2012, une circulaire conjointe du ministre de l’éducation nationale, de la ministre de la justice et du ministre de l’intérieur a conduit à revitaliser une mesure administrative préexistante : l’opposition à la sortie du territoire. L’opposition à la sortie du territoire à titre conservatoire a pour objectif de permettre à un titulaire de l’autorité parentale de faire opposition, sans délai, à la sortie de France de son enfant dans l’attente d’obtenir, en référé ou en la forme des référés, une décision judiciaire d’interdiction de sortie du territoire. Ces mineurs voient leur nom inscrit au fichier des personnes recherchées, en application du décret du 28 mai 2010.
Cette mesure administrative, dont l’effet est de deux semaines, résulte d’une demande formulée auprès des autorités préfectorales, avec un formalisme relativement réduit. Elle est donc d’un usage commode. Encore faut-il, pour qu’elle soit efficace, qu’un parent ait perçu, chez son enfant, le risque d’un éventuel départ vers une zone de djihad – et que ce parent ne cautionne pas un tel départ ! C’est pour cette raison précise, compte tenu de cette faille, que la commission d’enquête dont j’étais le rapporteur propose de revenir à l’état du droit qui prévalait avant l’entrée en vigueur de la loi du 9 juillet 2010, et de rétablir ainsi l’autorisation de sortie du territoire individuelle.
Cher Meyer Habib, la question de l’école me semble réglée par le retour à la loi précédente, qui prévoyait déjà ce cas : l’autorisation de sortie du territoire ne sera pas nécessaire en cas de sortie collective organisée par un établissement scolaire ou une colonie de vacances. L’effectivité de la mesure administrative dépend de la capacité des garde-frontières à détecter les mineurs concernés. L’article 19 du code frontières Schengen permet d’appliquer aux mineurs des « modalités spécifiques de vérification » prévues à son annexe VII. Cette annexe ajoute que les « garde-frontières accordent une attention particulière aux mineurs, que ces derniers voyagent accompagnés ou non ».
Cela me permet de répondre à un argument avancé par M. le secrétaire d’État : cette question est déjà prise en compte par les règles de Schengen. Un garde-frontière posté aux frontières de l’espace Schengen doit vérifier, quand un mineur se présente à lui, son autorisation, selon des modalités différentes selon qu’il est accompagné par un adulte ou non. En bref, il doit vérifier ce que fait ce mineur à cet endroit.
Dans le cas de mineurs accompagnés, le garde-frontière doit vérifier l’existence de l’autorité parentale des accompagnateurs à l’égard du mineur, notamment dans le cas où le mineur n’est accompagné que par un seul adulte et où il y a des raisons sérieuses de croire qu’il a été illicitement soustrait à la garde des personnes qui détiennent légalement l’autorité parentale. Dans ce dernier cas, le garde-frontière effectue une recherche plus approfondie.
L’autorisation que nous rétablissons permettra à l’ensemble des garde-frontières de l’espace Schengen de disposer d’un document sur lequel s’appuyer pour effectuer ce contrôle. Puisque l’annexe VII du code frontière Schengen prévoit déjà un examen particulier pour les mineurs, le fait de fournir un tel document aux garde-frontières me paraît être une mesure de bon sens.
Dans le cas de mineurs qui voyagent non accompagnés, les garde-frontières effectuent – toujours selon l’annexe VII – une « vérification approfondie des documents de voyage ». Nous devons, monsieur le ministre, rappeler à nos partenaires européens que cette annexe VII est tout à fait compatible avec l’autorisation de sortie du territoire, car cette vérification approfondie sera facilitée par le document dont nous débattons. C’est pour cette raison précise, et nulle autre, que la commission d’enquête présidée par Éric Ciotti et dont j’étais le rapporteur a proposé de rétablir l’autorisation de sortie du territoire individuelle pour les mineurs.
Cet après-midi, nous travaillons à rétablir cette autorisation, mais nous devons aussi prendre en compte les remarques et les critiques qui ont été formulées tout à l’heure par M. le secrétaire d’État à propos de l’efficacité de cette mesure, et du surcroît de travail qu’elle engendrerait.
Tout d’abord, on nous oppose que ce document serait aisément falsifiable. Mais c’est notre lot, en tant que législateurs, que d’adopter des lois dont nous savons à l’avance que certaines personnes essaieront de les contourner ! Si l’Assemblée nationale se refusait à adopter des lois chaque fois que quelqu’un fait remarquer : « Vous savez, on va certainement contourner cette loi, alors ne la votez pas ! », notre activité en serait sérieusement réduite. Je crois donc que cet argument n’est pas recevable. Certes, il est vrai que ce document pourra être falsifié – cela a déjà été le cas. On nous raconte, par ailleurs, que dans certaines municipalités, des mineurs pouvaient venir eux-mêmes déposer leur dossier et repartir avec leur autorisation de sortie du territoire.
Comme d’autres ici, j’ai été maire. J’ai toujours constaté que les services de l’état-civil – avec lesquels nous nous réunissions annuellement pour faire le point – étaient très précis sur ces éléments : il faut que les parents soient bel et bien présents devant l’autorité municipale pour signer l’autorisation de sortie du territoire. Je ne crois pas, monsieur le secrétaire d’État, qu’il soit besoin d’inclure les préfectures dans le dispositif. Il me semble évident que nous devons confier cette responsabilité aux communes.
Vous avancez un deuxième argument, concernant le surcroît de travail que cette mesure occasionnerait. J’attends de voir si un seul maire dans ce pays dira : « Je ne veux pas le faire, cela fait trop de travail ! » Je connais les maires, de droite comme de gauche, et je crois qu’ils accepteront de faire à nouveau ce travail de proximité, qui permet de nouer des liens pour prendre ce type de décision en connaissance de cause. Il appartiendra évidemment à M. le ministre de l’intérieur de préciser, dans le décret d’application, les conditions de délivrance de cette autorisation.
Il faudra par ailleurs trouver un moyen de combattre la falsification dont on a parlé. Vous vous rappelez à quoi ressemblait cette autorisation : c’était un simple document jaune. Il existe, aujourd’hui, d’autres façons de faire. Il faut que les services de Bernard Cazeneuve regardent comment l’informatique – entre autres – peut permettre de rendre ces documents moins facilement falsifiables – encore que je ne crois pas que ces documents aient fait l’objet d’un trafic si important que cela.
L’autre critique vise l’alourdissement de la charge de travail ; mais au fond, c’est l’ensemble de la société, et non seulement l’exécutif, le Parlement et les collectivités territoriales, déjà fortement engagées en ce domaine, qui doit participer à la lutte antiterroriste – c’est d’ailleurs le sens de l’amendement portant article additionnel du Gouvernement, que je voterai, puisqu’il tend à donner plus de pouvoir au procureur de la République.
La sûreté des mineurs est un objectif essentiel du Gouvernement de Manuel Valls, et chacun s’accorde à reconnaître que le travail accompli en la matière au cours des derniers mois a été sérieux. La plateforme de signalisation a permis au procureur de la République de prononcer un certain nombre d’interdictions de sortie du territoire pour des mineurs, contre leur volonté et parfois même celle de leurs parents, quand ceux-ci n’étaient pas à l’origine de la demande.
Le dispositif proposé par le Gouvernement permettra à la société d’être plus attentive, en donnant au procureur de la République la possibilité de prendre une mesure rapide : j’y souscris donc pleinement, de même que le groupe SRC.
Certaines mesures du rapport de la commission d’enquête ont d’ores et déjà été mises en oeuvre : je pense par exemple à l’obligation, pour les cadres religieux qui interviennent en prison, d’être titulaires de diplômes. La loi relative au renseignement a, par ailleurs, réglé beaucoup de questions dont le rapport soulignait qu’elles restaient en suspens. Toutefois, aucune suite n’a encore été donnée à l’idée de « réconcilier » le nom figurant sur la carte d’identité – ou le passeport – et sur le billet d’avion. Ce matin encore, en embarquant à Marignane après avoir entendu le beau discours du Président de la République au Camp des Milles, j’ai constaté qu’il me serait loisible d’échanger ma carte d’embarquement avec n’importe quel individu se rendant ailleurs qu’à Paris, sans que personne ne me demande aucun titre d’identité. La réconciliation de ce titre avec le nom figurant sur le billet d’avion est l’une des préconisations de la commission d’enquête. Nul n’est besoin, au reste, d’une proposition de loi pour la mettre en oeuvre : nous pourrions trouver une solution pour avancer ensemble. En tout état de cause, nous devons nous pencher sur cette question, qui engage la sécurité de tous ceux qui voyagent dans notre espace aérien.
Le groupe SRC, comme je l’ai déjà indiqué, votera en tout cas la proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de loi.
Il s’agit de préciser que le dispositif ne concernera pas les voyages, les sorties scolaires et les colonies de vacances, l’objectif étant que le texte puisse entrer en vigueur avec le plus de pertinence et le moins de contraintes supplémentaires.
On a évoqué le surcroît de travail pour les personnels habilités des mairies ; dans le cas visé, ce seraient des vingtaines d’enfants qui auraient besoin simultanément de l’autorisation.
Si le régime d’attestation d’autorisation de sortie du territoire français a été supprimé, la circulaire du 16 juillet 2013 encadre les règles applicables aux sorties et voyages scolaires ; elle prévoit que les personnes exerçant l’autorité parentale doivent remettre à l’enseignant l’autorisation de participation d’un élève mineur à une sortie ou à un voyage scolaire à caractère facultatif, après avoir daté et signé ce document.
Le ministère de l’éducation nationale a ainsi donné pour consigne à ses personnels de maintenir en l’état la pratique relative à ces autorisations. Dans la mesure où le rétablissement de l’autorisation de sortie du territoire vise avant tout à empêcher le départ des mineurs en Syrie ou en Irak, les sorties scolaires ne présentent pas de risque particulier : le régime mis en place par le ministère de l’éducation nationale paraît suffisant.
Nous sommes tous d’accord sur les remarques que vient de faire M. Habib, mais j’insiste sur la nécessité d’un dispositif simple.
L’éducation nationale, « malgré » l’abrogation de la circulaire relative à l’autorisation de sortie du territoire, a maintenu pour les voyages scolaires la pratique de l’autorisation, comme vous l’avez rappelé, sur le fondement d’une circulaire du ministère. Tel est donc l’état actuel du droit.
La proposition de loi rétablira dans son principe l’autorisation de sortie du territoire, dont les dispositions déjà en vigueur au sein de l’éducation nationale seront une déclinaison. Autrement dit, le texte dont nous discutons n’affaiblira en rien ces dispositions ; il est même de nature à les consolider juridiquement.
En tant que chef d’établissement, j’ai souvent eu à faire signer des autorisations de sortie du territoire : le système fonctionne bien, et ce que nous proposons ne crée aucune difficulté supplémentaire ; aussi, en espérant vous avoir rassuré, je vous invite à retirer votre amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable, conformément à la position unanime, exprimée à deux reprises, de la commission des lois.
Le Gouvernement n’étant pas convaincu par le dispositif dans son ensemble, il ne l’est pas davantage par les exceptions que l’on peut y introduire. Sur le fond, je fais miennes les analyses du rapporteur.
L’amendement no 1 est retiré.
L’article unique est adopté.
Des mineurs peuvent être amenés à quitter le territoire national pour rejoindre des zones de conflit armé au nom d’une radicalisation idéologique. Il arrive d’ailleurs que leurs deux parents, ou l’un d’eux, l’accompagnent.
Le dispositif que je vous propose est plus ciblé que celui de l’article unique, mais sans doute plus opérationnel et, sur certains aspects, plus large ; il lui est à tout le moins complémentaire.
M. Mennucci est intervenu dans la discussion générale pour donner son accord à la démarche gouvernementale, qui vise à permettre à l’ensemble des réseaux de la société, et non aux seuls réseaux judiciaires et policiers, de saisir le procureur dans une situation d’urgence, le tout sous le contrôle du juge pour enfants, qui pourrait être amené à statuer sur le fond. Des bornes dans le temps sont également prévues, de sorte que l’on ne saurait craindre un abus de pouvoir : le système est à la fois clair, équilibré et opérationnel. Je ne peux donc qu’inviter votre assemblée à soutenir cet amendement.
Tout en donnant l’avis de la commission, monsieur le rapporteur, peut-être pourriez-vous présenter les différents sous-amendements ?
Comme nous le disions tout à l’heure à la tribune, autant la commission n’était pas favorable au remplacement du dispositif que nous venons de voter par celui du Gouvernement, autant elle approuve tout ce qui est de nature à le préciser.
Au reste, monsieur le secrétaire d’État, les interrogations légitimes qui se sont exprimées sur la falsification trouveraient, avec votre amendement, un début de réponse efficace : c’est en soi une raison suffisante pour voter cet amendement.
J’ai toutefois proposé, avec le président Le Fur, quatre sous-amendements. Le 5 et le 6 sont purement rédactionnels ; le 7 vise à rendre automatique l’inscription d’une interdiction de sortie du territoire au fichier des personnes recherchées ; quant au 4, il tend à renforcer le rôle des parents, mais après un examen approfondi, il me semble qu’il conduirait plutôt à les déresponsabiliser ; c’est pourquoi je le retire.
Avis favorable, donc – de votre serviteur et, j’en suis sûr, de la commission dans son ensemble – à l’amendement du Gouvernement, tel qu’il sera modifié par les sous-amendements nos 5 , 6 et 7 .
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Si l’amendement du Gouvernement est adopté sans le sous-amendement no 4 , les parents pourront-ils demander une interdiction de sortie du territoire ?
On ne peut que souscrire à l’article unique qui a été adopté, mais j’ai un doute sur l’amendement du Gouvernement, car il donne au procureur de la République le pouvoir de prononcer une interdiction de sortie du territoire d’une durée de deux mois : cette mesure est-elle constitutionnelle ? Comme l’indique l’exposé sommaire de l’amendement, c’est le juge qui est habilité à prendre une telle décision. Je crains donc fort que la mesure ne soit retoquée par le Conseil constitutionnel. Pourriez-vous nous donner des éclaircissements sur ce point ?
L’amendement du Gouvernement complète utilement l’article unique. La responsabilité à l’égard des enfants, monsieur Myard, ne s’arrête pas à celle des parents : elle concerne aussi la société tout entière, que ce soit à l’école, dans les clubs de sport, les établissements de garde ou les associations.
L’amendement qui nous est proposé, qui étend en quelque sorte la logique de l’article 40 du code de procédure pénale, applicable aux fonctionnaires, institue une obligation de saisir l’autorité judiciaire au cas où un doute sérieux se ferait jour dans un contexte quotidien. Il est donc des plus utiles.
Pour ce qui est des sous-amendements proposés par M. le rapporteur et par vous-même, monsieur le président, nous sommes d’accord pour les voter, à l’exception de l’amendement no 4 , dont j’approuve le retrait.
Je découvre à l’instant l’article additionnel proposé par le Gouvernement et je partage l’avis du rapporteur : la commission des lois l’aurait en effet adopté sans difficulté. En revanche, je ne suis pas d’accord avec notre collègue Jacques Myard, car je ne vois pas en quoi ce dispositif serait contraire à la Constitution. Je me demande même, monsieur le secrétaire d’État, si cet article additionnel ne serait pas déjà satisfait par les dispositions relatives à l’assistance éducative des mineurs. De mémoire, l’ayant pratiqué, et sous réserve que les choses n’aient pas changé depuis, le procureur peut toujours, en matière d’assistance éducative, prendre des mesures provisoires urgentes, quitte ensuite à ce que le juge des enfants, dans le cadre de l’ordonnance de 1958, les valide.
Cela étant, cet amendement prévoit que les mesures prises puissent s’appliquer pendant un délai de deux mois, ce qui sort la procédure de l’urgence proprement dite. Il rajoute à l’existant, me semble-t-il.
Dans tous les cas de figure, ce dispositif, qui me paraît adapté, complète utilement l’article que nous venons de voter.
Je le confirme, ce dispositif est parfaitement conforme à la Constitution. Il s’applique d’ailleurs depuis de très nombreuses années et répond à une question fondamentale qui a soulevé de nombreux débats. Si l’enfant est bien évidemment placé sous l’autorité de ses parents, la législation française n’en a pas moins toujours considéré que, s’agissant de son éducation ou de son environnement, la société en était aussi responsable.
Cela fait très longtemps que le procureur, dans l’intérêt de l’enfant, peut prendre des décisions. Son rôle a d’ailleurs été encore précisé par la loi de 2010 relative aux violences intrafamiliales, puisqu’il a été à nouveau spécifié que le procureur pouvait intervenir. Il agit de toute façon sous le contrôle du juge des enfants, qui a deux mois pour rendre une décision.
Le dispositif est parfaitement normé : je tiens à vous rassurer, monsieur le député.
Pour le reste, il me semble efficace, utile, bien ciblé, opérationnel, et nous y croyons fermement.
Nous sommes favorables aux sous-amendements, étant entendu que vous retirez celui à propos duquel nous nourrissions quelques doutes.
Nous n’allons pas poursuivre indéfiniment ce débat. J’ai entendu les arguments du secrétaire d’État, mais je garde en mémoire un cas où nous nous étions fait retoquer par le Conseil constitutionnel pour avoir confié, dans le cadre d’une convention internationale, au procureur et non au juge des enfants un certain nombre de pouvoirs.
J’espère avoir tort, car je souhaite que, si les parents n’agissent pas et laissent leur enfant sortir du territoire, il existe un filet de sécurité à travers le procureur, qui puisse interdire la sortie du territoire, sous le contrôle du juge, dans les deux mois.
J’espère donc que vous avez raison, mais tant que le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé, allez donc savoir ce qu’il peut décider !
Le sous-amendement no 4 est retiré.
L’amendement no 3 , sous-amendé, est adopté.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Dominique Raimbourg, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Permettez-moi quelques explications sur un texte qui fait l’unanimité. Nous sommes face à un double dispositif : l’un rétablit l’autorisation parentale de sortie, tandis que l’autre confie au procureur la responsabilité d’intervenir en cas de difficulté.
Monsieur Myard, le secrétaire d’État a raison lorsqu’il affirme que ce dispositif existe déjà. Comme l’a rappelé M. Fenech, l’ordonnance de placement provisoire est un pouvoir accordé au procureur, qui doit la faire valider dans un certain délai par le juge des enfants. Quant à l’annulation par le Conseil constitutionnel d’une convention internationale, il s’agissait de celle nous liant à la Roumanie et par laquelle nous avions confié au procureur la possibilité d’ordonner le renvoi en Roumanie des mineurs. Cette disposition a été annulée au motif que la décision, importante, n’était pas validée par le juge des enfants. Je parle de mémoire, mais c’est pour cette raison que cette convention a été retoquée.
Ce dispositif permettra de contrôler la totalité des situations, et nous ne pouvons qu’appeler à un vote favorable.
Je me joins à l’explication de vote de M. Raimbourg : nous venons de légiférer en faveur des enfants et de la société. Nous ne pouvons que nous réjouir d’avoir été, tous, absolument du même avis. Il n’y a pas eu un mot de discordance entre nous. Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.
Permettez-moi d’exprimer à l’ensemble de nos collègues ma gratitude pour ce vote unanime.
Prochaine séance, mardi 13 octobre, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Projet de loi de finances pour 2016.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-sept heures vingt.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly