Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le drame de lundi matin en Seine-Saint-Denis vient nous rappeler combien la lutte contre la radicalisation en prison constitue un enjeu primordial en matière de sécurité.
La France dispose d’un arsenal juridique reconnu par ses voisins européens pour sa pertinence, mais l’évolution des causes et des caractéristiques du terrorisme nous oblige à adapter régulièrement notre législation. Tels étaient les objectifs de la loi du 21 décembre 2012, de celle du 13 novembre 2014 et, plus récemment, de celle du 24 juillet 2015 relative au renseignement.
La radicalisation en prison est l’un de ces phénomènes nouveaux que nous devons prendre en compte si nous voulons lutter avec efficacité contre le terrorisme.
Aussi, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui pose les bonnes questions. Comment permettre à l’administration pénitentiaire et à ses personnels de lutter avec efficacité contre le phénomène grandissant de la radicalisation et du prosélytisme en milieu carcéral ? L’isolement électronique et le renforcement des moyens de surveillance au sein des prisons peuvent-ils diminuer le phénomène d’embrigadement que l’on peut observer ?
Les trois premiers articles visent à compléter la réponse pénale en matière de mesures d’isolement des détenus condamnés pour terrorisme.
Il ne faut pas le nier, l’explosion du nombre de téléphones portables clandestins en possession de détenus représente un risque grandissant qui met en danger les personnels et favorise tous les trafics. Les smartphones permettent aux détenus de se connecter à Internet sans aucun contrôle. Ils sont une porte ouverte sur l’extérieur et donnent aux détenus un accès sans limite à l’un des principaux moyens d’embrigadement des terroristes.
Aujourd’hui, l’interdiction des téléphones portables n’est prévue que par les circulaires ministérielles et les règlements intérieurs des établissements pénitentiaires. Le décret du 30 avril 2013 énonce ainsi que l’utilisation ou la détention de téléphones portables ou de tout autre appareil communiquant est interdite. Inscrire une telle disposition dans la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, ainsi que le demandent les auteurs de la proposition, est une première étape pour lutter contre ce véritable fléau. Nous ne pourrons limiter l’utilisation de ces moyens de communication en prison si l’interdiction n’est pas clairement et définitivement inscrite dans la loi.
Le constat est le même pour les correspondances des détenus : l’interdiction de l’accès libre à Internet n’est pas inscrite dans la loi alors que nous savons tous que de nombreuses vocations naissent par ce biais. L’interdiction de l’accès libre à Internet pour les détenus doit être clairement posée. Il s’agit d’un préalable indispensable à une lutte efficace contre la radicalisation et le prosélytisme.
Certes, 27 524 téléphones portables ont été saisis par l’administration pénitentiaire en 2014. Et alors ? Ne s’agit-il pas de la partie visible de l’iceberg ? Face à des réseaux organisés et structurés, nous ne pouvons lutter efficacement si chaque lieu de détention développe sa propre politique. Le dire, c’est enfoncer une porte ouverte. C’est sur l’ensemble du territoire, en gravant cette interdiction dans le marbre de la loi, que nous pouvons être plus efficaces.
S’agissant des permis de visite, la loi de 2009 ne fait référence qu’à des motifs « liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions ». Il nous semble nécessaire de permettre au chef d’établissement ou au préfet de refuser d’accorder le permis de visite ou de le retirer dans le cas précis de prosélytisme avéré du visiteur en faveur de mouvements ou d’actions tendant à favoriser la violence ou le terrorisme. Incontestablement, notre législation doit être adaptée à ce récent phénomène de radicalisation. En l’état actuel des textes, elle ne l’est pas.
Quant au renseignement, aujourd’hui, l’administration pénitentiaire peut, sous le contrôle du procureur de la République, interrompre ou enregistrer les conversations téléphoniques passées par les détenus depuis les points phones, mais pas celles que ceux-ci peuvent passer avec des téléphones portables. L’article 5 de la proposition de loi vise donc à créer un dispositif permettant à l’administration pénitentiaire de recueillir les informations ou documents relatifs aux appels passés ou reçus par une personne détenue grâce à un téléphone portable clandestin.
Afin de tenir compte de l’adoption de la loi sur le renseignement, le rapporteur a proposé en commission de donner une base légale au recours, dans les prisons, à de nouveaux outils techniques, comme les IMSI-catchers. Il s’agirait ainsi de permettre à l’administration pénitentiaire de recueillir, au moyen d’un dispositif technique de proximité, les données de connexion des équipements terminaux utilisés ainsi que celles relatives à leur localisation.
Nous avons eu de longs débats sur le sujet, à l’initiative du Gouvernement, lors des discussions sur la loi relative au renseignement. Nos établissements pénitentiaires sont un terreau favorable au développement des menaces et des risques terroristes. Il est primordial de se doter d’un système de renseignement performant en prison, en inscrivant cet aspect dans la loi. Être informé, c’est anticiper la menace terroriste pour éviter des drames, et garantir ainsi la sécurité de notre pays, de nos concitoyens.
Mes chers collègues, au-delà de l’appareil répressif, le rapport de la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes publié le 2 juin 2015 pointe un aspect intéressant sur le lien entre les dispositifs de surveillance rapprochée et la radicalisation. L’encellulement des détenus mineurs, doublé d’une présence éducative renforcée, permettrait de limiter les influences négatives. Nous devons donc développer un suivi personnalisé des détenus pour déconstruire certains discours ou prévenir certaines dérives. Pour qu’un tel dispositif soit une réussite, il convient de renforcer les effectifs des surveillants pénitentiaires. Une mesure concrète ne peut être efficace sans les bons outils.
Les actions menées dans les prisons ne doivent pas détourner des efforts qui sont à réaliser dans le milieu scolaire, le milieu familial ou bien encore le milieu associatif. C’est à ces différents niveaux qu’il faut agir, avant qu’un individu ne décroche et ne sombre dans le cercle vicieux du terrorisme.
Vous l’aurez compris, le groupe UDI votera cette proposition de loi.