Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, chers collègues, nous débattions, il y a peu, dans cet hémicycle, d'un texte visant à abroger le conseiller territorial, institué par la loi du 16 décembre 2010. Aujourd'hui, la majorité nous propose de revenir à nouveau sur cette réforme, qui a déjà été quelque peu modifiée par un texte voté au début de l'année 2012.
Convenons-en, l'objet du texte qui nous est soumis est tout autre : il s'agit, non plus de mettre purement et simplement un terme à l'une des mesures les plus emblématiques de la loi de 2010, mais d'apporter un réajustement substantiel et, avouons-le, assez utile, à son volet intercommunal.
Dans la configuration actuelle, la composition des organes délibérants des EPCI repose encore principalement sur une libre répartition et sur des accords consensuels entre les communes. En 2014, après le renouvellement général des conseils municipaux, les règles seront plus précises et moins permissives ; elles l'auraient d'ailleurs été encore plus avec le texte voté en 2010.
Concrètement, le présent texte vise donc à revenir sur les règles limitatives de représentation des communes au sein de l'organe délibérant des communautés de communes et d'agglomération, ainsi que sur le plafonnement du nombre de vice-présidents.
La proposition de loi introduit plus de souplesse dans le volet intercommunal de la réforme en permettant aux communes qui le souhaitent d'augmenter de façon significative le nombre de délégués à répartir en cas d'accord et en permettant aux organes délibérants des EPCI de mettre en place, s'ils le souhaitent, un nombre de vice-présidents plus adapté aux contraintes et aux délégations de compétences exercées.
Cet ajustement permettrait de prévenir d'éventuels blocages portant, d'une part, sur la répartition des sièges dans les conseils communautaires et, d'autre part, sur la composition de leurs bureaux, c'est-à-dire de leurs exécutifs. Au-delà de l'objectif consistant à assurer une transition souple entre la situation actuelle et celle qui suivra la mise en oeuvre effective de la réforme, après 2014 – voire avant, pour un certain nombre de modifications intercommunales –, il s'agit également d'assurer une meilleure représentation des communes au sein du conseil communautaire, en particulier lorsqu'une communauté de communes ou une communauté d'agglomération regroupe de nombreuses petites communes ou lorsque la représentation est totalement égalitaire entre celles-ci.
L'intention est proche de celle des auteurs de la loi visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale, adoptée en février dernier sur l'initiative de notre collègue, par ailleurs président de l'AMF, Jacques Pélissard. Elle répond aux difficultés que les élus locaux peuvent rencontrer dans la mise en oeuvre du processus d'achèvement et de rationalisation de la carte intercommunale.
Dans le cas de la présente proposition de loi, elle répond plus particulièrement aux attentes de ceux qui craignent que la représentation communale, en particulier celle des petites communes, soit mise à mal au profit des communes les plus peuplées. L'intercommunalité est désormais, et durablement, une composante essentielle de notre organisation territoriale. Cependant, elle n'a pas vocation à faire perdre à la commune ce qui fait son identité même. En permettant aux communes de répartir un nombre supérieur de sièges en cas d'accord, en faisant dans le processus décisionnel une place importante à la négociation, le texte entend donner aux collectivités une capacité d'initiative, donc une plus grande liberté dans la gouvernance des EPCI à fiscalité propre. C'est l'essence même de la décentralisation et nous ne pourrions nous y opposer.
En ce qui concerne la composition des exécutifs, certes, il n'est plus envisageable aujourd'hui, contrairement à ce qui a pu se produire dans un certain nombre d'intercommunalités à leurs débuts, de constituer un bureau où chaque commune disposerait automatiquement d'un poste de vice-président, ce qui a parfois engendré des conseils intercommunaux pléthoriques pour justifier un nombre de vice-présidents qui l'était tout autant.
À l'inverse, il est nécessaire que chaque secteur géographique de cet ensemble, surtout s'il présente des spécificités ou constitue un enjeu particulier, puisse être représenté au sein de l'organe exécutif. En introduisant la possibilité de relever jusqu'à 30 % de l'effectif de l'organe délibérant le nombre de vice-présidents, sous réserve qu'il ne dépasse pas le plafond de quinze, le texte parvient à trouver un compromis acceptable entre ces deux impératifs.
En revanche, au moment d'examiner ce texte, nous devons bien évidemment tenir compte de la situation économique et financière actuelle. Les élus, s'ils doivent disposer d'une marge de liberté, ne peuvent s'exonérer d'un effort de responsabilisation de leurs choix en matière de gouvernance. Le texte, tel que modifié par le Sénat, visant à garantir que l'augmentation du nombre de délégués des communes n'aurait pas d'influence sur l'enveloppe indemnitaire globale, impliquait que les éventuelles indemnités versées aux délégués communautaires supplémentaires pourraient représenter une hausse nette du montant total des indemnités versées par les EPCI concernés. Nous ne pouvions laisser subsister un tel doute au regard de la situation économique et financière de notre pays et tout particulièrement de ses collectivités territoriales. La détermination d'une base de calcul par application à la strate de population de l'EPCI du tableau prévu par le code général des collectivités territoriales est donc largement préférable.
Je me réjouis également que la réécriture de l'article 2 par la commission ait permis de définir une enveloppe indemnitaire globale, composée des indemnités du président et de celles correspondant au nombre de vice-présidents que les EPCI pourraient mettre en place en application de la loi du 16 décembre 2010. Il est en effet primordial que nous veillions à contenir les charges de fonctionnement des collectivités.
Je terminerai toutefois par un regret quant au véhicule législatif retenu pour procéder à cet assouplissement des règles relatives à la gouvernance des EPCI. Nous examinons cet ajustement dans le cadre d'une proposition de loi, alors même que la question de l'intercommunalité a commencé à être abordée au Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux. Je dois d'ailleurs observer que ce regret est partagé par certains de nos collègues de la majorité.
Les collectivités locales seraient en droit d'attendre un meilleur traitement, avec une prise en compte globale dans un projet ambitieux plutôt que cette série de textes successifs. La contribution de nos communes est en effet majeure dans la réponse aux défis que constituent pour notre pays la compétitivité et la solidarité. Nos territoires méritent mieux qu'un énième rafistolage et qu'un décalage du calendrier électoral. C'est pourtant à cela que nous assistons actuellement.
En dépit de ces réserves que nous ne manquerons pas de développer lors de l'examen des prochains textes, les députés du groupe UDI voteront cette proposition de loi, car elle a un objet que nous partageons tous : celui de favoriser la couverture de l'ensemble du territoire par les EPCI en permettant l'achèvement de la carte intercommunale.