Pourquoi, me direz-vous, aborder la question de l'organisation de nos territoires – car c'est bien de cela qu'il s'agit – par le petit bout de la lorgnette ?
Pour répondre à ces questions, il convient de se demander la question du contexte de cette proposition.
Vous le savez, notre pays est le fruit d'une histoire longue et riche. Parfois, il est aussi le produit d'histoires courtes et pas toujours très glorieuses. Je me propose de vous faire rapidement le récit de l'une d'entre elles, qui est à l'origine de la proposition de loi que nous examinons ce soir.
Le 24 octobre 2008, par décret, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, installe un comité pour la réforme des collectivités territoriales, présidé par Édouard Balladur. Ce comité rend ses propositions au mois de mars 2009, parmi lesquelles figurent une série de mesures qui concernent l'organisation territoriale de la République. Certains commentateurs parlaient alors d'un « big bangterritorial », rien de moins. De big bang, il ne fut finalement pas question, la majeure partie des propositions du comité Balladur, quinze sur vingt – que la majorité actuelle, alors dans l'opposition, approuvait pourtant, par le truchement de Daniel Vaillant et André Vallini – étant oubliées au profit d'une vaste campagne d'opinion qui visait à faire passer les collectivités territoriales pour autant de baronnies et leurs élus pour autant de barons locaux soucieux de leurs fiefs, alors même que ce qui est en jeu, c'est l'offre de service public proposée à nos concitoyens.
Pour la majorité, il s'agit donc, encore une fois, de redonner toute sa place au dialogue, là où on a voulu diviser, là où on a voulu opposer l'État et les collectivités territoriales, là où on a voulu faire de la politique politicienne sur le dos de la République des territoires, tout en se réclamant d'un anti-parisianisme de bon aloi.
Plusieurs élus de tous bords se sont inscrits en faux contre une telle lecture : il convient de leur rendre hommage. En témoigne la proposition de loi déposée sous la précédente législature par notre collègue Jacques Pélissard, qui a fait suffisamment consensus au sein des deux chambres parlementaires – avec, au Sénat, le relais d'éminentes figures telles que Jean-Pierre Sueur – pour acquérir force de loi le 29 février dernier.
Le Sénat a repris le flambeau de cette volonté d'apaisement national en déposant plusieurs textes, dont celui dont nous débattons aujourd'hui, qui traduisent pleinement la volonté, exprimée par le Président de la République, de mettre en place un nouveau pacte de confiance. Le Gouvernement concrétisera ce voeu dès le printemps prochain, en présentant le projet de loi instaurant un véritable troisième acte de la décentralisation. Nous y travaillerons. Vous aurez, madame la ministre, le plein soutien de la majorité à cette occasion.
Voici donc le chemin dont la présente proposition de loi, à l'initiative d'Alain Richard, est l'une des étapes. Elle incite à l'intelligence territoriale en encourageant les accords locaux. En effet, les communes qui aboutissent à de tels accords seront mieux représentées au sein des intercommunalités. Cela vaut tant pour les assemblées des établissements publics de coopération intercommunale, dans une limite stricte fixée par la commission des lois à 25 %, que pour leurs exécutifs, dans une limite de 30 % située dans une fourchette quantitative allant de quatre à quinze vice-présidents.
Ce texte offre davantage de liberté et de souplesse aux élus. C'est d'autant plus nécessaire que la refonte de la carte des intercommunalités révèle des situations complexes, notamment en matière de fusion, mais aussi d'extension de périmètre et d'éclatement de communautés.
La possibilité d'augmenter les effectifs des élus communautaires permettra également de mieux régler la composition d'intercommunalités composées de communes urbaines, périurbaines et rurales. Les communes périurbaines sont en effet souvent les grandes perdantes des répartitions. Les communautés et les communes qui voudront utiliser dès maintenant cette nouvelle disposition devront faire vite, la date butoir du 30 juin n'ayant pas été respectée. Contrairement à ce que j'ai entendu dire sur les bancs de l'UMP, l'adoption de ce texte doit se faire le plus rapidement possible, car les élus sur le terrain l'attendent dès maintenant. Il y a urgence à le voter.
La commission des lois a réalisé un heureux travail d'amendement, en précisant strictement que cette possibilité ne doit en aucune manière entraîner des dépenses supplémentaires pour les collectivités territoriales. En effet, le budget des indemnités devra rester maîtrisé : dans l'hypothèse d'une augmentation du nombre total des sièges du conseil communautaire, les sièges supplémentaires attribués ne seront pas pris en compte pour la détermination du montant maximal des indemnités versées aux délégués communautaires. La proposition de loi ainsi amendée reste circonscrite à son objet initial qui visait, comme je l'ai évoqué, à redonner du souffle au dialogue territorial en donnant aux acteurs locaux les clés de leur avenir.
Dans l'esprit des auteurs de cette proposition de loi, l'article 4 devrait relever de la même démarche. Mais les débats qu'il suscite l'ont fait apparaître hors sujet. Il soulève en effet des difficultés d'ordre rédactionnel, qui nuisent à la clarté de la loi. Cet article ajouterait par ailleurs une compétence aux Commissions départementales de coopération intercommunales, puisque celles-ci interviendraient non seulement dans la définition du périmètre des intercommunalités, mais également dans le champ de leurs compétences. Cela n'est pas pertinent, et n'est guère envisageable !
Il est donc essentiel, comme vous l'avez dit, madame la ministre, de limiter la portée de ce texte à son objet initial. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)