Intervention de Jean-Marie le Guen

Séance en hémicycle du 28 octobre 2015 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2016 — Justice

Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé des relations avec le Parlement :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames et messieurs les députés, je vous prie d’excuser Mme la garde des Sceaux, qui ne peut être présente à cette séance pour des raisons personnelles et familiales, comme l’a indiqué tout à l’heure le Premier ministre. Vous savez combien Mme Christiane Taubira tient à venir présenter son budget à l’Assemblée nationale et à en expliquer les déterminants et la cohérence. J’ai donc l’honneur de porter à votre connaissance les messages importants qu’elle souhaitait vous délivrer à cette occasion.

Dans un contexte budgétaire général contraint – pas assez pour certains –, le budget de la justice reste prioritaire et continue d’augmenter. Pour la première fois, il franchit le seuil symbolique des 8 milliards d’euros, pour atteindre 8,043 millions d’euros, soit une augmentation de 1,3 %. Ce chiffre prend en compte toutes les dépenses prévues, y compris donc l’aide juridictionnelle, qui transite par le Conseil national des barreaux, mais qui n’en finance pas moins une politique prioritaire.

Le rythme des créations d’emplois de la justice prend une forte ampleur : 1 024 emplois seront créés en 2016. Sur le triennat 2015-2017, alors qu’il était prévu d’en créer 1 834, ce sont finalement près de 3 000 emplois – précisément 2 947 – qui seront créés, notamment pour renforcer les moyens de la lutte contre le terrorisme. Vous pouvez constater la traduction budgétaire de ces créations de postes supplémentaires : la masse salariale augmente de 90 millions d’euros en 2016 par rapport à 2015, soit de 1,9 %.

Ces moyens en hausse traduisent la volonté du Gouvernement de poursuivre et de rendre effectives et efficaces cinq réformes prioritaires portées par la garde des Sceaux.

La première consiste à dégager des moyens pour rendre effective la réforme pénale. En 2016, 27 postes de magistrats et 200 postes dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation – SPIP – seront créés. Ces services sont la cheville ouvrière de la politique d’insertion issue de la loi pénale d’août 2014. Sur les 1 000 emplois prévus dans les SPIP sur 2014-2017, 510 agents sont déjà formés et opérationnels dans ces services, dont le budget de fonctionnement augmente de 9 %.

La deuxième tend à apporter une attention particulière à la prise en charge des victimes – c’est là l’une des marques de l’action de Christiane Taubira. Le budget de l’aide aux victimes est doublé par rapport à 2012, avec 20 millions d’euros en 2016. Fin 2016, les 164 tribunaux de grande instance – TGI – et les trois autres tribunaux de première instance – TPI – seront dotés de bureaux d’aide aux victimes. L’évaluation personnalisée des victimes sera généralisée sur l’ensemble du territoire. Une réponse adaptée sera apportée à certaines formes de violences, notamment à celles faites aux femmes, avec la poursuite de la mise en oeuvre du « téléphone grave danger », qui rompt l’isolement des victimes et permet le déclenchement rapide des secours. Enfin, un réseau de référents spécialisés pour l’aide aux victimes du terrorisme sera mis en place.

La troisième politique porte sur les moyens de la justice du XXIe siècle. Vous savez l’importance, pour le Gouvernement et pour la garde des Sceaux, de ce projet qui vise à rendre la justice plus simple, plus efficace et plus accessible aux justiciables, dans les territoires et par le numérique. Les moyens sont progressivement mis en oeuvre pour que le texte discuté début novembre au Parlement prenne toute son effectivité. Vingt-deux emplois de greffiers ont été créés en 2015 pour l’expérimentation des services d’accueil uniques du justiciable et 69 emplois de greffiers sont prévus en 2016.

La réforme judiciaire J21 se budgétise sur deux triennats– 2015-2017 et 2017-2019 – et la garde des Sceaux aura à poursuivre le travail de budgétisation, à l’aide notamment du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales – IGAS – et de l’Inspection générale des services judiciaires – IGSJ – sur le transfert des contentieux des tribunaux des affaires de sécurité sociale – TASS – et des tribunaux du contentieux de l’incapacité– TCI – vers les TGI.

La quatrième politique est la mobilisation engagée par le ministère de la justice pour lutter contre la radicalisation en prison. Avant les attentats, des actions étaient déjà mises en oeuvre, avec notamment, dès juin 2013, un plan de sécurisation des établissements d’un montant de 33 millions d’euros. Le renseignement pénitentiaire avait déjà été renforcé par 7 agents et un directeur du SPIP avait déjà été mis dès le 5 janvier 2015 à disposition de l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste, aux réunions hebdomadaires de laquelle il participe. Le personnel était déjà formé à la détection des personnes radicalisées ou en voie de l’être, des aumôniers musulmans avaient été recrutés et formés – quinze en 2013 et quinze en 2014 .

Depuis lors, dans le cadre du plan de lutte antiterroriste, un renforcement de la sécurité à plusieurs niveaux a été réalisé, avec le déploiement prévu de brouilleurs de téléphones portables de haute technologie – un appel d’offres est en cours –, le recrutement d’une vingtaine d’informaticiens et d’une quarantaine d’interprètes sur le territoire et la création d’équipes légères d’intervention et de sécurité pour augmenter la fréquence des fouilles sectorielles – plus de 140 agents sont dédiés à cette tâche.

Des détenus radicalisés ont été rassemblés dans une même unité, à Fresnes. Après une évaluation, nous ouvrirons quatre nouvelles unités d’ici février 2016. Des programmes de prise en charge des personnes radicalisées sont en cours de déploiement.

Le renseignement pénitentiaire sera renforcé dans chaque établissement concerné pour améliorer encore la surveillance et la détection. Une meilleure circulation des informations vers le juge de l’application des peines est prévue. Un décret relatif au renseignement pénitentiaire sera prochainement publié pour améliorer la circulation des informations entre la Direction de l’administration pénitentiaire – DAP – et les services de renseignement.

La cinquième de ces politiques, enfin, porte sur l’aide juridictionnelle, dont la réforme, je le rappelle, vise deux objectifs : élever le plafond pour les plus démunis – il sera de 1 000 euros, contre 941 euros aujourd’hui – et améliorer la rémunération des avocats. Globalement, la rémunération des avocats augmente, grâce à un budget qui passe de 375 à 400 millions d’euros.

Afin de rendre la réforme plus simple et plus lisible, la garde des Sceaux a repris les négociations avec les avocats et un accord rapide est sans doute possible. C’est une réforme que tout le monde juge indispensable pour les citoyens, les justiciables et la profession d’avocat. Des discussions se poursuivent actuellement à la chancellerie et nous espérons une issue positive rapidement.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, l’objet et les intentions premières du budget que j’ai eu l’honneur de vous présenter.

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