Intervention de Sergio Coronado

Séance en hémicycle du 28 octobre 2015 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2016 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, c’est un motif de satisfaction que de constater que les crédits de la mission « Justice » sont en augmentation.

En 2016, vous l’avez rappelé à la tribune, monsieur le secrétaire d’État, la hausse de ces crédits, par rapport à ceux de 2015, sera 1,3 %, pour un budget de 8,04 milliards d’euros. Une nouvelle fois, cette hausse se concentre sur le budget de l’administration pénitentiaire, avec notamment le fonds de lutte contre le terrorisme.

Tel est, depuis 2012, le principal changement : la justice est désormais une institution respectée et dotée de moyens. Nous sommes loin de la période précédente. Telles sont les raisons pour lesquelles les députés écologistes voteront les crédits de cette mission.

Je voudrais revenir sur les mobilisations en cours depuis trois semaines. Comme cela a été également dit à la tribune, les avocats grondent et leur mouvement de protestation – avec un appel à la grève générale lancé par le Conseil national des barreaux –, qui a mobilisé 156 des 164 barreaux, perdure, et ce malgré les dernière concessions de la garde des Sceaux.

L’objet des négociations, tout juste relancées, est l’aide juridictionnelle, un dispositif d’accès à la justice des plus démunis.

Il est vrai qu’en 2014, après deux ans de gel, les plafonds d’admission à l’aide juridictionnelle ont été revalorisés de 0,8 %, et la première partie du projet de loi de finances pour 2016 prévoit plusieurs réformes.

Il y a d’abord un relèvement du plafond de ressources d’accès à l’aide juridictionnelle totale pour le porter à 1 000 euros, 100 000 nouveaux justiciables par an pouvant accéder au dispositif alors qu’aujourd’hui, l’aide juridictionnelle, accessible aux personnes gagnant moins de 937 euros par mois, représente environ 900 000 dossiers. Toutefois, du fait du changement de barème du nombre d’unités de valeur par mission, ce qui ne relève pas du projet de loi de finances, certaines missions comme la garde à vue, les divorces et les procédures prud’homales seront moins bien rémunérées. Et, globalement cela représente une hausse de 27 millions d’euros des dépenses pour l’aide juridictionnelle.

L’unité de valeur, certes généralisée et revalorisée, demeure au centre des critiques. Les avocats exigent une revalorisation de la rémunération et dénoncent le nombre trop faible d’unités de valeur attribuées aux principales procédures, comme les divorces, les gardes à vue ou les affaires jugées aux prud’hommes dans le projet actuel, en raison du changement de barème du nombre d’unités de valeur par mission.

Je l’ai souligné en commission, nous ne pouvons faire peser le poids du financement de l’aide juridictionnelle sur les épaules des seuls avocats. Ils sont déjà peu nombreux à assurer l’aide juridictionnelle, 7 % d’entre eux réalisent environ 57 % des missions. À Créteil ou à Bobigny, 70 % de la population est éligible à l’aide juridictionnelle. Je vous laisse imaginer les situations.

Il faut donc trouver un financement pérenne et nous regrettons que la garde des sceaux n’ait pas donné de réponses propres à nous éclairer comme l’avait demandé la semaine dernière la représentation nationale.

Pour assurer ce financement, le projet de loi de finances pour 2016 ouvre quelques pistes, il est vrai, en relevant d’un à deux points la taxe sur les contrats d’assurance de protection juridique – les marges des compagnies sur ces contrats sont très élevées, 600 millions d’euros –, en augmentant la taxe sur les actes d’huissiers et en affectant 28 millions d’euros du produit des amendes pénales en 2016 et 38 millions d’euros en 2017. Reste que le financement par des taxes affectées conduit à la débudgétisation de l’aide juridictionnelle et au désengagement de l’État d’un dispositif qui date de 1972 et qui permet aux plus démunis d’avoir accès à un défenseur. On peut donc se féliciter que les négociations aient repris, mais l’on est très attentif à ce qui sera trouvé comme financement pérenne pour une institution à laquelle sont attachés nos concitoyens, voire un peu dubitatif.

Nous sommes tous d’accord sur le diagnostic : L’aide juridictionnelle est à bout de souffle. Mais quelles décisions permettront de remettre à plat ce dispositif ? Quelle serait l’augmentation de la rémunération accordée aux avocats pratiquant l’aide juridictionnelle ?

Je voudrais également revenir sur la promesse du Gouvernement de publier régulièrement des statistiques sur la surpopulation carcérale. Nous avons vu récemment en abordant la question des permissions de sortie qu’il y avait de grosses lacunes et qu’il était difficile d’avoir des chiffres fiables. Jusqu’en 2002, un annuaire statistique rassemblant l’ensemble des statistiques de l’administration pénitentiaire et de la justice était publié chaque année. Aujourd’hui ces statistiques, qui sont pourtant toujours collectées, sont conservées au ministère, sans publicité.

Naguère rendues publiques dans le rapport annuel de l’administration pénitentiaire, ces données concernent le détail des fautes disciplinaires et des sanctions prises, le nombre et la durée des placements en isolement dit administratif, le détail des différentes catégories de permissions de sortie et le nombre précis des non-retours, des retours en retard, des évasions, ainsi que des délits commis au cours des permissions, mais aussi le nombre de personnes placées soumises aux différentes mesures de sûreté.

Le ministère envisage-t-il de publier ces données, qui l’étaient naguère, et sont d’intérêt général pour le public, les médias, les journalistes et les parlementaires que nous sommes ?

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