Intervention de Jacques Krabal

Séance en hémicycle du 28 octobre 2015 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2016 — Aide publique au développement – prêts à des États étrangers

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Krabal :

Madame la présidente, mes chers collègues, au-delà des chiffres que Mme la secrétaire d’État nous a rappelés et que nous allons examiner, l’aide publique au développement doit plus que jamais être appréhendée sur le fond. Agir par humanisme pour que tous les hommes, femmes et enfants du monde puissent vivre dignement chez eux est une nécessité.

Au-delà des émotions engendrées par les drames humains dont nous sommes les témoins, l’aide publique au développement doit devenir une priorité, en France, en Europe et dans tous les pays développés. C’est une évidence, car les conflits, la misère, la faim, les épidémies, les pressions migratoires, les guerres et les enjeux climatiques sonnent à notre porte avec leurs flots de réfugiés politiques et climatiques.

Le moins que nous puissions faire est de ne pas laisser affaiblir ou démanteler les agences de développement françaises, qui portent encore nos valeurs et nos intérêts sur ces terrains : l’AFD, bien sûr, ou encore Expertise France, mais aussi des agences spécialisées comme Justice coopération internationale pour la justice, CFI – Canal France international – pour les médias ou SFERE – Société française d’exportation des ressources éducatives – pour l’éducation. Elles sont notre bras armé pacifique. Elles parient sur le long terme pour faciliter un développement inclusif et partagé.

La réforme de l’AFD et l’élargissement de l’assiette de son financement vont dans le bon sens, mais je veux attirer votre attention sur l’importance de conserver l’outil de la commande publique pour éviter que ces acteurs dépendent demain uniquement des bailleurs multilatéraux. Le volontarisme politique passe par des moyens propres. Soyons donc vigilants pour éviter que des arbitrages budgétaires de court terme nous fassent perdre une expérience et une influence dont nous aurons besoin demain.

Comme vous le savez, la France prend plus que sa part dans la résolution des conflits : ne l’oublions pas. Elle doit aussi être présente quand il s’agit de gagner la paix à travers le développement. Après avoir supporté l’essentiel de l’effort militaire au Sahel, il serait inconséquent de notre part de laisser le terrain du développement à nos concurrents européens, mais surtout aux Chinois ou aux Qataris qui regardent volontiers le destin de ces pays au prisme de leurs propres intérêts.

Pourtant, depuis 2012, le budget de la solidarité internationale a progressivement fondu de 700 millions d’euros – loin de l’objectif international fixé par l’ONU. Le Gouvernement a pris une bonne décision en portant le plafond de la taxe sur les transactions financières à 233 millions d’euros en 2016, contre 140 millions d’euros initialement prévus, venant ainsi compenser la baisse des crédits. Certes, c’est insuffisant, mais ne boudons pas notre plaisir : c’est bien une hausse.

Ce relèvement traduit l’engagement pris par le Président de la République devant l’Assemblée générale des Nations unies le 28 septembre dernier d’augmenter les financements en faveur du développement, à la fois en prêts – avec 4 milliards d’euros supplémentaires par an à l’horizon 2020 – et en dons. Enfin, nous soutenons l’amendement adopté en commission visant à redéployer 50 millions d’euros.

L’année 2015 est particulière, d’abord avec la conférence d’Addis Abeba, ensuite avec l’assemblée générale des Nations unies, et enfin avec la COP 21, qui se tiendra dans quelques jours. Sous l’égide de la France, cette conférence doit aboutir à un nouvel accord international sur le climat, applicable à tous les pays. Ces trois conférences internationales façonnent les nouveaux enjeux du développement et de la lutte contre le changement climatique.

Qui, dans notre pays et dans le monde, comprendrait que la France continuât de diminuer, en cette année 2015, les montants qu’elle consacre à l’aide publique au développement ? Comment pourrait-on diminuer encore le financement du développement, au moment même où les pays en développement menacent de bloquer l’accord de Paris ? Enfin, comment pourrait-on continuer à diminuer l’aide publique au développement l’année même où des centaines de milliers de réfugiés viennent en Europe ?

N’oublions jamais que nous ne pourrons pas endiguer les flux de migrants poussés par la faim et la guerre sans aider les pays d’émigration à se développer. Oui, diminuer ce budget en 2015 aurait été inconséquent et irresponsable ! Je félicite les parlementaires qui ont permis d’éviter cela, ainsi qu’Annick Girardin, notre secrétaire d’État au développement et à la francophonie. Elle aussi a su convaincre pour mettre fin à cette descente infernale. Ne nous méprenons pas, mes chers collègues, et apprécions comme il se doit cette séquence politique, même si ce budget reste insuffisant pour couvrir les besoins qui augmentent sans cesse.

Cet engagement traduit aussi la volonté de pousser les États à s’engager dans une transition collective vers un modèle socio-économique plus inclusif, plus juste et plus respectueux de l’environnement. C’est pourquoi – vous l’aurez compris – le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera les crédits de l’aide publique au développement pour l’année 2016.

Je n’ignore rien de la nécessité d’être solidaire avec nos habitants les plus défavorisés, ici, chez nous, en France. Mais nous devons aussi – et plus que jamais – aider les pays en développement, en Afrique et au-delà. Et en ces temps difficiles, reprenons la morale de la fable intitulée L’Âne et le Chien, de Jean de la Fontaine – né à Château-Thierry – : « Il se faut entraider, c’est la loi de nature ».

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