Intervention de Arnaud Richard

Séance en hémicycle du 3 novembre 2015 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2016 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le groupe UDI est en proie à une profonde amertume au moment de voter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », même si votre intervention, madame la secrétaire d’État, montre le début d’une prise de conscience de votre part.

Nous nous réjouissions – enfin – de constater dans ce projet de budget l’inscription des crédits pour l’aide à la réinsertion familiale et sociale des vieux travailleurs immigrés, ceux que l’on appelle les chibanis. Il s’agit de la mise en oeuvre réglementaire d’une loi adoptée… en 2007 ! Vous le savez, madame la secrétaire d’État, ce sujet tient particulièrement à coeur à notre formation politique et à notre ancien collègue et président Jean-Louis Borloo. Nous n’avions eu de cesse de demander la publication des décrets d’application de cette loi, qui crée une aide à la réinsertion sociale et familiale pour les vieux migrants souhaitant effectuer des séjours de longue durée dans leur pays d’origine.

En raison de ce message d’estime, d’intégration républicaine et de respect témoigné à des anciens qui ont un jour quitté leur pays pour participer à la reconstruction de la France, le groupe UDI aurait pu dépasser les clivages politiques – nous l’avons vu cet après-midi dans l’hémicycle – et approuver ce budget.

Malheureusement, quels qu’aient pu être vos propos, madame la secrétaire d’État, ce projet de budget est un marché de dupes.

À première vue, vous l’avez dit, en période budgétaire difficile, les crédits alloués à cette mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » sont maintenus, ce qui pourrait constituer un signal positif envers les plus fragiles.

En réalité, le rapporteur spécial l’a dit bien mieux que je ne saurais le faire à cette tribune, le budget présenté par le Gouvernement est sous-calibré et loin d’être à la hauteur de la menace que la crise fait peser sur notre modèle social, en particulier sur la prime d’activité, issue de la fusion de la prime pour l’emploi et du RSA activité.

Au moment du vote de la loi Travail : dialogue social et emploi, nous étions réticents à la création d’une telle prime – les membres de la commission des affaires sociales présents ce soir se rappellent certainement des propos que j’avais tenus lors de son examen en commission. Nous avions alors proposé la mise en place d’une prime forfaitaire dégressive, qui augmenterait le salaire net sans moduler les cotisations sociales.

Nos réticences sont d’autant plus fondées aujourd’hui. L’étude d’impact initiale appelait une enveloppe de 4 milliards d’euros pour financer la prime d’activité. Or dans le projet de budget que vous nous proposez, seuls 3,95 milliards d’euros sont inscrits. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le compte n’y est pas. On peut même, comme l’a fait M. le rapporteur spécial, Gaby Charroux, en commission élargie, aller jusqu’à évoquer une « insincérité budgétaire », un propos rare et très courageux pour un rapporteur spécial, membre de la majorité.

Que dire ensuite de la modification des modalités de calcul des ressources des bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé ? Nous sommes satisfaits, madame la secrétaire d’État, que vous reveniez à la réalité.

Pour 210 000 personnes dont le taux d’invalidité est supérieur ou égal à 80 %, l’adoption définitive de cette mesure aurait conduit à une baisse de 105 à 179 euros de leur allocation mensuelle, alors même que son montant est inférieur au seuil de pauvreté. Cette mesure révélait une confusion grave entre l’épargne privée, souvent constituée par les familles et proches de la personne handicapée, et la solidarité nationale.

Nous serons naturellement très vigilants sur cette question. Je fais pleinement confiance à Christophe Sirugue pour faire des propositions – cette fois-ci – réalistes, bien loin de ce que prévoyait ce projet de budget.

Madame la secrétaire d’État, vous refusez les réformes et vous appuyez toujours un peu plus sur les collectivités territoriales, déjà exsangues du fait du RSA. Les crédits de cette mission nous semblent contraires à l’esprit du pacte républicain, qui a vocation à protéger les plus modestes d’entre nous des aléas de la vie et à leur offrir des conditions de vie dignes.

Aussi, madame la secrétaire d’État, vous comprendrez que le groupe UDI, s’il salue votre clairvoyance de dernière minute, ne votera pas les crédits de ce budget.

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