Intervention de Jean-Jacques Candelier

Séance en hémicycle du 3 novembre 2015 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2016 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Candelier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial et cher ami Gaby Charroux, chers collègues, le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est important, car il rassemble les dépenses indispensables à la vie quotidienne des plus fragiles. Ses crédits sont primordiaux pour le maintien du tissu social de notre pays. Il est indispensable qu’il se construise à partir d’un diagnostic partagé entre l’État et les acteurs de terrain, sur la base des besoins réels de la population. Au lieu de cela, le budget pour 2016 a été élaboré à partir d’un carcan préétabli.

Concernant l’allocation pour adultes handicapés, si l’on retient les prévisions du Gouvernement, soit un nombre d’allocataires moyen de 1 070 000 personnes pour 2016, on obtient un budget de 9,2 milliards d’euros environ. Pourtant, la somme inscrite pour 2016 n’est que de 8,5 milliards. Cette prévision est inférieure de 300 millions aux dépenses réelles prévues pour 2015 ; elle est au niveau des dépenses réelles de 2014. Comment va-t-on honorer les 700 à 800 millions d’euros manquants ? J’ajoute que depuis le 1er septembre, l’allocation maximum est de 807 euros, soit un montant nettement moins élevé que le seuil de pauvreté – 987 euros – ou que le SMIC – 1 136 euros net.

Je dénoncerai aussi la prise en compte, en 2016, des revenus non imposables – livret A, livret d’épargne populaire – dans le calcul de l’allocation. Cela générera des économies dérisoires à l’échelle de l’État ; en revanche, pour les personnes en situation de handicap, ces très petits revenus d’épargne sont indispensables pour vivre au quotidien. Cette réforme est donc néfaste.

En outre, à partir de janvier 2016, la prime d’activité se substituera au RSA activité et à la prime pour l’emploi : 824 000 ménages perdront dans cette réforme un revenu moyen mensuel de 53 euros. L’étude d’impact de cette mesure, qui concerne 4,5 millions de ménages, précise qu’« une enveloppe de 4 milliards d’euros sera allouée au financement de la prime d’activité ». Cette prévision est calculée sur l’hypothèse que seules 50 % des familles bénéficiaires la solliciteront. Un tel écrémage est insupportable ! Le Gouvernement, si prompt à dénoncer les zones de non-droit dans les quartiers populaires, allant jusqu’à parler d’« apartheid » à ce sujet, prévoit que ces populations n’auront pas recours à des droits sociaux. Quel cynisme !

Une activation automatique de la prime d’activité est pourtant possible. Le budget proposé est inférieur aux prévisions des services de l’État : il ne prévoit que 3,950 milliards, au lieu des 4 milliards estimés. Il manque donc 50 millions, auxquels s’ajouteront probablement les 139 millions d’euros non financés en 2015.

Cette sous-évaluation de la prime d’activité s’ajoute à la compensation très largement insuffisante du coût du RSA et de l’allocation personnalisée d’autonomie pour les départements, comme l’a récemment rappelé l’Association des départements de France. L’État se désengage progressivement des politiques de solidarité.

Nous apprécions la progression du budget consacré à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous notons une augmentation significative de la ligne budgétaire consacrée à la prévention et la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains.

Nous regrettons le maintien en 2016 du gel du nombre de places dans les établissements et services d’aide par le travail, qui reste au niveau de 2013. Il s’agit, là encore, d’un choix qui ne tient pas compte des besoins réels de la population. Nous avons toutes les raisons d’être inquiets quant à l’article 46 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, qui prévoit le transfert de ce budget à l’assurance maladie en 2017. Je connais bien, dans le département du Nord, les graves difficultés auxquelles sont confrontés les parents d’enfants handicapés dont la prise en charge est cofinancée par la Sécurité sociale et le conseil départemental.

Je rappelle que le handicap n’est pas une maladie. Les personnes en situation de handicap, comme tous les citoyens, doivent bénéficier du principe qui a inspiré Ambroise Croizat, il y a soixante-dix ans, lors de la création de la Sécurité sociale : chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.

Enfin, le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » prévoit la suppression de quatre-vingt-dix-neuf postes de travail pour 2016. Il ne faut pourtant pas être grand clerc pour anticiper les besoins de personnel et les coûts qui seront générés par la réorganisation des services en fonction de la nouvelle carte des régions. Seule la somme dérisoire de 11,4 millions d’euros est prévue sur le programme 551, pour l’ensemble des budgets de l’État.

Ce budget est pour moi un budget d’austérité. Plutôt que de répondre aux besoins bien réels de la population la plus fragile de notre pays, vous préférez satisfaire les intérêts du capital. Très attachés à la fraternité républicaine et à la solidarité, nous voterons contre.

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