Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du 30 novembre 2015 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2015 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Mme la rapporteure générale s’en est étonnée, mais, m’a-t-elle dit tout à l’heure en commission, elle n’a pas eu le temps d’approfondir la question. Pourriez-vous nous expliquer d’où viennent et à qui appartiennent ces 800 millions ? Serait-ce que vous n’avez pas eu le temps de les reverser avant le 31 décembre 2015 et qu’ils seront par conséquent imputés sur l’exécution 2016 ? Si tel est le cas, en avez-vous tenu compte dans le calcul des prélèvements obligatoires pour 2015 ou pour 2016 ?

Je voudrais aussi, à la suite de plusieurs collègues – dont Mme la rapporteure générale –, évoquer l’article 11.

Cette mesure représente une hausse de 2 milliards d’euros par an – celle de 1,9 milliard pour 2016 ayant déjà été votée, on nous demande en effet de voter dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2015 des dispositions pour 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021, ce qui, vous l’admettrez, est un peu curieux –, pour un montant total 10 milliards.

Selon le rapport de Mme la rapporteure générale, la charge de cette mesure serait supportée pour les deux tiers par les ménages, et pour le reste par les entreprises. Parce que j’aime bien lire les documents du Gouvernement, j’ai essayé de trouver l’étude d’impact. Quelle ne fut pas ma stupeur de constater que l’impact économique de cette mesure n’avait pas été mesuré alors qu’il est considérable ! À moins de penser que cette mesure était simplement destinée à tomber en plein milieu de la COP21. Certains esprits tordus pourraient le faire accroire, mais ce n’est pas mon cas. Simplement, je regrette fort l’absence d’étude d’impact et le défaut de coordination européenne. Nous commençons à recevoir de nombreuses lettres de chefs d’entreprise – pas les entreprises électro-intensives qui ne sont pas concernées par la hausse, mais les autres, celles qui consomment beaucoup d’énergie. Leur position est simple : d’ici 2021, ils investiront de moins en moins en France, s’ils ne délocalisent pas pour augmenter leur activité dans des pays qui ne les soumettront pas à une telle mesure.

Pourquoi le Gouvernement ne s’est-il pas coordonné avec les principaux pays industriels européens pour essayer de prendre une mesure cohérente ?

Quant aux ménages, ils ne seront pas tous égaux face à cette hausse selon qu’ils vivent en milieu rural profond ou dans des villes très importantes, dans lesquelles les réseaux de transport collectif sont financés pour une bonne part par les entreprises, voire, pour ce qui concerne l’agglomération parisienne, par les impôts des Français. C’est le seul réseau pour lequel le financement soit national. On se demande bien pourquoi, d’ailleurs. J’ai essayé de supprimer ce dispositif pendant dix ans, mais il perdure puisque nous continuons à verser une subvention à la RATP. Pourquoi ne le faisons-nous pas pour les grandes métropoles ?

Les effets d’une telle hausse ne sont pas du tout homogènes pour les ménages. Une nouvelle fois, vous allez créer une fracture au sein de notre pays. Ceux qui vivent en milieu rural ou dans des villes petites et moyennes sans réseau de transport collectif, dénonceront le fait de payer de leur poche la totalité du coût des transports et de subir de plein fouet leur augmentation, suite à la hausse du coût de l’énergie, alors que ce n’est pas le cas pour les usagers des transports publics – ou beaucoup moins.

Il eut été intéressant, messieurs les ministres, de disposer d’une étude fine sur l’impact social de ces mesures. Ce ne sont pas les ménages les plus riches qui sont le plus touchés, mais bien souvent les plus modestes, et ceux qui travaillent ! On poursuit cette politique qui n’est pas juste d’un point de vue social. Elle entretient le sentiment, de plus en plus répandu et qui se traduit par des votes extrémistes croissants, d’une France des oubliés, des abandonnés.

Je voudrais également dire quelques mots de la fiscalité agricole. Dans le cadre d’une mission présidée par notre collègue François André – mission assez étroite, reconnaissons-le –, nous avons formulé un certain nombre de propositions. Je regrette tout d’abord, messieurs les ministres, que vous n’ayez inscrit celles des mesures que vous reteniez, ni dans le projet de loi de finances initiale ni dans le projet de loi de finances rectificative. Ce n’est qu’à l’article 88 que nous découvrons les amendements du Gouvernement !

Comment voulez-vous que l’on travaille sérieusement dans ces conditions ? Certes, ces amendements me semblent aller dans le bon sens, mais messieurs les ministres, vous avez suffisamment critiqué le Gouvernement pour ses amendements tardifs, lorsque vous étiez dans l’opposition, pour ne pas agir de la même façon aujourd’hui, d’autant plus que vous aviez le temps, la mission vous ayant rendu ses conclusions il y a déjà plusieurs mois. Ce n’est pas ainsi que vous respecterez et valoriserez le Parlement. Ne vous étonnez plus, dès lors, si nous ne sommes plus qu’une dizaine à venir en séance. On se demande parfois pourquoi, d’ailleurs. Travaillez ainsi et vous désespérerez la poignée de parlementaires qui s’investissent encore dans cette noble assemblée.

Je voulais enfin évoquer un problème extrêmement choquant, celui du prélèvement exceptionnel sur le FNGRA. Vos prédécesseurs ont déjà eu recours à cette méthode, que j’appelle le gangstérisme d’État.

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