Intervention de Éric Alauzet

Séance en hémicycle du 30 novembre 2015 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2015 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet :

Messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, chers collègues, il m’est impossible de m’exprimer au sujet du PLFR sans évoquer les deux événements majeurs de l’actualité. L’un était prévu de longue date, c’est la convergence vers la France et vers Paris des représentants de 150 États venus pour la COP21. L’autre nous a percutés de plein fouet le 13 novembre dernier.

De ces deux événements, l’un met en danger notre sécurité immédiate, l’autre menace notre sécurité future. Aussi gravement, l’un comme l’autre, ils sonnent la fin d’une forme d’insouciance que la seconde moitié du XXe siècle avait contribué à installer. Ils exigent des dispositifs efficaces, des décisions nationales, absolument nécessaires mais totalement insuffisantes si elles ne s’accompagnent pas et ne s’appuient pas sur des engagements et des actions internationales.

Si ce PLFR représente le moment privilégié pour évaluer le déroulement de l’exercice budgétaire et sa conformité avec la trajectoire de réduction des déficits, il est nécessaire de confronter cette trajectoire au pacte de sécurité, au pacte écologique, en particulier au pacte pour le climat ainsi qu’au pacte républicain, sans oublier les pactes de responsabilité et de solidarité qui ont conduit à repousser l’objectif des 3 % de déficit de 2015 à 2017, après le report de 2013 à 2015 de ce même objectif en raison de ce que l’on pourrait qualifier de pacte de réalité, à savoir le constat d’une croissance plus faible que prévue.

On notera au passage que l’orthodoxie bruxelloise des déficits s’accommode en fait de certains aménagements dès lors que l’on évoque la baisse d’impôts. Cette flexibilité prouve que l’adaptation est un élément déterminant de l’exercice politique.

Tout d’abord, cette nécessité d’adaptation exige de nous une extrême rigueur quant aux prévisions financières pour ne pas ajouter une incertitude budgétaire à tous les grands défis. Sur ce point, la prévision 2015 apparaît comme un modèle où les dépenses et recettes sont en cohérence avec les prévisions. Cela faisait une éternité que l’on n’avait pas vu cela, alors qu’il manquait 15 milliards de recettes fiscales en 2013 et 10 milliards en 2014. L’opposition s’était alors empressée d’affirmer que la perte fiscale n’était que le résultat de l’augmentation des impôts des ménages et des entreprises. Eh bien non, c’était principalement la conséquence d’une surestimation de la croissance.

Ensuite, il faut réfléchir à l’évolution des priorités budgétaires dans un contexte où l’augmentation des prélèvements restera limitée. Déjà, les interventions militaires en opérations extérieures ont bénéficié d’un soutien financier complémentaire équilibré par des baisses de dépenses. Le renforcement de la sécurité intérieure pourrait déroger à la contrainte budgétaire mais de manière marginale, avec un faible impact sur les déficits, de l’ordre de 0,03 % du PIB.

Le pacte écologique, la lutte contre le changement climatique et la transition énergétique bénéficieront à partir de 2017 de crédits budgétaires alimentés par la montée en puissance de la contribution climat énergie alors qu’elle a contribué sur la période 2014-2016 à financer en partie l’allégement du coût du travail via le CICE.

En cette période de stabilisation des prélèvements, de soutien à la compétitivité des entreprises et au pouvoir d’achat des ménages, le débat doit rester ouvert sur l’affectation environnementale, sociale ou économique de cette taxe.

Alors que l’allocation de cette recette ou de dispositifs énergétiques apparaît logique, la restitution aux ménages serait sans doute le meilleur levier en faveur de l’acceptabilité d’une fiscalité énergétique. La réduction du coût du travail donnerait, elle, le signal d’une mise à contribution de l’énergie fossile aux entreprises, en lieu et place de l’énergie humaine, à savoir le travail. Il sera capital de ne pas y déroger.

Il sera aussi essentiel, pour des raisons de cohérence, de ne pas défaire d’une main ce que l’on fait de l’autre. À titre d’exemple, j’évoquerai la baisse d’un centime sur l’essence sans plomb mélangée avec de l’éthanol, financée par l’augmentation d’un centime de l’essence standard, décidée en PLFR, et qui met à mal le processus de convergence de la fiscalité du diesel vers celle de l’essence, décidée en PLF. Avec un delta de 2,7 centimes d’euros, rapporté à 1,7, ce n’est plus en cinq ou six ans que les tarifs convergeront mais en dix ou douze ans ! Il y a là une incohérence qu’il faut relever.

Enfin, je reviendrai sur le pacte républicain, qui est à la sécurité ce que le pacte écologique est au pacte climatique. Ce pacte républicain ne peut pas nous dispenser des actions à mener et des moyens financiers à consacrer pour assurer l’inclusion de chacun à la nation. Tout doit donc être mis en oeuvre localement, sur le plan économique, urbain, social, culturel, sportif, cultuel, avec les collectivités, les associations, la communauté éducative, ou les entreprises, pour lutter contre toutes les formes de relégation. L’État joue un rôle déterminant, par les arbitrages budgétaires qu’il fixe.

Vous l’avez compris, messieurs les ministres, monsieur le président, madame la rapporteure générale, mon propos est un appel à la cohérence.

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