Intervention de François André

Séance en hémicycle du 30 novembre 2015 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2015 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois André :

Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, chers collègues, on l’a dit en introduction de notre débat mais cela a sans doute échappé à notre collègue Lurton : nous débattrons bien par voie d’amendements de cet important sujet qu’est la fiscalité agricole, et je m’en réjouis, comme nombre de collègues, sur tous les bancs de cette Assemblée.

Les propositions de modification d’initiative gouvernementale ou parlementaire qui vous seront soumises s’inscrivent dans le droit fil des conclusions des Assises de la fiscalité agricole réunies au mois de septembre 2014 par le ministre de l’agriculture ainsi que de celles de la mission d’information sur le même sujet, constituée par notre commission des finances et dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur.

La visée générale des amendements qui vous seront proposés est, d’une part, de simplifier une législation mouvante, parfois peu lisible, et d’autre part, de l’assouplir dans un contexte agricole volatil où l’exploitant est de plus en plus un chef d’entreprise en quête d’outils de gestion efficaces.

En matière de simplification, il vous sera proposé de réformer en ce sens le régime du forfait collectif, applicable aux exploitations dont le chiffre d’affaires n’excède pas 763 000 euros __ cela concerne environ 300 000 exploitations. Ce régime s’avère aujourd’hui dépassé, voire inéquitable selon les filières de production. Il est, de surcroît, complexe et fort coûteux en gestion. Il s’agit aujourd’hui d’y substituer un régime de micro-bénéfice agricole, à l’instar de celui qui existe pour les commerçants et artisans. Cette réforme fait l’objet d’un large consensus parmi les acteurs agricoles : l’heure est venue de la mettre en oeuvre.

Nos propositions visent aussi à mieux répondre, au plan fiscal, à ce qui constitue __ les crises récentes des filières d’élevage en attestent __ la principale spécificité économique agricole, à savoir la variabilité des prix, des cours et donc des revenus agricoles. La question est d’autant plus importante que l’agriculture française sort progressivement du système des prix garantis par la politique agricole commune, la PAC, et que les matières premières agricoles font eux-mêmes l’objet de pratiques spéculatives à l’échelle mondiale. Il convient dès lors __ et je défendrai un amendement en ce sens __ de favoriser l’émergence dans les comptes des exploitations d’une épargne de précaution permettant la souplesse nécessaire pour faire face aux aléas, qu’ils soient climatiques, sanitaires ou purement économiques.

Il existe déjà, dans notre droit fiscal, un dispositif de déduction pour aléas, mais ses critères d’éligibilité, comme ses conditions d’utilisation, doivent être assouplis, afin qu’il devienne un outil de gestion pleinement utilisé, ce qui, reconnaissons-le, n’est pas le cas aujourd’hui. Le but n’est pas de permettre au monde agricole de payer moins d’impôts __ ce n’est d’ailleurs pas ce qu’il demande __, mais d’encourager les dispositifs qui permettent de lisser les effets, au plan fiscal et social, de la variabilité des revenus assujettis.

Enfin, nous présenterons des amendements tendant à favoriser les regroupements en groupements agricoles d’exploitation en commun __ GAEC __, cette forme juridique purement française, qui répond aux aspirations des exploitants actuels.

Mes chers collègues, soyons lucides, soyons modestes. Ce ne sont pas des mesures fiscales qui mettront fin, à elles seules, aux fortes turbulences que traverse l’agriculture française. Celles-ci peuvent avoir une origine conjoncturelle __ tel l’embargo russe __ ou plus structurelle, comme la sortie des prix garantis. De ce point de vue, la mise en oeuvre de la loi d’avenir pour l’agriculture, voulue par Stéphane Le Foll, tout comme la définition de la future PAC, sera déterminante.

En attendant, ce projet de loi de finances rectificative nous donne l’occasion d’adapter de façon significative notre fiscalité agricole aux enjeux de notre temps. Comme d’autres, je m’en réjouis, et je vous invite donc, par avance, à adopter les mesures qui vous seront soumises.

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