Intervention de Jean-Marie le Guen

Séance en hémicycle du 3 décembre 2015 à 9h30
Répression de la négation des génocides et des crimes contre l'humanité — Présentation

Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé des relations avec le Parlement :

Quoi qu’il en soit, la question qui nous est posée aujourd’hui est évidemment de nature juridique.

Consulté par le Gouvernement sur les conditions dans lesquelles pouvait être réprimée la négation du crime de génocide, le Conseil d’État a estimé, dans un avis du 18 avril 2013 rendu public dans son rapport annuel, que le principe de légalité des délits « interdisait de sanctionner la dénégation de faits pouvant être pénalement incriminés – et, plus encore, la dénégation de leur qualification pénale précise, par exemple sur le point de savoir s’il s’agit d’un crime de guerre ou d’un crime contre l’humanité –, lorsque cette dénégation est antérieure à toute décision juridictionnelle définitive établissant que lesdits faits relèvent bien de cette incrimination. »

Il a ajouté que « Au regard de l’interprétation que la Cour européenne des droits de l’Homme donne au principe nullum crimen sine lege – principe de légalité du droit pénal –énoncé à l’article 7-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, l’un des éléments constitutifs de l’infraction de négationnisme, à savoir la qualification pénale des faits niés, serait entaché d’imprévisibilité, si cette qualification ne résultait ni d’une convention internationale liant la France, ni d’une décision antérieure devenue définitive, rendue par une juridiction française ou par une juridiction internationale instituée par une convention internationale à laquelle la France serait partie, ayant porté cette qualification à l’égard d’auteurs, co-auteurs ou complices des faits criminels eux-mêmes, préalablement aux propos incriminés. »

Enfin, dans un arrêt du 17 décembre 2013, la Cour européenne des droits de l’Homme a jugé que la nécessité de condamner la négation de la qualification de génocide des atrocités survenues en Arménie pendant les années 1915 et suivantes n’a pas été démontrée dans l’affaire qui lui a été soumise – affaire Perinçek contre Suisse, requête répertoriée. Le Gouvernement doit également tenir compte de cette décision. Celle-ci est devenue définitive depuis l’arrêt de la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’Homme du 15 octobre 2015, Perinçek contre Suisse, qui a condamné la loi suisse incriminant la négation d’un génocide.

C’est dans ce cadre juridique contraint et évolutif que le travail du Gouvernement se poursuit, en vue d’assurer également la transcription en droit français de la décision-cadre de 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal. Cette nouvelle proposition de loi vise à réprimer la négation des génocides et des crimes contre l’humanité du XXème siècle en ajoutant un nouvel article L. 213-6 au code pénal. Celui-ci incriminerait « la contestation systématique, la négation par principe, la banalisation, la minimisation grossière et la tentative de justification » des crimes et génocides susmentionnés. Ce nouvel article du code pénal prévoit une peine de cinq ans d’emprisonnement et une amende de 45 000 euros.

Le Gouvernement estime que, dans sa nouvelle rédaction, cette proposition de loi serait contraire à la Convention européenne des droits de l’Homme, notamment à son article 10, qui porte sur la liberté d’expression, et son article 7, qui proclame le principe « pas de peine sans loi ». Il estime aussi que cette proposition de loi serait immanquablement censurée par le Conseil constitutionnel si elle venait à être votée, conformément à la jurisprudence précitée. Il convient de préciser que sur le même sujet, le Conseil constitutionnel est actuellement saisi de la loi Gayssot par la voie d’une question prioritaire de constitutionnalité ; il se prononcera vraisemblablement à la mi-décembre.

Le Gouvernement est résolument engagé en faveur d’une position ferme et intransigeante à l’égard de celles et ceux qui contestent et nient la réalité atroce du génocide arménien.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion