On a coutume de dire qu’il ne reste plus au plaideur débouté de ses prétentions qu’à maudire ses juges. Pour ma part, je ne maudirai pas le Conseil constitutionnel. D’abord parce que nous ne sommes pas en procès, ensuite parce que le Conseil, quoi qu’il prétende, n’est pas un juge ; il est le gardien des équilibres institutionnels et des grands principes du droit.
Avec habileté, il a forgé lui-même les instruments de son contrôle – lui-même, c’est-à-dire à l’abri de toute possibilité effective de discussion et de contradiction en dehors des controverses doctrinales entre juristes naturellement éminents. C’est une position de pouvoir. Comme toute position de pouvoir, elle peut conduire à des abus et à la sacralisation d’une jurisprudence qui n’est, après tout, qu’une oeuvre humaine, faillible et perfectible.
Nous le voyons particulièrement dans le cas présent où nous sommes contraints par la censure du Conseil de remettre sur le métier, une nouvelle fois, la traduction juridique d’une exigence qui est pourtant, à mes yeux, primordiale et moralement indiscutable.
Bien évidemment, l’ami du peuple arménien que je m’honore d’être depuis de très nombreuses années – j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur de la proposition de loi qui rassemblait les présidents de tous les groupes du Sénat et qui a été adoptée en 2001 – ne peut oublier que ce débat a lieu alors que va s’achever l’année de la commémoration du génocide de 1915, qui fut le premier génocide du XXème siècle.