Cette commémoration, et je m’en félicite, a permis de constater, une fois de plus, combien le souvenir de cette abominable tragédie était vivant et aussi largement partagé dans la société française, bien au-delà des communautés de Français d’origine arménienne.
Mais je sais bien, et j’ai toujours soutenu que nous n’avons pas à faire je ne sais quel classement ou je ne sais quelle évaluation comparative des génocides. Tout génocide, quel qu’il soit, quelles qu’en soient les victimes, est une défaite de l’humanité, un scandale, dont la répression doit être conduite avec la plus extrême vigueur.
C’est ce qu’avaient compris les auteurs de la définition des crimes contre l’humanité contenue dans le statut du tribunal de Nuremberg, qui demeure encore aujourd’hui la base historique de la condamnation du génocide.
Ne pas répondre par une sanction à la hauteur de l’offense qu’infligent à la collectivité humaine les actes génocidaires serait une faute lourde de conséquences pour la paix de la société française et, comme on le voit actuellement, pour la paix du monde. Cela créerait un sentiment de banalisation, voire d’impunité, et serait par là-même un encouragement à la dépréciation de la valeur sans pareille de toute personne humaine, quelles que soient son origine, ses opinions, sa religion.
Dans l’ordre de la pensée, la négation des génocides historiquement attestés est, toutes proportions gardées, d’une gravité spécifique. Il ne s’agit pas d’un banal délit d’opinion.
Nier un génocide, quel qu’il soit, c’est purement et simplement effacer de l’Histoire des personnes et des communautés, banaliser, contre toute raison, les traitements odieux qui leur sont infligés. Dans le contexte actuel, où des groupes fanatiques pratiquent, par la parole et par les actes, l’anéantissement des hommes, des monuments et de la mémoire, on peut mesurer les conséquences d’une attitude de faiblesse face à de tels débordements.
Il est bien évident que, dans mon esprit, la répression des idées négationnistes ne doit pas être la seule riposte à leur propagation. Il est du devoir de l’université de veiller, dans le cadre de ses règles propres et du libre débat, à la réfutation, dans un climat de libre discussion, des thèses aventurées. Mais, lorsque la diffusion d’opinions négationnistes devient systématique et, plus largement, se met au service de projets politiques véritablement liberticides, alors l’intention délictueuse dépasse l’expression d’idées hétérodoxes et devient subversion. Il n’y a plus d’autre voie que la répression pénale, une répression conduite, comme il se doit, dans le respect de la procédure et des garanties qu’elle offre et doit offrir à tout justiciable, fut-il l’auteur avéré de propos répugnants.
Ces considérations dicteront le sens du vote que je vais émettre, au nom du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, sur la proposition de loi défendue par notre collègue Valérie Boyer. Je ne m’arrêterai pas aux incidents de procédure qui ont marqué son examen en commission, ni à la manière dont ils ont été traités. Je ne voudrais pas en tout cas que l’on se réfugiât derrière ces incidents pour émettre un vote négatif qui serait en réalité un acte politique.