Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du 3 décembre 2015 à 9h30
Répression de la négation des génocides et des crimes contre l'humanité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

N’aurait-il pas été plus pertinent d’attendre les réserves et censures éventuelles du Conseil avant de légiférer, afin d’élaborer un texte consensuel, équilibré, répondant à l’ensemble des difficultés juridiques soulevées et permettant la mise en place d’une véritable infraction de négation des crimes de guerre et crimes contre l’humanité ?

Mais puisque vous avez décidé, mes chers collègues, d’examiner cette question dès aujourd’hui, nous répondrons à votre invitation.

Ce texte vise donc à étendre les faits permettant la qualification de délit de négation des crimes de génocide et des crimes contre l’humanité. Mais à la contestation des crimes de génocide et crimes contre l’humanité, les auteurs de la proposition de loi souhaitent ajouter les faits de banalisation, de minimisation grossière et de justification desdits crimes.

Pour cela, le texte que vous nous présentez contient plusieurs dispositions.

L’article 1er tend à insérer un nouvel article 213-6 du code pénal permettant la création d’un délit de contestation, de négation, de banalisation, de minimisation et de tentative de justification des crimes de génocide et des crimes contre l’humanité, délit passible de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

L’article 2 introduit une clause d’irresponsabilité pénale pour des faits de négation, de contestation, de banalisation, de minimisation ou de justification de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité résultant de découvertes ou de recherches historiques.

L’article 3 prévoit l’application du délai de prescription de droit commun à ce délit de négation, ce qui veut dire que les faits ne pourront plus faire l’objet de poursuites à l’issue d’un délai de trois ans ; il prévoit également une soumission aux règles de procédure de droit commun en matière d’action publique.

De plus, le texte introduit des peines complémentaires susceptibles d’être prononcées en cas de condamnation pour contestation, négation, banalisation ou tentative de justification de crimes de génocide ou de crimes contre l’humanité.

Il est ainsi prévu que le tribunal pourra ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée ainsi que, pour l’auteur, l’interdiction totale ou partielle des droits civiques et l’interdiction d’exercer une fonction publique.

Enfin, l’article 5 vise à ajouter un alinéa à l’article 2-4 du code de procédure pénale permettant à toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans, qui combat les crimes contre l’humanité et les génocides, et entretient leur mémoire, de pouvoir exercer les droits reconnus à la partie civile.

Nous nous inquiétons du manque de précision des dispositions choisies mais aussi des infractions concernées, car banalisation, minimisation ou justification sont des mots équivoques qui laissent place à une marge d’appréciation beaucoup trop importante et ne permettent pas une définition satisfaisante des délits concernés.

La condamnation d’un génocide ou d’un crime de guerre est une évidence. Nous ne pouvons occulter la réalité du génocide arménien et, vous le savez, les radicaux de gauche que je représente se sont toujours engagés pour la reconnaissance et la condamnation de ce génocide.

Mais je m’inquiète des conséquences juridiques que pourrait avoir l’adoption d’une nouvelle loi mémorielle précisant la notion de génocide et pouvant amener à de multiples interprétations.

Je valide les propos de la rapporteure Valérie Boyer, à savoir que cette loi n’est pas une loi partisane. Il est de notre responsabilité de condamner les crimes contre l’humanité et les génocides. Toutefois, il est aussi de notre responsabilité d’adopter un texte opérant. Comme le Conseil constitutionnel l’a estimé, il n’appartient pas au législateur de reconnaître un génocide ou un crime contre l’humanité et de le juger lui-même. Le Conseil a précisé qu’il était nécessaire de nous en remettre à une décision ayant l’autorité de la chose jugée afin de sanctionner les délits de négation de crimes de guerre ou de génocides.

Aussi je m’interroge, une nouvelle fois, sur la pertinence d’examiner cette proposition de loi cette semaine.

De plus, la rapporteure a présenté des amendements la veille au soir de l’examen de la proposition de loi en commission des lois, amendements qui visaient à en réécrire intégralement le texte. Ainsi, l’article 1er tel que modifié ne visait plus le code pénal mais la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les autres amendements visant à supprimer les autres articles de la proposition de loi devenus sans objet du fait de la modification de l’article 1er.

Ainsi, la nouvelle rédaction proposée par la rapporteure, dont je salue la volonté de dialogue, visait à combler les lacunes de la loi Gayssot plutôt qu’à réintroduire de nouvelles infractions complexes.

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