Privée de support juridique, toute pénalisation porte atteinte à des droits fondamentaux tels que la liberté d’expression.
De plus, le négationnisme, pénalement répréhensible, est en lien avec une incitation directe ou indirecte à la haine ou à la violence. C’est une justification des crimes contre l’humanité et de la violence passée, une justification de la haine et de l’intolérance. Dans le cas contraire, il ne suffit pas à dépasser la limite de la liberté d’expression.
Aujourd’hui, vous tentez de contourner le texte que nous avons voté et qui reconnaît ce génocide. Vous tentez également de contourner grossièrement l’inconstitutionnalité qui a frappé votre précédente proposition.
La gravité d’un génocide ne diminue pas avec le temps. C’est pour cette raison que nous ne pouvons pas risquer un autre échec. Votre proposition de loi n’est pas aboutie. Elle contient encore trop d’imprécisions. Ainsi, elle crée un délit concernant un article placé dans le champ du crime du code pénal. Un délit contre l’humanité ? Nous ne pouvons en aucun cas créer un délit, alors qu’il s’agit ici d’un crime, d’un crime contre l’humanité.
Nous ne pouvons risquer d’intégrer votre proposition dans la loi Gayssot du 13 juillet 1990 car, en cas d’invalidation de votre proposition, l’avenir de la pénalisation de la négation de la Shoah serait incertain. Cette loi sert de référence à la pénalisation du révisionnisme de tout génocide reconnu par un tribunal international, comme le tribunal de Nuremberg ou son héritière, la Cour pénale internationale.
Tel n’est pas le cas du génocide arménien et, en l’état actuel de notre droit, ce n’est pas à la loi d’incriminer la négation. Nous ne pouvons être juge et partie. Nous ne pouvons risquer une nouvelle inconstitutionnalité. Nous ne pouvons risquer de nouveau un revers juridique. Nous ne pouvons créer de nouvelles illusions.
La proposition de loi est circonstancielle malgré l’importance du sujet qu’elle vise à traiter. La commission des lois a été mise devant le fait accompli, puisqu’au dernier moment, la rapporteure, peu sûre de sa proposition, l’a elle-même complètement réécrite,…