Intervention de Pierre Morel-A-L'Huissier

Séance en hémicycle du 3 décembre 2015 à 15h00
Incapacité pénale des personnes condamnées pour pédophilie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morel-A-L'Huissier :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons constaté, en commission des lois, un réel consensus autour de la proposition de loi de notre collègue Claude de Ganay, qui s’inscrit dans une démarche de pur bon sens.

La nécessité de rendre automatique l’impossibilité pour toutes les personnes définitivement condamnées pour des faits de nature pédophile d’exercer des fonctions professionnelles au contact des mineurs est une évidence, et ne pas légiférer en ce sens serait irresponsable.

Le système de protection des mineurs contre la pédophilie, tel qu’il est conçu actuellement, n’a malheureusement que trop apporté la preuve de ses lacunes, en permettant notamment au printemps dernier à deux personnes définitivement condamnées pour des faits de pédophilie, de récidiver dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, respectivement de directeur d’une école primaire en Isère et de professeur de sport dans un collège d’Ille-et-Vilaine.

Ces affaires avaient provoqué consternation et indignation chez les parents d’élèves et dans l’opinion publique, et pour cause : quel parent pourrait accepter que son enfant soit encadré, éduqué par une personne qui a commis des actes de nature pédophile et qui a été condamnée en justice pour cela ? Pourquoi faire perdurer plus longtemps une telle faille dans le système de protection des mineurs contre les actes pédophiles ?

Le texte que nous examinons aujourd’hui propose un dispositif simple permettant d’améliorer efficacement la protection des mineurs contre les actes de pédophilie, et ce dans le respect des principes constitutionnels.

Que les personnes condamnées aient été qualifiées de criminels ou de délinquants pédophiles par la justice, que ces personnes aient été condamnées à plus ou à moins de deux mois d’emprisonnement ferme, les actes qu’elles ont commis demeurent à caractère pédophile et cette différence dans la qualification des faits ainsi que dans le quantum de la peine ne doit pas aboutir à une différence de traitement s’agissant de l’incapacité d’exercer professionnellement auprès de mineurs.

Cette incapacité doit résulter non pas du quantum de la peine, mais directement de la nature du fait ayant entraîné la condamnation : en matière de protection des mineurs face à la pédophilie, il convient de tendre au risque zéro.

Les termes que nous employons pour qualifier cette interdiction d’exercer auprès de mineurs ont leur importance. C’est pourquoi je souhaite insister sur une précision qui avait été très justement apportée en commission des lois par notre collègue Georges Fenech. Celui-ci a souligné qu’il ne s’agit pas d’une « peine supplémentaire » à proprement parler puisqu’elle relève non pas du code pénal mais de l’article L. 133-6 du code de l’action sociale et des familles.

Cette précision juridique nous permet de comprendre qu’il s’agit avant tout d’une mesure de protection, à la fois des mineurs contre les personnes condamnées pour des actes de pédophilie mais, aussi, de ces derniers contre eux-mêmes.

Par ailleurs, l’incapacité résultant de manière automatique du jugement pénal est de nature administrative, comme l’avait souligné Marie-Françoise Bechtel.

Parce qu’il y a urgence à adopter cette mesure de bon sens, le Gouvernement l’a reprise – vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État – à l’article 3 du projet de loi relatif à l’information de l’administration par l’institution judiciaire et à la protection des mineurs, lequel fait l’objet d’une procédure accélérée et que nous avons étudié hier en commission des lois.

Nous nous en félicitons et nous soutenons par ailleurs l’initiative gouvernementale – répondant ainsi à votre demande, monsieur le secrétaire d’État – visant à renforcer le contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant des activités ou des professions impliquant un contact avec des mineurs et, de façon plus générale, des personnes exerçant une activité soumise au contrôle des autorités publiques.

En votant aujourd’hui en faveur de la proposition de loi de Claude de Ganay visant à rendre automatique l’incapacité d’exercer auprès de mineurs pour toute personne définitivement condamnée à des faits de pédophilie, nous nous assurons que des drames tels que ceux qui se sont produits au printemps dernier dans des établissements scolaires à Villefontaine et à Orgères ne se reproduiront plus.

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