Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons ce texte quelques mois après les deux récentes affaires de pédophilie survenues dans des établissements scolaires à Villefontaine et à Orgères au printemps dernier.
Cela a été dit, un directeur d’école et un professeur d’éducation physique et sportive, tous deux précédemment mis en cause pour des actes pédophiles, l’un pour détention d’images pédopornographiques, l’autre pour recel de biens provenant de la diffusion d’images pédopornographiques, avaient pu continuer à exercer leurs fonctions professionnelles au contact de mineurs. C’était en 2014, c’est en 2015, et c’est en France.
Les ministres de la justice et de l’éducation nationale avaient alors diligenté une enquête administrative – c’était bien le moins – afin de faire la lumière sur les raisons pour lesquelles il était possible, à notre époque, de se trouver dans une situation pareille : comment les informations relatives aux poursuites et condamnations pénales des deux enseignants avaient-elles pu rester inconnues des administrations ?
L’objectif de cette enquête était d’analyser les circonstances dans lesquelles l’autorité judiciaire et l’éducation nationale ont pu partager des informations relatives à ces condamnations, les conditions de nomination de ces enseignants, et de déterminer si les services de l’éducation nationale avaient été informés.
Ainsi que l’indique le rapport d’étape remis au mois de mai 2015, plusieurs enseignements avaient pu être tirés de ces deux affaires.
Dans l’Isère, l’éducation nationale n’avait appris la condamnation de l’enseignant en 2008 que lorsque celui-ci a été placé en garde à vue pour des faits de viol commis en 2015. Avant cette date, rien dans le dossier administratif de l’intéressé ne semblait de nature à alerter son administration. Les ministères fonctionnent donc de façon parfaitement étanche.
En llle-et-Vilaine, l’éducation nationale n’a été prévenue de la condamnation de l’enseignant en 2006 pour des faits de pédopornographie que par l’ex-compagne de celui-ci.
Ainsi, le rapport d’étape conclut qu’ « aussi bien dans le dossier de Grenoble que dans celui de Rennes, les parquets compétents n’ont avisé l’éducation nationale ni des poursuites ni des condamnations ».
Indéniablement, ces affaires ont démontré la nécessité d’améliorer – le mot est faible – dans les meilleurs délais, la législation pénale relative aux infractions sexuelles commises contre les mineurs.
Ce n’est pas la première fois que ces sujets sont évoqués dans cet hémicycle. Lors de l’examen du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, au mois de juin dernier, un article avait été adopté à l’initiative du Gouvernement visant à remédier aux lacunes constatées en matière de transmission d’informations.
Ce dispositif avait été complété par le rapporteur du présent texte afin d’interdire à toute personne condamnée définitivement pour un certain nombre de délits d’exploiter, de diriger ou d’exercer au sein de l’un des établissements, services ou lieux de vie et d’accueil régis par le code de l’action sociale et des familles.
Intervenant au nom du groupe UDI, j’avais alors fait part de notre abstention sur ce texte qui, selon nous, cédait à la tentation de la « surtransposition » en y intégrant des éléments qui dépassaient le cadre de la simple transposition.
Le Conseil constitutionnel nous a donné raison puisqu’il a déclaré ces dispositions, à l’instar de 26 autres articles additionnels, contraires à la Constitution – il a en effet considéré qu’elles ne présentaient pas de lien, même indirect, avec l’objet du projet de loi.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est un véhicule adapté pour remédier aux dysfonctionnements qu’ont révélés ces récentes affaires.
Nous nous félicitons de l’initiative du groupe Les Républicains qui nous permet ainsi d’aborder une question essentielle. Nous devons faire en sorte que de tels faits ne puissent se reproduire.
Le dispositif proposé par ce texte améliorerait efficacement la protection des mineurs contre les actes de pédophilie.
Il semble évident que la législation actuelle ne garantit pas systématiquement la mise à l’écart des personnes condamnées pour infraction sexuelle contre un mineur d’un milieu professionnel qui les placerait à leur contact.
Aujourd’hui, le code de l’action sociale et des familles interdit à toute personne d’exploiter ou de diriger des lieux d’accueil pour mineurs ou d’y exercer une fonction si elle a été condamnée définitivement pour un crime ou pour certains délits.
Or, cette incapacité n’est automatique que lorsque la personne a été condamnée pour un crime ou une peine d’emprisonnement d’au moins deux mois sans sursis pour un délit.
Cette faille permet à des individus reconnus coupables de délits sexuels envers des mineurs et n’ayant été condamnés qu’à des peines de prison avec sursis de ne pas être systématiquement évincés des emplois impliquant une responsabilité auprès d’enfants.
Nous approuvons donc – comment pourrait-il en être autrement ? – la mesure proposée par ce texte : en rendant l’incapacité d’exercice indépendante de la nature et du quantum de la peine prononcée, il rend cette peine plus systématique. Cette modification de notre droit est donc indispensable.
Il serait inacceptable que des personnes condamnées auparavant pour des délits sexuels commis envers des mineurs ou pour détention d’images à caractère pédopornographique puissent continuer à travailler avec des mineurs.
En revanche, un certain nombre de dispositions adoptées dans le cadre de la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne n’y figurent pas : l’information de l’autorité administrative par le ministère public en cas de poursuite ou de condamnation d’une personne exerçant une activité auprès des mineurs, les incapacités prévues par le code du sport ainsi que les procédures disciplinaires prévues par le code de l’éducation.
La question de la transmission d’informations relatives aux poursuites et condamnations pénales a pourtant été perçue comme l’une des principales failles de notre système judiciaire lors des affaires de Villefontaine et d’Orgères.
De telles dispositions figurent donc dans le projet de loi relatif à l’information de l’administration par l’institution judiciaire et à la protection des mineurs, adopté hier en commission des lois, qui sera discuté la semaine prochaine en séance.
Outre la disposition prévue par la présente proposition de loi, le projet de loi apporterait plusieurs modifications à notre droit, dans différents codes, afin de renforcer le contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant des activités impliquant un contact avec des mineurs.
En vertu de ce projet de loi, le procureur de la République sera tenu d’informer l’administration des condamnations et de certaines mesures de contrôle judiciaire prononcées à l’encontre de ces personnes.
Il aura également la faculté d’informer l’administration des mises en cause en ces matières dès lors qu’elles résulteront d’indices graves et concordants, des poursuites qu’il engagera et des mises en examen prononcées.
Ces dispositions compléteront utilement la mesure prévue par l’article unique de la présente proposition de loi.
Mes chers collègues, les conditions d’examen de ce texte sont un peu particulières. Comme vous le savez tous, nous nous prononçons en effet sur une disposition qui figure également dans le projet de loi.
Néanmoins, la présente proposition de loi comporte une disposition essentielle, nécessaire à l’amélioration de la protection des mineurs, sur un sujet très largement transpartisan. Le groupe UDI la votera donc bien évidemment.