Intervention de Dominique Raimbourg

Séance en hémicycle du 3 décembre 2015 à 15h00
Incapacité pénale des personnes condamnées pour pédophilie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg :

Il la votera, tout d’abord, parce que c’est une bonne proposition de loi. C’est en effet une proposition de loi prudente, qui instaure une interdiction d’exercice, dans les établissements accueillant des enfants placés par la justice, pour les personnes ayant été condamnées pour pédophilie ou pour tout autre type de délits contre des mineurs : violences, agressions sexuelles ou mise en danger.

C’est d’autant plus nécessaire que les mineurs placés par la justice dans ces institutions sont souvent dans une situation plus difficile que les autres et qu’ils n’ont pas eu, dans leur vie, les mêmes chances que d’autres. Il y a donc vraiment lieu de les protéger avec beaucoup de soin.

Vous avez étendu une interdiction qui existe déjà, monsieur le rapporteur, en décidant qu’elle serait appliquée dès l’instant où il y aurait une condamnation, alors qu’il est pour l’instant nécessaire que cette condamnation soit supérieure à deux mois d’emprisonnement avec sursis. C’est là une mesure de prudence, dont on doit se féliciter.

Ce texte doit être voté, ensuite, parce qu’il constitue le nouveau chapitre d’une histoire assez longue et tortueuse, qui a été évoquée par les précédents orateurs. Comme vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur, ces nouvelles dispositions ont d’abord fait l’objet d’un amendement déposé sur un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne – DADUE. Cet amendement venait lui-même compléter un autre amendement, relatif à la transmission d’informations en cas de condamnation pour des faits de pédophilie, lorsque le condamné est une personne ayant un contact régulier avec des mineurs. Ces deux amendements faisaient suite aux affaires dites de Villefontaine et d’Orgères.

Le Conseil constitutionnel a censuré ces amendements au motif qu’ils ne procédaient pas à une adaptation au droit de l’Union européenne et qu’il s’agissait de ce que l’on appelle familièrement des cavaliers législatifs, à savoir des amendements sans rapport avec le texte examiné.

Comme vous l’avez expliqué, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement a pris l’initiative de déposer sur ce sujet un projet de loi qui a été examiné hier en commission des lois, et qui le sera mardi en séance. Ce projet de loi reprend les dispositions de l’amendement déposé sur le projet de loi DADUE et prévoit une interdiction d’exercer pour toute personne ayant été condamnée pour des faits d’atteinte aux mineurs. Il est donc tout à fait logique que nous nous retrouvions aujourd’hui sur votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, et mardi prochain sur le projet de loi qui va intégrer ces dispositions.

Il est vrai que nous allons ainsi nous retrouver avec deux textes qui vont évoluer parallèlement, et l’un des deux ira plus vite que l’autre. Il est vraisemblable que celui qui bénéficie de la procédure accélérée sera voté beaucoup plus rapidement, si bien que notre vote d’aujourd’hui sur cette proposition de loi aura une portée essentiellement symbolique.

Il y a encore deux autres raisons de voter ce texte. La première, c’est qu’il est le fruit d’un travail en commun, ce qui n’est pas si fréquent dans notre république, où les institutions favorisent l’affrontement entre la droite et la gauche, l’affrontement binaire entre l’opposition et la majorité. Malgré la bonne volonté des uns et des autres, nous retrouvons en effet bien souvent ce bon vieux réflexe qui consiste à dire que, par nature, ce que fait le camp opposé n’est pas bon.

Sur ce texte, nous avons pu trouver un accord. Comme l’ont noté Pierre Morel-A-L’Huissier et Joël Giraud, il importait, sur un sujet aussi difficile, de trouver un consensus, et nous y sommes parvenus. Cela prouve que nous pouvons, parfois, travailler ensemble. Nous devrions suivre cet exemple plus souvent.

Ce voeu a souvent été proféré à cette tribune, mais il n’a pas toujours prospéré autant que l’espérait celui qui le proférait. Peut-être les choses changeront-elles à l’avenir, nous verrons. Si tel est le cas, vous aurez été l’un des principaux acteurs de ce changement, monsieur le rapporteur.

La dernière raison d’adopter ce texte, c’est son caractère raisonnable. On est toujours un peu inquiet lorsque les interdictions ont un caractère automatique. Entre la réalité des faits et le chef d’inculpation, il y a parfois un écart considérable. Il est d’usage de rappeler que l’inculpation de vol est la même, que l’on ait volé un carambar, plusieurs voitures, ou des milliards. Parfois, l’inculpation ne correspond pas véritablement à la dangerosité. L’article L. 133-6 du code de l’action sociale et des familles prévoit ainsi la possibilité de demander le relèvement de l’incapacité dans le cas où des circonstances particulières – ce seront évidemment des cas minoritaires – le justifient.

Parce que ce texte est prudent et équilibré, le groupe socialiste, républicain et citoyen le votera.

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