Intervention de Thierry Mariani

Séance en hémicycle du 8 décembre 2015 à 15h00
Information de l'administration et protection des mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani :

Madame la présidente, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre assemblée examine le projet de loi relatif à l’information de l’administration par l’institution judiciaire et à la protection des mineurs.

De récentes affaires de pédophilie survenues dans des établissements scolaires – je pense bien sûr au drame de Vïllefontaine, en Isère, ou encore à celui d’Orgères, en Ille-et-Vilaine – ont mis en avant la nécessité de renforcer la protection juridique des mineurs dans les meilleurs délais. Il est apparu que des personnes mises en cause pour des actes pédophiles avaient pu continuer à exercer leur activité professionnelle au contact de mineurs, alors même qu’elles avaient déjà été condamnées pour détention d’images pédopornographiques et pour recel de bien provenant de la diffusion d’images pédopornographiques. Quel parent pourrait accepter que son enfant soit encadré par une personne ayant commis des actes de nature pédophile et ayant été condamnée par la justice à ce titre ?

Ces deux affaires ont mis en lumière la nécessité d’améliorer le contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant des activités ou des professions impliquant un contact habituel avec des mineurs, afin d’éviter de nouvelles infractions. Dans leur rapport commun de juin 2015, l’Inspection générale des services judiciaires et l’Inspection générale de l’administration de l’éducation et de la recherche ne disaient pas autre chose.

Ainsi, ce projet de loi balaie plusieurs pans du droit : le code de procédure pénale, le code de l’action sociale et des familles, le code du sport et le code de l’éducation. L’objectif est de contrôler efficacement les antécédents judiciaires des personnes exerçant des activités impliquant un contact avec des mineurs et, de façon plus générale, des personnes exerçant une activité soumise au contrôle des autorités publiques, par exemple les agents de sécurité privée, les personnels des entreprises de transports publics, ou encore les médecins et les avocats.

Le texte institue donc à la fois un régime général, applicable à toutes les personnes exerçant des activités soumises à contrôle public, mises en cause pour des infractions de tous types, et un régime particulier pour les personnes en contact avec les mineurs, mises en cause pour certaines infractions.

Concrètement, pour le régime général, le projet de loi permettra au procureur de la République d’informer l’administration ou les organismes de tutelle des condamnations non définitives, mais aussi des mises en examen ou des poursuites engagées. Pour les personnes exerçant une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs, et pour certaines infractions spécifiquement énumérées, notamment les infractions sexuelles et les infractions commises sur des mineurs, le texte obligera le procureur de la République à informer l’administration des condamnations non définitives et de certains contrôles judiciaires prononcés contre ces personnes. Le dispositif lui permettra également d’informer l’administration, en cours de procédure, des poursuites, des mises en examen, mais aussi des suspicions avant même l’engagement des poursuites.

En outre, l’article 3 du projet de loi reprend la proposition de loi de mes collègues Claude de Ganay et Guy Geoffroy, adoptée par l’Assemblée nationale le 3 décembre dernier, visant à rendre automatique l’incapacité pénale d’exercice pour les personnes définitivement condamnées pour des faits de pédophilie ou de détention d’images pédopornographiques. Ainsi, le projet de loi crée une interdiction pouvant être prononcée dans le cadre d’un contrôle judiciaire : l’interdiction d’une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs. Le groupe Les Républicains se félicite que le Gouvernement ait pris en compte le travail réalisé par l’opposition sur ce sujet qui, en tout état de cause, fait consensus.

Avant de conclure, permettez-moi de revenir un instant sur l’avis formulé par le Conseil d’État sur ce projet de loi.

Suite aux discussions que nous avions eues à l’été 2015 sur le projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, il était important de connaître l’avis du Conseil d’État, car les uns et les autres avaient émis des doutes sur la constitutionnalité des mesures envisagées.

Le Conseil d’État a estimé que la transmission d’une information relative à une condamnation pénale, même non définitive, ne porte pas atteinte à la présomption d’innocence ou au respect de la vie privée. En revanche, il a considéré que la transmission d’informations nominatives, par le ministère public, à des stades antérieurs de la procédure pénale, devait être justifiée par des impératifs constitutionnels. Ainsi, en fonction des risques encourus dans un domaine d’activité déterminé, le maintien de l’ordre public, la sécurité des personnes ou des biens ou le bon fonctionnement du service public pourront justifier la transmission d’informations nominatives à caractère pénal. En ce qui concerne les personnes exerçant une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs, la transmission d’informations à caractère pénal les concernant se justifie par la prévention des atteintes à la sécurité des mineurs, en particulier à leur intégrité physique et psychique.

Cependant, le Conseil d’État a considéré que l’interdiction d’exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs, prononcée dans le cadre d’un contrôle judiciaire, ne devait pouvoir être décidée, s’agissant d’une mesure présentencielle, que si les circonstances font craindre la commission d’une nouvelle infraction.

En définitive, le groupe Les Républicains se félicite de la reprise de la proposition de loi de notre collègue Claude de Ganay dans le volet de ce projet de loi relatif à la protection des mineurs. Il soutient le Gouvernement dans son initiative, plus large, de renforcer le contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant des activités soumises à vérification de la part des autorités publiques, tout ceci dans le cadre strictement fixé par le Conseil d’État. Aussi, madame la garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le rapporteur, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi.

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