Madame la présidente, mesdames les ministres, chers collègues, nous allons voter un texte destiné à mieux protéger nos mineurs lorsqu’ils peuvent se trouver en présence d’adultes dangereux susceptibles de leur porter atteinte.
Le chemin de crête dont vous parliez est un chemin toujours étroit, où le risque de tomber est toujours présent. Il reste périlleux, voire risqué, de légiférer dans la précipitation après un fait divers odieux – heureusement isolé – pour rendre l’action publique lisible, efficace et, surtout, conforme à notre droit. L’émotion, certes très légitime, est une très mauvaise conseillère dès lors que l’on risque de toucher à des principes fondamentaux, constitutionnels et conventionnels. Le principe de précaution, même s’il s’agit de mineurs, ne doit pas effacer ou occulter la présomption d’innocence, le secret de l’enquête, le secret de l’instruction ou le secret du délibéré, principes cardinaux de notre droit pénal.
Il est heureux d’avoir su prendre un peu de temps. Nous bénéficions ainsi à la fois de l’avis du Conseil d’État et d’une étude d’impact. Ce temps, finalement assez court, a permis de faire le point sereinement, en posant le constat et en faisant le bilan, pour écrire un texte qui améliorera la prévention, car tel est bien l’objectif : protéger les enfants et prévenir tout incident au sein de l’école, ainsi que dans les établissements sportifs et dans tous les endroits où peuvent se trouver des enfants potentiellement en danger.
Ce projet de loi est parti du constat de la quasi-absence de communication entre la justice et l’éducation nationale. C’est regrettable – dans les deux sens, du reste, car ces deux administrations, comme bien d’autres, devraient nécessairement travailler ensemble. Les circulaires, parce qu’elles sont trop nombreuses, ont démontré leurs limites par leur caractère totalement illisible : trop de circulaire tue la circulaire.
Or, nous posons aujourd’hui un cadre juridique strict, précis et limité, avec des garanties. C’est indispensable, dès lors que l’autorité judiciaire est chargée d’informer l’autorité administrative de la mise en cause, dans des procédures pénales, de personnes exerçant une activité soumise à l’autorité et au contrôle des autorités publiques. Ce projet de loi est consolidé. Il s’appuie sur des préconisations élaborées à l’issue de deux rapports approfondis des inspections générales ministérielles.
Je partage également l’avis du Conseil d’État et souscris aux limites qu’il pose en précisant que la décision pénale doit être rendue publiquement pour pouvoir être communiquée. Je partage également l’avis du Conseil d’État, qui demande de concilier les impératifs majeurs de la protection des mineurs et la garantie de la présomption d’innocence.
À ce stade de la discussion générale, il me semble utile d’évoquer trois points. Le premier, cela a déjà été dit, concerne les garanties importantes apportées par le projet de loi. Tout d’abord, ce n’est pas rien que le ministère public soit le pivot de la transmission. Il faut aussi souligner la limitation des infractions retenues, avec toutefois un large spectre – peut-être même un peu trop large –, l’utilisation d’un support écrit, la confidentialité, que j’espère absolue, de la communication et l’information de la personne concernée sur cette transmission.
À cet égard, mesdames les ministres, je souhaiterais que la personne concernée, lorsqu’elle est informée de cette transmission, soit également informée de ses droits et, le cas échéant, des voies de recours. Il s’agit là d’un point important du débat, car la simple information ne suffit pas. En effet, le fait d’informer une administration n’est pas neutre et peut avoir des conséquences très graves, par exemple pour l’accès à un poste.
Le droit de suivi posé dans la loi fait que, je l’espère, l’information de l’autorité administrative sur l’issue de la procédure sera assurée avec la même célérité que la communication initiale – l’un doit en effet aller avec l’autre. Il faut aussi, bien évidemment, assurer l’effacement de l’information lorsque la procédure aboutit à une non-culpabilité.
Pour ce qui concerne les fichiers, une mise à jour s’impose. Vous avez, à cet égard, et c’est vraiment un progrès, évoqué un décret pour actualiser les fichiers en temps réel, le plus vite possible.
Le troisième point est la surcharge que connaissent actuellement les parquets, où magistrats et fonctionnaires croulent sous le travail – ils reçoivent les plaintes, classent, orientent et requièrent. L’adoption du texte fera reposer sur eux une charge supplémentaire et, si l’étude d’impact est optimiste à ce propos, je le suis, pour ma part, un peu moins.
Je conclurai en soulignant que ce projet de loi, qui nous fait sortir d’une situation ambiguë et incohérente, sera très largement voté – je le constate et j’en suis heureuse, car il améliore l’arsenal pénal et sécurise l’autorité judiciaire, l’administration et les familles. Surtout, il protège mieux des victimes potentielles mineures.