Intervention de Michel Zumkeller

Séance en hémicycle du 8 décembre 2015 à 15h00
Pénalisation de l'acceptation par un parti politique d'un financement par une personne morale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Zumkeller :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes invités à examiner une proposition de loi déposée et adoptée à l’unanimité par le Sénat qui, sous couvert d’une simple rectification, a toute son importance. Il s’agit en effet de rétablir les sanctions pénales contre les partis politiques ayant accepté des dons de personnes morales, sanctions qui ont tout bonnement disparu de notre droit.

Je rappellerai brièvement les circonstances qui ont abouti à cette situation. Ainsi que le prévoit la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, les dons des personnes physiques sont possibles mais plafonnés, tandis que ceux des personnes morales sont totalement prohibés depuis 1995.

Il y a deux ans, lors de l’examen de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, notre assemblée avait initié, à juste titre, une réforme des dons et cotisations aux partis politiques. Ainsi, sont désormais inclus dans le calcul du plafond annuel des dons aux partis politiques, non seulement les dons, mais également les cotisations versées par les adhérents à un parti politique. En outre, les partis doivent fournir chaque année à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques la liste des personnes ayant consenti des dons.

Autre modification qui fait l’objet du texte que nous examinons : le plafond annuel des dons aux partis politiques par les personnes physiques, fixé à 7 500 euros, s’applique non plus par parti politique mais par donateur. Par conséquent, une même personne physique ne peut plus donner une telle somme à plusieurs partis politiques. Elle ne peut la donner qu’à un seul.

Le plafond par parti laissait en effet beaucoup de marges de financement, ainsi que l’avait constaté le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en 2010. Il favorisait, en outre, l’élaboration de montages financiers entre formations politiques, faisant intervenir des micropartis et favorisant la constitution de nombreuses petites formations. La réforme était donc fondée.

En revanche, après cette modification, l’article 11-5 de la loi du 11 mars 1988 sur les sanctions applicables à la méconnaissance des règles applicables aux dons et cotisations ne pouvait rester en l’état. Un parti politique aurait pu être pénalement sanctionné pour avoir accepté un don d’une personne physique ayant déjà atteint le plafond de 7 500 euros, après avoir versé des dons à d’autres partis, circonstance qu’il pouvait ignorer. Ainsi, sont désormais sanctionnés les seuls partis ayant accepté des dons de plus de 7 500 euros d’une même personne physique. Cette nouvelle rédaction a eu pour effet non volontaire de supprimer l’applicabilité des sanctions pénales à un parti politique acceptant des dons – quel qu’en soit le montant – de personnes morales.

Ironie du sort, nous avons, bien malgré nous, supprimé les sanctions pénales applicables aux partis politiques illégalement financés par des personnes morales, à l’occasion d’un texte visant améliorer la transparence financière de la vie publique !

Cette proposition de loi n’est pas une première tentative. Notre assemblée avait adopté une mesure identique en juin 2015, à l’occasion du débat sur la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne. Le Conseil constitutionnel avait alors jugé l’article sans « lien, même indirect, avec le projet de loi initial ».

Cette situation devrait collectivement nous inciter à réfléchir sur notre manière de légiférer. Les conditions d’examen de la plupart des textes, le plus souvent dans la précipitation, nous font parfois adopter des mesures incohérentes, allant à l’encontre de l’objectif poursuivi.

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