Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons la proposition, adoptée par le Sénat, visant à pénaliser l’acceptation par un parti politique d’un financement par une personne morale.
La proposition de loi, présentée par nos collègues sénateurs du groupe socialiste et républicain vise à corriger une malfaçon législative issue de nos débats à l’occasion des lois organique et ordinaire du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique. En effet, l’adoption de l’article 16 de la loi ordinaire a eu pour conséquence la suppression involontaire des sanctions pénales encourues par les personnes publiques en cas de financement d’un parti politique.
L’article 11-5 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, tel que modifié par la loi de 2013, prévoit que seules les personnes physiques n’ayant consenti un financement qu’à un seul parti politique peuvent se voir appliquer les sanctions pénales encourues, soit une amende de 3 750 euros et un an d’emprisonnement, ou l’une des deux peines seulement. En revanche, les personnes morales peuvent consentir un financement à un seul ou plusieurs partis sans se voir appliquer de sanctions pénales, alors que ce mode de financement est explicitement interdit.
Cette difficulté, déjà soulevée, avait d’ailleurs amené Dominique Raimbourg, rapporteur du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne dit « DDADUE pénal », à insérer un amendement dans le texte, visant à éliminer cette scorie juridique. Il faut pourtant noter que de nombreux efforts ont été consentis pour renforcer la transparence des dons aux partis politiques. Plafonnement des dons par individu, fixé à 7 500 euros par an et par personne physique, publicité des rattachements, interdiction des rattachements de complaisance, interdiction d’utilisation de l’indemnité représentative de frais de mandat pour financer des campagnes électorales, publicité de la réserve parlementaire : autant d’avancées qui ont permis des progrès notables en matière de contrôle et de renforcement de la transparence des financements des partis politiques.
Toutefois, aujourd’hui, le financement illégal des partis politiques par les personnes morales n’est plus pénalisé. La faute en revient – M. Molac vient de le dire excellemment – au rythme de travail et aux méthodes utilisées pour légiférer dans nos assemblées. Obligés d’examiner dans des délais de plus en plus contraints des textes examinés pour la plupart en procédure accélérée, comme ce fut le cas pour le DDADUE pénal, ou sur des amendements régulièrement déposés hors délais, les députés manquent parfois à leur mission principale de vigie législative.
Afin de combler ces lacunes, nous sommes invités à légiférer de nouveau. Le texte vise à rétablir les sanctions pénales applicables en matière de financement des partis politiques par une personne morale française ou étrangère, ainsi que par un État étranger. Ces sanctions pénales seraient la condamnation au paiement d’une amende de 3 750 euros et à un an d’emprisonnement, sanctions désormais cumulatives et non plus optionnelles, comme celles prévues pour les personnes physiques. L’article 2 prévoit l’application de ces sanctions en Polynésie française, Nouvelle-Calédonie et dans les îles de Wallis et Futuna.
Le texte, qui vise à combler une faille législative, est d’autant plus nécessaire et urgent aujourd’hui. En effet, cette omission involontaire, à l’occasion de l’examen des lois de 2013, a permis au Front national d’échapper à une mise en examen pour financement illégal du microparti Jeanne, de Marine Le Pen. Celui-ci imposait apparemment aux candidats FN-Rassemblement bleu Marine d’emprunter de l’argent à des taux prohibitifs, en contrepartie de prestations fournies par une société amie, Riwal.
Cette affaire, tout comme l’affaire Bygmalion pour Les Républicains, a révélé des failles importantes dans notre droit. Il en va ainsi des obligations imposées à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, notamment du secret professionnel qui lui est opposé par les commissaires aux comptes des partis politiques.
Des mécanismes complémentaires pourraient permettre d’accroître la transparence de la vie politique française : une nouvelle répartition du financement public des partis politiques, la publication des flux financiers entre les partis ou la diffusion de la liste des principaux prestataires des partis.
Pour autant, je note que des propositions de consolidation ont été évoquées, notamment lors des débats sur le projet de loi de finances pour 2016 et sur la question des règles de financement des campagnes électorales. Le président de la commission des lois a d’ailleurs invité le rapporteur sur le programme « Vie politique, cultuelle et associative » à formuler des propositions en ce sens.
Aussi pour finir, et parce que cette proposition de loi est de bon sens, en ce qu’elle rétablit une disposition et une incrimination qui n’auraient jamais dû être supprimées puis censurées, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera le texte.