Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner une proposition de loi qui vise à rectifier, comme M. le rapporteur l’a parfaitement expliqué, une omission survenue lors de l’examen de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Nous sommes dans la situation – et il convient d’en sortir au plus vite – où l’interdiction pour un parti politique d’accepter tout don d’une personne morale, si elle reste valable, n’est plus sanctionnée pénalement si elle vient à ne pas être respectée. Pour le dire vite, cela demeure interdit, mais il n’y a plus de conséquences.
Il s’agit donc de restaurer dans le droit l’intention du législateur, qui n’a jamais souhaité que cette situation puisse se produire. Or elle s’est produite. Certains ont déjà profité de ce vide juridique pour échapper à une sanction qui aurait pourtant dû leur être appliquée. La situation a été révélée en juin 2015. Je ne rappellerai pas ici l’affaire qui a permis d’identifier ce problème : nous l’avons tous en mémoire.
Immédiatement, Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés du Sénat ont déposé une proposition de loi destinée à remédier à la situation. Nous avons tenté de faire de même à l’Assemblée nationale, à l’initiative de notre collègue Dominique Raimbourg, à l’occasion de l’examen du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, que nous avons voté en lecture définitive le 23 juillet. Le Conseil constitutionnel n’a pas vu cette tentative d’un bon oeil – j’ose croire que ce n’était pas sur le fond –, puisqu’il a estimé que cette disposition était sans lien avec l’objet du projet de loi en question.
Il restait donc la piste sénatoriale pour sortir de l’ornière. Nos collègues du Sénat ont examiné et adopté à l’unanimité, le 5 novembre, le texte de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire en commission des lois lors de son examen, le groupe SRC considère ce texte comme étant abouti. Les sénateurs, s’ils ont rétabli les peines encourues sans les modifier, ne se sont pas contentés de réécrire les dispositions manquantes : ils les ont précisées en définissant l’infraction de manière plus précise, et ont prévu les dispositions permettant son application sur l’ensemble du territoire. Le travail du Sénat a été de qualité sur l’ensemble de ces points et, étant donné la nécessité de réparer au plus vite l’erreur qu’a constitué la suppression des sanctions pénales prévues par la loi du 11 mars 1988, notre groupe se réjouit à la perspective que cette proposition de loi puisse être votée de manière conforme par notre assemblée, ce qui permet de ne pas retarder inutilement son adoption.
D’autres propositions pourront néanmoins se faire jour en matière de financement et de transparence de la vie politique et publique à l’occasion de nos débats, et faire l’objet d’examen et de discussion à l’occasion de prochains textes. Je pense tout particulièrement au projet de loi pour la transparence de la vie économique que devrait présenter – sans doute au printemps prochain – M. le ministre des finances et des comptes publics, qui en a déjà présenté les grandes orientations.
Ce texte et celui examiné aujourd’hui viendront utilement compléter notre arsenal pour la transparence de la vie publique, que nous avons profondément réformé et renforcé depuis 2012. Je pense aux textes suivants, déjà adoptés ou encore en cours d’examen, que Mme la garde des sceaux a cités pour certains tout à l’heure : les lois organique et ordinaire du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique, qui ont créé la Haute autorité pour la transparence de la vie publique et instauré de nouvelles obligations déclaratives pour les principaux responsables publics du pays ; le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, qui constitue le pendant des textes relatifs à la transparence pour la fonction publique tout en modernisant le titre I du statut, dont j’ai l’honneur d’être la rapporteure et qui sera examiné par la commission des lois du Sénat la semaine prochaine ; les lois organique et ordinaire du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives avec le mandat de député ou de sénateur, qui sont de nature à renforcer l’exemplarité de notre vie publique ; le projet de loi organique relatif à l’indépendance et l’impartialité des magistrats et à l’ouverture de la magistrature sur la société, qui a été adopté – avec modifications – par le Sénat en novembre dernier et est en attente d’examen par notre assemblée.
Par ailleurs, plusieurs textes sont venus améliorer la transparence et l’encadrement de l’exercice électoral. Les derniers textes en date, les propositions de loi organique et ordinaire de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle, seront examinés dès demain en commission des lois.
Enfin, plusieurs textes ont prévu des avancées, notamment pour la protection des lanceurs d’alerte dans certains domaines. Je pense par exemple à la loi du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, ou bien encore à la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.
Cette liste a vocation à s’allonger avec le texte que défendra le Gouvernement au printemps, que j’ai déjà évoqué, ainsi que des initiatives parlementaires.
L’exécutif a par ailleurs pris des mesures fortes dans son domaine de compétence. La France a ainsi rejoint en avril 2014 le « Partenariat pour le gouvernement ouvert » aux côtés de 64 autres pays. Cette initiative multilatérale, qui rassemble des représentants des gouvernements, d’organisations non gouvernementales – ONG – et de la société civile, vise à favoriser un mode d’élaboration de nos politiques publiques de manière plus ouverte et concertée. La France a élaboré en juillet de cette année son plan national d’action pour répondre à ces engagements, qui rejoignent par ailleurs nos propres travaux sur la réforme de la fabrique de la loi.
C’est donc une action déterminée et globale que mène notre majorité depuis 2012 pour la transparence et l’exemplarité de la vie publique.
Notre pays avait du chemin à faire – et en a encore à bien des égards – en la matière. Notre vieille tradition jacobine n’y est sans doute pas pour rien. Même si des progrès ont été accomplis, notre gouvernance est encore relativement peu ouverte et collaborative. Les apports que nous pouvons tirer de la société civile ou des citoyens sont pourtant nombreux, comme tend à le prouver la consultation citoyenne initiée par Axelle Lemaire en amont de l’examen parlementaire du projet de loi relatif au numérique. Le texte a été enrichi par les internautes, qui ont voté près de 150 000 fois et déposé plus de 8500 arguments, amendements et propositions de nouveaux articles.
Nous avons donc progressé sur ces questions. En décembre de l’année dernière, la France s’est ainsi hissée de la seizième à la troisième place au classement Open Data Index, qui évalue chaque année l’ouverture des données publiques sur le plan international.
Pour autant, il nous reste une marge de manoeuvre en matière de transparence de la vie publique pour nous hisser au niveau des meilleurs standards internationaux. L’ONG Transparency International nous le rappelle tous les ans. Bien que nous disposions d’un cadre juridique solide depuis les lois du 11 mars 1988 relatives à la transparence financière de la vie politique, il nous faut continuellement remettre l’ouvrage sur le métier et nous interroger sur la manière d’améliorer notre exemplarité. La proposition de loi portée par notre collègue Romain Colas…