Intervention de Lionel Tardy

Séance en hémicycle du 8 décembre 2015 à 15h00
Pénalisation de l'acceptation par un parti politique d'un financement par une personne morale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Tardy :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis plus de deux ans, le fait, pour un parti, de recevoir des dons d’une personne morale n’est plus pénalisé, alors que c’est bien sûr illégal. Comment en est-on arrivé là ? La réponse est simple et tient à la précipitation dans l’examen des projets de loi sur la transparence de la vie publique. Cette bourde – il n’y a pas d’autre mot – a été révélée par l’AFP en juin dernier. Certains ont dû tomber de leur chaise en la découvrant mais, vu d’ici, ce n’est malheureusement pas étonnant. On parle en effet d’un projet de loi déposé fin avril et voté définitivement début septembre, durée de laquelle il faut soustraire le mois d’août, le tout, bien sûr, en procédure accélérée. L’erreur est humaine, et nous avons tous notre part de responsabilité. Je le dis d’autant plus volontiers que j’ai voté ces lois. Peut-être, cependant, qu’avec moins de précipitation, le Gouvernement aurait été plus attentif, et les parlementaires également. Rappelons aussi que c’est le trésorier du Front national qui a découvert cette anomalie, et que son parti ne pourra donc pas être poursuivi pour de potentiels délits pendant cette période. Une « bourde parlementaire qui profite au FN », comme le titrait Le Monde à l’époque, voilà qui, dans le contexte actuel, est d’autant moins banal.

Passé ces constats, il nous faut réparer cette erreur, car le financement par une personne morale doit rester strictement interdit et pénalisé pour le donneur comme pour le receveur. Il faut donc adopter cette proposition de loi conforme dès cette première lecture pour qu’elle soit applicable au plus vite, ce qui devrait déjà être le cas. J’aimerais, à ce titre encore, faire part d’un petit regret sur la forme, car il aurait sans doute été possible d’aller plus vite et de ne pas attendre six mois pour qu’une si petite proposition de loi soit votée. Cela ne devrait plus être qu’un mauvais souvenir d’ici ce soir. Je le répète, je voterai sans problème cette proposition de loi, qui est un élément essentiel de notre législation sur le financement des partis politiques.

Malgré tout, madame la ministre, il faut aller plus loin. J’espère vivement que ce texte n’est pas le dernier de la législature sur le sujet, car les affaires récentes et en cours qui concernent plusieurs partis et micropartis montrent bien que notre législation n’est pas encore adaptée pour lutter contre certaines dérives. Au mois de septembre 2014, j’ai déposé une proposition de loi relative à la transparence financière des partis et des groupements politiques. J’y propose, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, que la Cour des comptes effectue le contrôle juridictionnel du financement des partis politiques et reçoive toutes les pièces et justificatifs nécessaires. Je propose également que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques transfère ses missions relatives aux partis politiques à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, ce qui lui permettrait de se concentrer sur le lourd contrôle des comptes de campagne. Je propose enfin que la publication des comptes d’un parti soit accompagnée de nouveaux éléments, comme la liste de ses principaux prestataires, ainsi que la liste des autres partis avec lesquels il entretient des flux financiers. Ce ne sont que des idées versées au débat, auxquelles s’ajoute le rapport de Romain Colas, au nom de la commission des finances et, bien sûr, le rapport Nadal de janvier 2014, ainsi que les rapports annuels de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Bref, nous avons la matière nécessaire pour moderniser la législation existante et renforcer la transparence des partis politiques. Cette transparence et l’irréprochabilité qui lui est liée sont des éléments essentiels de la confiance des citoyens, qui est en ce moment bien affaiblie : je ne vous fais pas un dessin. À quand, donc, un nouveau texte qui permettrait de moderniser tout cela ?

Nous allons débattre dès demain, en commission des lois, des propositions de loi du président Urvoas pour moderniser les règles applicables à l’élection présidentielle. Je regrette que cette modernisation soit limitée aux prochaines échéances électorales. Nous y reviendrons sans doute mais, par exemple, pourquoi faudrait-il réduire d’un an à six mois la durée de prise en compte des dépenses électorales avant l’élection présidentielle, sans que cette règle s’applique aux autres élections ? Voilà une nouvelle preuve, s’il en fallait une, qu’un texte plus global est attendu et nécessaire. D’ici 2017, nous avons le temps de mener une vraie réflexion ; je la demande, en tout cas.

Je veux redire mon soutien à cette proposition de loi et, d’avance, ma satisfaction de la voir votée. Je redis également qu’elle doit nous servir de leçon pour les textes à venir ; je pense en particulier à une réforme constitutionnelle qui s’annonce, elle aussi, expresse. Le temps parlementaire peut effectivement être long mais chacun des termes que nous écrivons dans la loi doit être pesé. Il y va de notre crédibilité, de l’efficacité de nos institutions et, dans le cas présent, de l’action politique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion