Intervention de Joëlle Huillier

Séance en hémicycle du 10 décembre 2015 à 9h30
Adaptation de la société au vieillissement — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoëlle Huillier, rapporteure de la commission mixte paritaire :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la commission mixte paritaire réunie le 2 décembre dernier pour examiner le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement a adopté un texte commun aux deux assemblées parlementaires. Nous parvenons ainsi au terme d’un long processus législatif, commencé en juillet 2014 à l’Assemblée nationale.

À l’issue de la deuxième lecture au Sénat, 68 articles avaient été adoptés conformes. Parmi les 35 articles encore en discussion, la plupart ont fait l’objet d’apports rédactionnels des sénateurs, une quinzaine ont nécessité de véritables échanges entre les rapporteurs et seulement dix articles ont donné lieu à de nouvelles rédactions en CMP. Ces chiffres traduisent la grande convergence de vues entre les assemblées.

Je tiens à saluer la qualité du travail parlementaire et les enrichissements apportés par chacune des chambres. Nous avons, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, travaillé à améliorer le texte de ce projet de loi, tout en veillant à respecter l’intérêt de l’ensemble des acteurs.

Sur le volet de la prévention, nos débats avaient permis de renouveler le cadre juridique des résidences pour personnes âgées faiblement dépendantes, en distinguant trois catégories : les résidences autonomie à l’article 11, les copropriétés avec services, définies à l’article 15 et les résidences-services, à l’article 15 bis A.

Un dernier point de divergence demeurait au sujet du versement du forfait autonomie, qui doit financer des actions de prévention dans les résidences autonomie : le Sénat souhaitait que son versement soit étendu aux résidences autonomie qui bénéficient déjà du forfait pour soins courants. Or celui-ci a une finalité différente, puisqu’il permet de fournir des médicaments courants et un temps très réduit de soins. Nous avons finalement choisi de ne pas priver de cette nouvelle ressource les quelque trois cents résidences qui perçoivent déjà le forfait pour soins courants, l’écart étant minime – de l’ordre de 0,1 équivalent temps plein.

Sur le volet des droits et libertés des personnes accueillies dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux, la CMP est revenue, à l’article 22, au texte de l’Assemblée nationale, s’agissant de la désignation de la personne de confiance par un âgé faisant l’objet d’une mesure de protection judiciaire. En effet, la rédaction du Sénat était plus restrictive puisqu’elle soumettait cette désignation à l’autorisation du juge, y compris pour les personnes qui font l’objet d’une mesure de tutelle limitée aux biens. Par ailleurs, elle ne mentionnait aucune règle pour les personnes sous curatelle et sous mandat spécial. Enfin, il y avait redondance avec l’article 455 du code de procédure civile concernant la motivation des décisions de justice.

Un autre volet important concernait l’aide à domicile et la création d’un service unique d’autorisation des services. L’article 32 bis, inséré par le Sénat en première lecture, puis entièrement réécrit par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, à l’initiative du Gouvernement, paraissait équilibré. En effet, la mise en place du régime unique d’autorisation des services d’aide à domicile intervenant auprès des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie – l’APA – et de la prestation de compensation du handicap – la PCH – ne s’accompagnaient pas d’une obligation de tarification administrée. Le Sénat avait cependant apporté trois changements, en prévoyant l’information annuelle de l’assemblée délibérante sur les décisions prises par le président du conseil départemental, en indiquant que le cahier des charges devrait comporter un tarif national de référence et en reportant au 1er juillet 2016 la date d’entrée en vigueur du nouveau régime.

La commission mixte paritaire a supprimé l’instauration du tarif national de référence, qui aurait été complexe à mettre en oeuvre, étant donné les différences, parfois très importantes, qui peuvent exister d’un département à l’autre. Elle a préféré insérer dans le rapport annexé des tarifs nationaux de référence non opposables, établis à partir de l’étude nationale des coûts et des prestations, étude dont nous attendons la publication, madame la secrétaire d’État.

S’agissant de la date d’entrée en vigueur du nouveau régime, fixée à l’article 59, le Sénat s’est rangé à l’avis des députés, qui considèrent qu’un report au 1erjuillet serait dangereux : les services de l’État risqueraient d’être assaillis, d’ici là, de demandes d’agrément pour de nouveaux services ou d’extensions territoriales pour les services existants. On observe déjà une augmentation du rythme de ces demandes de la part de structures qui entament des démarches parfois précipitées auprès des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi – les DIRECCTE –, craignant de ne pas se voir délivrer l’autorisation une fois l’article 32 bis entré en vigueur. De même, les conseils départementaux risqueraient d’être débordés et de ne plus maîtriser, pendant six mois, l’évolution du nombre de services sur leurs territoires, alors même qu’il s’agit de l’un des objectifs recherchés par l’article 32 bis. L’entrée en vigueur du nouveau régime dès la promulgation de la loi, début 2016, protégera donc les départements.

S’agissant du volet financier du projet de loi, le Sénat a marqué son attachement à ce que soient indiquées de façon claire et précise les modalités d’utilisation du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie – la CASA. Nous nous sommes accordés pour ne pas revenir, à l’article 4, sur l’affectation d’au moins 28 % du produit de cette contribution aux conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie. Parallèlement, nous avons maintenu le fléchage proposé à l’article 38 concernant la réforme de l’APA : 55,9 % du produit de la CASA y sera consacré en 2016, puis 70,5 % au cours des exercices suivants. Ces garanties quant à la contribution de l’État aux départements étant apportées, nous avons supprimé la sous-répartition des enveloppes budgétaires, proposée par le Sénat, qui rigidifiait inutilement l’allocation des moyens.

La commission mixte paritaire a cependant validé, à l’article 45 ter, la création d’une section consacrée au financement de l’aide à l’investissement au sein du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – la CNSA. Cette proposition initiale du Sénat vise à garantir un soutien pérenne à l’investissement dans le secteur médico-social. La nouvelle rédaction de l’article prévoit que cent millions d’euros seront consacrés chaque année à l’aide à l’investissement sur la période 2016-2018, ce qui correspond à une année supplémentaire par rapport à l’engagement initial du Gouvernement de mettre en place un plan d’aide à l’investissement. Pour les années suivantes, il conviendra de déterminer le niveau de la ressource allouée en loi de financement de la Sécurité sociale.

Le dernier point de discussion concernait la gouvernance. Au niveau local d’abord, avec les conférences des financeurs instituées par l’article 3. Pour garantir le maintien de la participation financière de tous les membres de cette conférence, il est désormais explicitement précisé que ne pourront en faire partie que les personnes physiques ou morales qui contribuent effectivement au financement des actions. Nous avons souhaité ajouter cette précision pour faire en sorte que les acteurs, en particulier privés, ne puissent pas se désinvestir du financement des projets de prévention de la perte d’autonomie.

Au niveau national, ensuite, nos échanges ont bien sûr abordé la question du Haut conseil institué à l’article 46. La commission mixte paritaire a finalement convenu de rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale instituant un Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, composé d’une formation plénière et de trois formations spécialisées dans ses différents champs de compétence. Nous avons en effet voulu que cet organe soit intergénérationnel. La nouvelle rédaction dispose, conformément aux souhaits des sénateurs, que la formation spécialisée dans l’âge « mène une réflexion sur l’assurance et la prévoyance en matière de dépendance » et qu’elle se rapproche du Conseil national consultatif des personnes handicapées sur les aspects communs des politiques en faveur de l’autonomie, à l’image de ce que feront les conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie – les CDCA – au niveau local.

Tels sont les éléments sur lesquels les membres de la commission mixte paritaire se sont accordés et qui me permettent aujourd’hui de vous présenter une version commune et finale de ce projet de loi attendu par des millions de personnes âgées et leurs familles depuis tant d’années. Bien sûr, nous aurions aimé avoir plus d’argent. Bien sûr, nous aurions aimé pouvoir régler la question du reste à charge en établissement. Mais cela aurait nécessité quinze fois plus de moyens et il n’est personne, sur tous les bancs de cet hémicycle, qui ignore que nous n’en disposons pas actuellement.

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