Intervention de Arnaud Richard

Séance en hémicycle du 10 décembre 2015 à 9h30
Adaptation de la société au vieillissement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission – chère Catherine –, madame la rapporteure, mes chers collègues, garantir une prise en charge de qualité, simplifier le parcours de prise en charge auquel les personnes dépendantes sont confrontées, mieux accompagner les familles ainsi que les aidants sont autant d’enjeux auxquels nous étions amenés à répondre dans ce projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement.

« Peu de gens savent être vieux », disait La Rochefoucauld. C’est notre rôle à nous, représentants de la nation, législateurs, que d’accompagner nos aînés.

D’ici 2060, mes chers collègues, la population des personnes âgées de plus de 85 ans devrait être multipliée par quatre. La qualité de notre modèle de solidarité se mesurera indéniablement à l’aune de sa capacité à garantir la dignité des personnes âgées dépendantes.

Le texte qui nous est présenté aujourd’hui est loin d’être idéal et ne répond pas à l’immense défi que représentent le grand âge et la perte d’autonomie. Vous ne m’en voudrez pas, madame la secrétaire d’État de dire que ce n’est pas la grande loi sur la dépendance que nous attendions.

Le travail commun de nos assemblées auquel j’ai participé lors de la réunion de la commission mixte paritaire a permis, certes, d’améliorer certains aspects du texte mais, dans ce domaine comme dans d’autres, il est difficile de se satisfaire d’un accord aussi a minima.

Tout d’abord, la prise en charge des personnes âgées aurait exigé des moyens d’une toute autre ampleur que ceux prévus ici.Le vieillissement de notre population engendrera des dépenses supplémentaires de l’ordre de 1,5 % du PIB d’ici 2025. Déjà, en 2011, les dépenses publiques de prise en charge de la perte d’autonomie ont atteint plus de 21 milliards. A l’horizon de 2060, ces dépenses devraient être de 35 milliards.

Chacun, dans cet hémicycle, peut s’accorder sur le fait que ce texte ne traite pas suffisamment de la question du financement de la perte d’autonomie, c’est peu de le dire.

Je tiens tout de même à saluer la rédaction de l’article 45 ter retenue par la CMP, grâce au travail de notre rapporteure et de ses homologues du Sénat. En effet cet article crée au sein de la CNSA une section permanente consacrée au soutien à l’investissement dans le secteur médico-social. Cent millions d’euros par an lui seront consacrés jusqu’en 2018.

J’espère, mes chers collègues, que cette mesure permettra de diminuer le reste-à-charge pour les personnes résidant en EHPAD. J’ai bien noté que nous devrons déterminer en PLFSS la ressource qui sera allouée définitivement au soutien à l’investissement, mais il s’agit d’un premier pas qui va plutôt dans la bonne direction.

Malgré cette mesure bienvenue, la question du financement et du reste à charge reste entière. Les ménages acquittent au moins 7 milliards d’euros par an, en complément des ressources fournies par la solidarité nationale, pour la couverture des frais liés à la dépendance. L’adoption de ce projet de loi, mes chers collègues, laissera malheureusement sans réponse les défis liés au pouvoir d’achat.

Je souhaiterais, madame la secrétaire d’État, évoquer l’article 32 bis, sur lequel se sont cristallisés nos débats de la seconde lecture. La procédure de l’agrément disparaîtra au profit d’une autorisation, délivrée par les conseils départementaux, et ce dès la promulgation de la loi. Lors de la nouvelle lecture, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants avait déposé un amendement visant à supprimer cet article et à maintenir l’agrément, considérant qu’il est le levier essentiel pour permettre l’essor du secteur des services à la personne, auquel notre groupe est très attaché. J’espère que le dispositif retenu par cette majorité ne freinera pas le développement de ce secteur, qui crée de très nombreux emplois dans notre pays.

J’appelle aussi d’ores et déjà votre attention sur le risque de perdre le contrôle sur la qualité de services. Les personnes dont on parle sont, pour la plupart, des personnes fragiles et vulnérables. Il ne faudrait pas que l’extinction de l’agrément permette à n’importe qui de se prétendre compétent dans ce domaine. Loin de moi l’idée d’être alarmiste, mais vous n’êtes pas sans savoir combien les risques de maltraitance sont réelles, dans notre pays comme ailleurs.

Mes chers collègues, nous avons eu l’occasion de le répéter à de multiples reprises, ce texte n’est nullement à la hauteur des enjeux. Pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants, ce projet de loi devait poser les jalons d’une réforme structurelle de la prise en charge de la perte d’autonomie, articulée autour de trois piliers.

Il convenait d’abord, selon nous, d’adopter une approche solidaire et éthique de la question de la prise en charge des personnes dépendantes, incluant les personnes handicapées, et de mener une réflexion globale sur les notions de perte d’autonomie et de dépendance. Sur ce point, nous aurions souhaité que les compensations pour la perte d’autonomie ne soient pas soumises à des barrières d’âge. Nous proposions d’harmoniser l’évaluation des situations de dépendance à travers la mise en place d’un référentiel d’éligibilité unique, qui aurait permis d’intégrer les situations des handicapés, en fonction du degré de dépendance de la personne. Une telle mesure aurait par ailleurs permis de réduire les inégalités sociales et territoriales, alors même que de fortes disparités demeurent en matière de gestion des aides au niveau départemental.

Je le répète : un projet de loi sur le vieillissement ne peut faire l’impasse sur la question du financement. Face aux difficultés que connaissent de nombreux conseils départementaux, notamment du fait de la montée en charge de l’APA, nous souhaitions affecter une fraction de la CSG aux départements et créer une taxe exceptionnelle, assise sur le produit brut des jeux. Depuis sa création, le coût de l’APA n’a cessé d’augmenter. Il représente aujourd’hui 5,5 milliards d’euros et il devrait encore doubler dans les trente prochaines années, pour atteindre 11,2 milliards à l’horizon 2040.

Enfin, nous avions imaginé un système assurantiel universel et obligatoire, qui aurait permis de couvrir réellement le risque lié à la perte d’autonomie. Il aurait concilié solidarité, à travers la mutualisation des risques, et saine gestion des finances publiques, grâce à un dispositif de financement innovant. Cette mesure aurait été accompagnée de l’instauration d’un droit à une rente mensuelle garantie en cas d’entrée en dépendance, quelle que soit la durée de cotisation effective. Malheureusement, mes chers collègues, ces propositions de bon sens, qui auraient donné un cap à la problématique de la perte d’autonomie, n’ont pas été suivies.

Avant de conclure, j’aimerais ajouter quelques mots sur le statut des aidants. Les mesures en faveur des 4,3 millions d’aidants ne peuvent constituer qu’un premier pas vers la reconnaissance pleine et entière du rôle de l’aidant à travers la création d’un véritable statut de l’aidant. Nous avions proposé d’exonérer d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux le dédommagement perçu par l’aidant, mais cette proposition a également été repoussée. Je ne doute pas que nous devrons revenir prochainement sur ce sujet.

Ce texte, mes chers collègues, marque une première étape, mais il ne répond pas à l’immense défi, tant humain que financier, que constitue la prise en charge de la perte d’autonomie. Aussi, et même s’il salue le travail important réalisé par nos deux assemblées depuis le printemps 2014 et malgré la qualité de nos échanges avec Mme la secrétaire d’État, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants ne peut soutenir ce projet de loi.

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