Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 16 décembre 2015 à 15h00
Proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le président et rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, mes chers collègues, l’élection présidentielle joue un rôle moteur dans la mutation de la Vème République.

Depuis sa naissance en 1962, c’est elle qui a bipolarisé notre scène politique, c’est elle qui a restructuré, puis déstructuré nos partis. À l’émiettement de 1958, elle a incité au regroupement. En 1965, elle a recréé le clivage droite-gauche. En 1981, elle a permis pour la première fois l’alternance.

Aujourd’hui, dans un paysage sérieusement bousculé, elle apparaît comme la dernière structure encore solide, de sorte que l’urgence de la détruire ne saute pas aux yeux. Bien au contraire, par leur participation massive, les citoyens valident son importance. Dans les neuf scrutins qui furent organisés depuis 1965, la participation au premier tour s’établit entre 71,60 % et 84,75 %. En 2012, elle fut de près de 80 % le 22 avril et de plus de 80 % au tour décisif.

Il est donc de notre responsabilité de veiller à ce que, comme le disait Lionel Jospin devant la commission des lois le 27 novembre 2012, « son déroulement soit irréprochable » alors qu’à chaque échéance « des contestations alimentent la polémique électorale ». Il venait alors présenter les travaux de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique qu’il avait présidée.

C’est cette volonté qui a tenu la plume des propositions de loi que nous vous proposons d’adopter. Il ne s’agit pas, en effet, d’une démarche partisane. Toutes les dispositions sont issues de rapports publiés en 2007 et en 2012 par différentes instances indépendantes de contrôle. Et, dès le dépôt de ces textes, j’ai proposé à tous les groupes parlementaires, par un courrier daté du 6 novembre, de recueillir leur point de vue afin de permettre une adoption consensuelle. Le président Schwartzenberg m’a répondu dès le 19 novembre. Le 25 novembre, j’ai été reçu par Christian Jacob, le lendemain par Barbara Pompili et François de Rugy, puis, le 2 décembre, par Cécile Duflot. Je me suis enfin entretenu avec Jean-Christophe Lagarde pour l’UDI.

Il ne s’agit pas non plus d’une démarche précipitée. J’ai rappelé mercredi dernier en commission cet avis lumineux de Guy Carcassonne. Il évoquait en ces termes dans le Figaro, le 20 avril 2012, les nécessaires adaptations du cadre de l’élection présidentielle : « On devrait s’atteler à ces questions après l’élection, mais ça n’intéresse plus personne. On s’y intéresse juste avant, mais c’est trop tard : tout le monde commence à imaginer qui sera avantagé par quoi. Il faut rompre avec cette logique absurde. »

La prochaine consultation présidentielle aura lieu dans dix-huit mois. Cela nous laisse donc le temps de faire évoluer quelques points. Au demeurant, ce calendrier est celui qui fut utilisé dans la précédente législature, puisque le gouvernement de François Fillon avait déposé un projet de loi organique à peu près dans le même délai.

Il ne s’agit en aucun cas d’une invitation à bouleverser les modalités du scrutin présidentiel. Une grande partie des articles sont techniques, et je ne doute pas qu’ils seront adoptés sans grands débats. C’est par exemple le cas de l’article 1 de la proposition de loi organique, qui actualise la liste des élus pouvant présenter un candidat. C’est aussi celui de l’article 5, qui supprime les commissions de contrôle des opérations de vote dans les communes de plus de 20 000 habitants, puisque ces structures font double emploi avec les délégués du Conseil constitutionnel. C’est encore le cas des dispositions électorales applicables à l’étranger, comme celles de l’article 9 sur la propagande ou de l’article 10 sur certaines interdictions.

D’autres, évidemment, susciteront plus de discussions. Il en est ainsi des trois articles qui modifient les modalités de présentation des candidats. Là encore, il ne s’agit pas de toucher à l’essentiel, à savoir le système de parrainage. Celui-ci a déjà montré qu’alors même que la fonction de l’élection présidentielle est de permettre l’élection du chef de l’État – pardon pour cette tautologie –, elle suscite aussi une compétition qui a pour capacité de permettre à tous les courants politiques, fussent-ils minoritaires, de se présenter.

Ce simple constat devrait nous éviter de nous perdre dans d’inutiles débats sur le fait que notre texte favoriserait les « partis établis ». Je rappelle qu’il y avait 16 candidats en 2002, 12 en 2007 et encore 10 en 2012, et que sur ces 38 candidats, 17 obtinrent moins de 3 %, tandis que 11 seulement dépassèrent 10 %.

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