Intervention de Patrick Bloche

Séance en hémicycle du 16 décembre 2015 à 15h00
Proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a souhaité formuler un avis sur les articles 4 et 7 de la proposition de loi organique et sur l’article 2 de la proposition de loi ordinaire que nous examinons cet après-midi, car ils concernent le rôle des médias audiovisuels durant la campagne pour l’élection présidentielle, avec la nécessité de concilier plusieurs objectifs fondamentaux : la liberté de communication, l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion mais également, et c’est essentiel, la sincérité du scrutin.

Je ne reviendrai pas ici en détail sur les contenus des articles, le président Urvoas venant de le faire avec la clarté et le pragmatisme qui le caractérisent. Je voudrais simplement et rapidement évoquer les évolutions les plus importantes qui sont proposées et dont nous nous sommes saisis.

Le passage au principe d’équité pour le traitement des temps de parole durant la période intermédiaire de la campagne audiovisuelle, c’est-à-dire à compter de la publication de la liste officielle des candidats et jusqu’au début de la campagne officielle, répond à des critiques récurrentes formulées depuis 2007 par le CSA, les services audiovisuels, les partis politiques, mais également le Conseil constitutionnel et la Commission nationale de contrôle.

En effet, la règle d’égalité des temps de parole actuellement en vigueur s’est avérée bien trop complexe à appliquer sur une période qui s’est notablement allongée – cinq semaines au total désormais – et un nombre élevé de candidats – douze en 2007 et dix encore en 2012. Elle a finalement conduit les chaînes à réduire fortement le temps consacré à la campagne puisque celui-ci – tenez-vous bien, chers collègues ! – a été divisé par deux entre 2007 et 2012.

L’application de l’équité n’est pas une innovation pour les médias audiovisuels et le CSA : les critères d’appréciation repris dans la loi organique afin de se conformer à la demande du Conseil constitutionnel sont les mêmes que ceux utilisés par le CSA durant la période préliminaire de la campagne présidentielle. Ces critères sont d’ailleurs explicités dans la recommandation relative à l’élection publiée par le Conseil en application de l’article 16 de la loi du 30 septembre 1986.

Quant aux « conditions de programmation comparables » qui devraient accompagner ce passage à l’équité, là aussi, il ne s’agit pas d’une inconnue pour les chaînes qui les pratiquent déjà, sous le contrôle du CSA, durant la période de campagne officielle. Ce dernier critère ne faisait pas partie des prérequis posés par le Conseil constitutionnel pour le passage au principe d’équité, mais il constitue pour les candidats des petites formations une garantie sérieuse car il leur permet de bénéficier d’une exposition à l’antenne comparable à celle des autres candidats.

Certes, cette exigence constitue une contrainte supplémentaire pour les médias, mais « comparable » ne veut pas dire « identique » et cette règle ne saurait entraîner une obligation de « coller » aux audiences Médiamétrie des différentes émissions.

Pour lever sur ce sujet les différentes inquiétudes et interrogations qui se sont exprimées, je me félicite que nos deux commissions aient prévu que le CSA devra préciser, dans sa recommandation préalable à la prochaine élection présidentielle, la portée de ces « conditions de programmation comparables ».

Enfin, la fixation à dix-neuf heures, avec une possibilité d’extension jusqu’à vingt heures pour les grandes villes, de l’horaire de clôture des bureaux de vote a été recommandée dès 2007, tant par le Conseil constitutionnel que par la Commission des sondages et le CSA, afin de limiter au maximum le risque de divulgation anticipée des résultats de l’élection ou d’estimations des résultats.

Ces règles, conçues pour préserver la sincérité du scrutin et pour éviter la manipulation de l’opinion et du vote des électeurs les plus tardifs, sont en effet devenues beaucoup trop faciles à contourner à l’ère d’internet et des réseaux sociaux, dès lors que des résultats partiels et des estimations – on a encore pu le constater dimanche dernier et le dimanche précédent – sont aujourd’hui disponibles dès dix-huit heures quarante-cinq. Compte tenu des méthodes de travail des instituts de sondage, cette mesure permettra objectivement de réduire très largement les risques de voir diffuser avant vingt heures non seulement des résultats partiels, mais également des estimations qui ne devraient pas être disponibles avant dix-neuf heures quarante-cinq, heure à laquelle la quasi-totalité des électeurs auront déjà voté.

Enfin, la commission des affaires culturelles et de l’éducation, qui a été suivie par la commission des lois – je vous en remercie, cher président Urvoas –, a complété la proposition de loi ordinaire par une modification de la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion, afin de donner, dans la semaine précédant chaque tour de scrutin, une meilleure visibilité – et c’est un euphémisme ! – aux mises au point adressées par la Commission des sondages aux instituts et aux médias ayant publié des sondages non conformes aux exigences de la loi.

En conclusion, je tiens à dire tout le soutien de la commission des affaires culturelles et de l’éducation à ces deux textes, qui proposent des réformes utiles en vue de renforcer le caractère pluraliste de la campagne médiatique pour l’élection présidentielle, tout en préservant – j’y insiste – le libre choix de l’électeur et la sincérité du scrutin.

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