…il faut évidemment les faire taire ; d’où l’idée de réduire à deux semaines la période au cours de laquelle est imposée l’égalité des temps de parole.
Je veux insister sur deux points. En premier lieu, il existe un vrai problème, M. le rapporteur pour avis l’a dit, s’agissant de l’égalité des temps de parole, dont ne veulent pas les principaux médias car elle les gêne. C’est curieux car, dans tous les pays dont la démocratie fonctionne – États-Unis et Angleterre, entre autres –, cette égalité est profondément acceptée par les candidats. Des débats sont même organisés entre huit ou dix candidats, dont certains inconnus du grand public et d’autres très connus. M. Cameron, par exemple, a débattu, lors des élections en Grande-Bretagne, avec le représentant d’un parti du Pays de Galles qui avait obtenu 0,1 % des voix, sans que cela ne choque personne.
Pourquoi la démocratie médiatique, si je puis dire, fonctionne-t-elle dans certains pays et pas dans le nôtre ? Pourquoi l’Assemblée nationale devrait-elle céder à la pression de certains éditorialistes qui veulent fermer le jeu politique ? Pourquoi la loi ne pourrait-elle, comme c’est le cas dans beaucoup de pays – la Grèce et le Brésil, entre autres –, imposer une période pour la tenue de débats publics, pendant les cinq semaines qui précèdent l’élection présidentielle ? J’avais d’ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens : elle prévoyait la fixation de quotas de diffusion de débats publics à certaines heures, et offrait ainsi à nos concitoyens des plages horaires pour ces débats.
Deuxième point : vous vous gargarisez de la règle de l’équité, mais la substitution de l’équité à l’égalité montre à quel point la République est malade – au reste, le domaine politique n’est pas le seul concerné par cette substitution : la preuve, l’électorat populaire fuit votre parti. On parle d’équité, disais-je, pour ne plus parler d’égalité ; et l’équité se fonde sur des sondages souvent manipulés, ou en tout cas très erronés, et sur le score des élections précédentes : cela revient à fossiliser la vie politique, à retarder l’émergence de nouveaux courants politiques, donc, in fine, à renforcer l’abstention, devenue le premier parti de France. Ce faisant l’élection présidentielle, qui a jusqu’à présent échappé à cette fatalité, sera logée à la même enseigne que les autres élections : en restreignant le champ politique, en supprimant le temps de parole qui devrait être dévolu à de nouveaux courants, vous favoriserez le dégoût de la politique…