Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 16 décembre 2015 à 15h00
Proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle — Article 4

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Je voudrais ramener ce débat à la réalité et rappeler un certain nombre de principes. Tout d’abord, l’un des principes de notre démocratie, le pluralisme, est garanti par le Conseil constitutionnel, qui a rendu de multiples décisions en ce sens : personne n’a donc d’inquiétude à avoir à ce sujet.

Pourquoi discutons-nous de cette période intermédiaire ? Parce qu’elle est récente : jusqu’en 2007, elle n’existait pas. En 2006, en effet, le législateur a décidé d’avancer la période pendant laquelle il était possible de donner son parrainage : sa durée est ainsi passée d’une quinzaine de jours à trente-sept jours.

On a donc ouvert une période – dont la durée n’a d’ailleurs pas cessé de s’allonger depuis 2007 – au cours de laquelle les médias se voient contraints d’appliquer une règle impossible à respecter, mêlant égalité et équité.

Or on ne peut que faire le constat d’une hypocrisie la plus absolue : les candidats ayant une visibilité assurée sont reçus à des heures de grande écoute, et, pour respecter l’égalité de temps de parole de façon fictive, on fait parler à trois heures du matin les candidats réputés moins importants pour le débat public.

La situation a empiré en 2012 : les journaux, radios et télévisions ont réduit le temps consacré au débat politique. Si nous ne faisons rien, il diminuera encore au cours des prochaines élections.

Je vous renvoie à la page 15 du rapport que j’ai déposé : les chaînes généralistes, par exemple – TF1, France 2, France 3, Canal plus et M6 –, ont, pendant la période intermédiaire, consacré, en 2007, 25 heures aux candidats à l’élection présidentielle, et seulement 12 heures en 2012, soit 50 % de moins. Les chaînes d’information continue leur ont, quant à elles, consacré 152 heures en 2007, contre 143 en 2012, soit une baisse de 6 %. Les radios généralistes – Europe 1, RTL, RMC, France Info et France Inter – ont, dans le même temps, pratiqué dans leurs grilles de programmes une diminution similaire.

Au total, la baisse est, en cinq ans, massive. Les chaînes et leurs médiateurs ont d’ailleurs signé une déclaration commune affirmant que les règles qu’elles devaient respecter étaient tout simplement impossibles à appliquer, et qu’il valait donc mieux s’en remettre, sous le contrôle du CSA, au principe d’équité pour la répartition des temps de parole.

On peut certes juger discutables les règles définies par le Conseil ; Patrick Bloche en a dit deux mots tout à l’heure. Je rappelle néanmoins que ses décisions ont été contestées devant le Conseil d’État, qui a, à deux reprise – par un arrêt du 7 mars 2007, à la demande de Mme Lepage, et par un autre du 15 mars 2012, à la demande de M. Bourson –, estimé qu’elles étaient fondées.

En conséquence, la commission maintient sa rédaction et donne un avis défavorable à ces amendements de suppression.

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