Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à instaurer un principe de substitution dans le cadre réglementaire national pour les produits chimiques potentiellement néfastes pour la santé et l’environnement.
En ce début d’année, période propice aux voeux de bonheur et surtout de santé, je ne vous cache pas que la lecture de l’exposé des motifs n’est pas réjouissante. Les premières pages font froid dans le dos : nous sommes tous exposés de plus en plus aux substances chimiques dangereuses. Il semble que si nous ne faisons rien, cette tendance sera exponentielle.
Selon l’OMS, ces substances seraient responsables, en moyenne, de 5 millions de morts par an dans le monde, soit 8 % de la mortalité mondiale : c’est énorme ! Cette proposition de loi s’appuie donc sur des conclusions scientifiques reconnues.
Des critiques parfois trop faciles sont adressées à certaines propositions de loi : elles ne seraient pas assez rigoureuses, ou trop empreintes d’idéologie. Ces critiques, monsieur le rapporteur, ne peuvent en aucun cas s’appliquer à votre proposition de loi, car elle est solide, équilibrée, et utile pour la santé publique.
Face à un complexe industriel influent, c’est l’honneur des parlementaires de se soucier des conséquences préjudiciables – parfois involontaires – des pratiques du système de production, qui n’est pas assez régulé et encadré. Nous savons, par exemple, qu’il est difficile d’évaluer les répercussions de l’exposition aux perturbateurs endocriniens présents dans notre environnement, dans les objets que nous utilisons tous les jours. Pour ce genre de problème, l’approche traditionnelle devient obsolète.
L’article premier de votre texte propose un dispositif novateur de recensement. Il s’agit d’obliger les fabricants, importateurs et utilisateurs en aval qui sont soumis, dans l’exercice de leurs activités industrielles, au règlement européen de classification et d’étiquetage, à réaliser un audit. Cet audit donnerait aux entreprises, et de manière générale à tous les professionnels, les moyens de connaître les possibilités de substitution ou d’usage différent.
L’article 2 prévoit l’accompagnement des entreprises par l’État, grâce à un mécanisme d’incitation financière. Un label est par ailleurs prévu par l’article premier afin de favoriser la substitution. Il faut que l’État intervienne ; il y trouvera son compte sur le plan financier grâce aux économies sur les dépenses de santé. Enfin, l’article 3 propose une meilleure information des consommateurs à propos des substances chimiques préoccupantes, fondée sur les recommandations de l’ANSES.
Le Parlement s’est déjà saisi de ce sujet ; cette proposition de loi prolonge donc cette histoire parlementaire. En effet, certains de nos collègues ont déjà déposé des propositions de loi similaires, parfois même plus fermes ; je pense, par exemple, à celle de notre collègue Gérard Bapt, qui entendait – en des temps pas si anciens – interdire totalement certaines molécules comme le bisphénol A. Certaines de ces propositions ont été adoptées dans cet hémicycle ; même si elles n’ont pas été promulguées, elles ont au moins permis d’alerter l’opinion et de faire avancer le débat, y compris au niveau européen.
C’est tout le malheur que nous pouvons souhaiter à votre travail, monsieur le rapporteur. Nous ne doutons pas que le Gouvernement proposera des améliorations pour que nous puissions aboutir à un vote positif. Quel que soit le destin de ce texte, il aura au moins permis de faire avancer des idées fécondes pour améliorer la réglementation.
C’est d’autant plus vrai que votre proposition de loi témoigne d’un état d’esprit pragmatique, pas d’une volonté de prohibition implacable. Pour légiférer sur la régulation de l’ensemble des produits chimiques, c’est la bonne méthode. Autant dire les choses clairement : l’industrie de la chimie est un secteur important, qui pèse près de 90 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France. En réglementant davantage ce secteur, il s’agit de préserver l’avenir de l’industrie chimique française, tout en protégeant la santé de nos concitoyens.
La contradiction entre ces deux objectifs n’est qu’apparente ; elle peut être dépassée en nous plaçant à la pointe de l’industrie chimique de demain, et en favorisant la transition vers des molécules moins nocives. Ce texte est loin de proposer un « Grand soir » qui mettrait en péril la sacro-sainte compétitivité des entreprises de l’industrie chimique, comme le disent certains orateurs en séance ou en commission. Mais peut-être sont-ils sensibles à certains lobbys ?
Voilà, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les quelques remarques que je voulais formuler. En dépit de quelques faiblesses, cette proposition de loi est cohérente et solide. Dans ces conditions, monsieur le rapporteur, vous pourrez compter sur le soutien du groupe RRDP.