Cette proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour à l’initiative de nos collègues du groupe écologiste, répond à une préoccupation sanitaire majeure de notre époque. Comme d’autres l’ont dit avant moi, l’OMS évalue le nombre de décès liés aux substances chimiques à 5 millions par an, soit 8 % de la mortalité mondiale. Les populations sont exposées quotidiennement à des substances aux risques divers : cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques – qui relèvent d’une même catégorie, dénommée CMR –, perturbateurs endocriniens, polluants volatils, métaux lourds, nanomatériaux, additifs alimentaires… La liste est très longue.
En ce qui concerne l’exposition des salariés de l’industrie, le scandale de l’amiante, qui a provoqué et continue de provoquer des milliers de décès, reste présent à l’esprit de chacun. L’homme qui vous parle en a pour sa part absorbé depuis les années 1970 jusqu’en 1995. Un inspecteur départemental du travail avait pourtant déjà lancé l’alerte en 1906, dans un rapport sur la forte mortalité dans les filatures. Il faudra pourtant attendre 1997 pour que l’usage de l’amiante soit interdit !
D’autres scandales sanitaires pourront advenir à cause de l’utilisation de substances chimiques qui, telles l’amiante, ont des effets à long terme sur la santé des salariés : je pense à l’utilisation des solvants toxiques, en particulier les éthers de glycol.
Voilà maintenant plusieurs années qu’une prise de conscience a eu lieu : on ne peut pas jouer avec la santé des salariés et des populations au nom de la compétitivité, de la rentabilité, en bref, au nom de considérations marchandes. Ces considérations ont néanmoins envahi la quasi-totalité des rouages de la société et des activités humaines. La présomption de bonne volonté ne suffit pas !
La proposition de loi que nous examinons prévoit donc de transcrire, dans le cadre réglementaire national, le principe de substitution applicable aux produits chimiques. Elle prévoit ainsi : la réalisation d’un audit des substances chimiques présentes dans une liste définie par l’INERIS, après avis de l’ANSES ; la mise à la disposition des entreprises, par l’intermédiaire d’un site internet, d’un recensement de la littérature scientifique à propos de chaque substance de la liste prioritaire, l’état de la réglementation de cette substance en Europe et dans le monde, ainsi que les expériences de substitution réussies ; et une majoration du crédit d’impôt recherche pour les entreprises qui auront contribué à la recherche de substances alternatives.
Ce texte prévoit aussi que lorsque l’ANSES a émis des recommandations spécifiques sur des substances allergènes, cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques ou à caractère perturbateur endocrinien concernant les femmes enceintes, les fabricants sont tenus de faire figurer un pictogramme « Déconseillé aux femmes enceintes » sur les produits contenant ces substances.
Cette proposition de loi repose donc sur trois piliers : le recensement, l’incitation et la substitution. La question qui se pose est la suivante : ces dispositions ajoutent-elles quelque chose aux dispositions actuelles et à venir ? Si ce n’est pas le cas, alors nous nous acheminons vers un doublon de la réglementation, ce qui ne garantit en rien une amélioration de son efficacité !
Pour ce qui concerne la réglementation nationale, le code du travail exige déjà une évaluation de tous les agents chimiques dangereux présents sur les lieux de travail, qu’ils soient utilisés intentionnellement ou formés lors de procédés industriels. Ces dispositions s’inscrivent dans un cadre réglementaire européen sur lequel je reviendrai. Ainsi, l’ensemble des employeurs doivent dresser un inventaire des agents chimiques qu’ils utilisent, en vue de l’évaluation et de la régulation des risques. Cet inventaire est d’ailleurs affiché au sein de l’entreprise.
Dans ma circonscription se trouvent plusieurs sites de l’industrie chimique. La DRÉAL, la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, est particulièrement exigeante à l’égard de ces industriels, se montrant souvent tatillonne à l’excès. Je ne suis par conséquent pas très convaincu par cette obligation d’audit, car cet audit est déjà réalisé ! Par ailleurs, nous ne pouvons pas être indifférents au surcoût financier que cela représenterait pour les PME, qui sont souvent soumises aux exigences des groupes pour lesquelles elles travaillent.