Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la lutte contre les substances chimiques nocives est une question bien entendu primordiale, car elle concerne la santé des travailleurs et, plus généralement, celle de l’ensemble de nos concitoyens. Le groupe UDI est donc parfaitement conscient de l’importance du sujet. Pour autant, nous restons très perplexes face à la solution proposée par nos collègues du groupe écologiste, dont je tiens néanmoins à saluer le travail.
Tout d’abord, la législation existante nous paraît suffisante pour assurer la substitution des substances chimiques nocives. Une nouvelle loi serait au mieux inutile, et au pire contre-productive car elle risquerait de créer des doublons.
En effet, au niveau de la législation française, le code du travail prévoit déjà la substitution des produits chimiques dangereux par d’autres produits pas ou moins dangereux, et en fait d’ailleurs un axe prioritaire de la prévention des risques professionnels.
La réglementation française impose de substituer les agents chimiques dangereux dits ACD, en distinguant en particulier les agents cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques, dits CMR. La substitution de ces agents CMR avérés est, d’ores et déjà, obligatoire. L’employeur doit être en mesure de justifier des tentatives de substitution effectuées et de consigner le résultat de ses investigations en la matière dans un document unique d’évaluation des risques.
Au-delà des CMR avérés, notre législation prévoit également la substitution de quatre autres catégories d’agents chimiques dangereux, sans toutefois que celle-ci ne soit considérée comme une mesure de prévention prioritaire.
Cette substitution concerne les agents CMR suspectés, mais également les autres substances ou mélanges de substances classés dangereux dans l’Union européenne, les agents chimiques non classés dangereux au niveau européen mais qui peuvent présenter un risque pour la santé et la sécurité des personnes et, enfin, les agents chimiques non classés comme dangereux dans l’Union européenne, mais pour lesquels une valeur limite d’exposition professionnelle existe dans la réglementation française.
La réglementation française, déjà très efficace, est complétée par le règlement européen REACH, institué en 2007 afin de sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie. Grâce à ce règlement, les substances chimiques fabriquées, importées et commercialisées sur le marché européen sont recensées, évaluées et contrôlées. D’ici à 2018, ce sont plus de 30 000 substances chimiques qui devraient être recensées : leur potentiel de dangerosité sera alors connu. Alors que nous disposons déjà des ressources documentaires européennes, faire établir une nouvelle liste en France créerait seulement des doublons.
Afin de justifier de l’utilité de votre proposition de loi, vous soulignez l’absence dans le règlement REACH de dispositions relatives aux effets cocktail et aux perturbateurs endocriniens. Nous faisons confiance aux institutions et aux élus européens pour pallier ce manque. Il serait naïf de croire que la liste établie par le règlement REACH serait gravée dans le marbre et ne saurait connaître d’évolutions.
Les réglementations existantes nous semblent donc adaptées et suffisantes pour lutter contre les substances chimiques nocives : nous avons déjà les moyens et les possibilités de les identifier et l’obligation d’y substituer des produits pas ou moins dangereux. Sur ce point, la proposition de loi ne nous semble donc pas nécessaire.
Au-delà de nos interrogations sur son utilité, nous avons également des doutes, voire des inquiétudes, sur son contenu même. Vous prévoyez de demander à ceux qui fabriquent, importent ou utilisent en aval des substances chimiques préoccupantes d’établir un diagnostic annuel de leur utilisation.
Ce diagnostic nous semble particulièrement contraignant : nous pensons qu’il serait trop lourd pour bon nombre d’entreprises, en particulier les TPE et les PME, qui ne sont absolument pas préparées à un tel changement.
Votre proposition de loi ne va pas dans le sens d’un accompagnement utile et pédagogique des entreprises vers la généralisation de la substitution des substances chimiques nocives. Au contraire, vous privilégiez une logique de sanctions financières lourdes en cas de manquements.
Alors que le contexte économique, c’est peu de le dire, n’est guère favorable à nos entreprises, vous faites peser sur elles une nouvelle menace de sanctions financières. Pour le groupe UDI, une telle proposition est inadaptée et en décalage avec les réalités économiques actuelles du monde de l’entreprise.
Bien évidemment, les entreprises doivent être conscientes des problèmes créés par l’utilisation de substances chimiques, mais gardons à l’esprit que la nécessaire transition vers l’utilisation de substances moins nocives prendra un certain temps. Le protocole de substitution déjà établi comporte neuf étapes, ce qui implique un temps d’action assez long.
De plus, le monde scientifique étant ce qu’il est, c’est-à-dire fait d’incertitudes et, parfois, de controverses, il est difficile d’évaluer avec précision et certitude les effets de certains produits sur la santé et sur l’environnement. Le domaine alimentaire nous fournit de multiples exemples qu’il est bon de se rappeler : il y a quelques années, on présentait l’aspartame comme un produit miracle de substitution au sucre, idéal pour lutter contre l’obésité et le diabète. Et pourtant, en 2011, des scientifiques l’ont suspecté d’être cancérogène, avant que d’autres études ne viennent, en 2014, le déclarer inoffensif. Aussi, se précipiter pour interdire une substance sans avoir l’assurance de sa nocivité ne peut qu’entretenir un climat anxiogène, ce qui n’est pas souhaitable.
Votre proposition de loi prévoit par ailleurs une majoration du crédit d’impôt recherche, ce qui, à première vue, peut sembler une bonne idée. Cependant, et au-delà de la simple question du financement du dispositif, lequel nous semble bien fragile, le groupe UDI s’interroge sur les critères qui seront adoptés pour calculer ladite majoration. Comment, en effet, mesurer qu’une entreprise a suffisamment contribué à la recherche de substances alternatives ? Cette évaluation nous semble bien difficile à mener.
Nous l’avons dit tout à l’heure, cela ne doit pas devenir un handicap pour les entreprises, tant sur le plan administratif, avec l’établissement d’un diagnostic sur l’utilisation de substances chimiques, que sur le plan financier, avec les sanctions prévues en cas de manquement au principe de substitution.
N’oublions pas non plus que les consommateurs doivent également bénéficier de cette substitution. Votre proposition de loi évoque leur droit d’information, lequel est bien sûr légitime et important. Mais vous n’avez prévu qu’un pictogramme à l’intention des femmes enceintes.