Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la lutte contre la pollution de l’air est un enjeu sanitaire majeur, la première préoccupation environnementale des Français. Elle représente aussi un enjeu économique : le Sénat a estimé le coût annuel de la pollution de l’air à 100 milliards d’euros. Il en débattra d’ailleurs cet après-midi. C’est aussi un enjeu social, car ce sont généralement les populations défavorisées qui sont exposées à une mauvaise qualité de l’air. Votre assemblée a d’ailleurs décidé d’engager une mission d’évaluation des politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air.
Ces vingt dernières années, des progrès importants ont été faits en faveur de la qualité de l’air. Les émissions d’oxydes d’azote et de particules ont été divisées par deux depuis 2000, tandis que les concentrations moyennes annuelles de ces polluants ont baissé de l’ordre de 20 à 30 % sur la même période.
Mais il reste encore de nombreuses zones dans lesquelles les valeurs limites réglementaires ne sont pas respectées. La France est ainsi en situation de contentieux européen pour les particules et le dioxyde d’azote dans plusieurs agglomérations – dix pour les particules, dix-neuf pour le dioxyde d’azote – parmi lesquelles on peut citer Paris, Lyon, Marseille, Grenoble, Toulon, Nice, la Martinique, la vallée de l’Arve, Douai-Béthune-Valenciennes, Bordeaux ou encore Strasbourg.
Dans la dynamique de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et de l’Accord de Paris, nous nous devons d’avoir une démarche exemplaire et ambitieuse. C’est pourquoi Ségolène Royal salue cette proposition de loi, qui nous permet collectivement de renforcer les mesures mises en oeuvre en cas de pic de pollution et d’accélérer les évolutions des dispositifs existants, afin de les rendre plus efficaces.
Je tiens d’abord à rappeler quelques-unes des principales mesures récemment mises en oeuvre en faveur de la qualité de l’air et pour protéger la santé de nos concitoyens. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, promulguée le 17 août 2015, offre un cadre juridique renouvelé et renforcé pour l’action, avec une approche intégrée climat-air-énergie, depuis le niveau national jusqu’au niveau local.
Elle accélère la mutation du parc automobile français en imposant le renouvellement des flottes publiques de transport individuel et collectif et en facilitant le déploiement de bornes de recharge pour les véhicules électriques et hybrides, avec un objectif de 7 millions de points de recharge d’ici à 2030 sur le territoire.
Elle permet aux collectivités de créer des zones à circulation restreinte et de donner des avantages de stationnement et de circulation aux véhicules les moins polluants. Elle facilite le développement du covoiturage et, dans les zones des plans de déplacements urbains, impose aux entreprises de plus de 100 salariés de mettre en oeuvre un plan de mobilité à compter du 1erjanvier 2018.
Elle prévoit également une meilleure prise en compte de la qualité de l’air dans les documents de planification. Les plans climat énergie territoriaux – PCET – comporteront des mesures relatives à la qualité de l’air, devenant ainsi des plans climat air énergie territoriaux – PCAET – qui concerneront d’ici 2019 tous les établissements publics de coopération intercommunale de plus de 20 000 habitants. Elle interdit enfin l’utilisation des produits phytosanitaires dans l’espace public.
Au-delà de la loi, dont les textes d’application seront prêts dans les plus brefs délais, d’autres mesures fortes ont été déployées pour accélérer la lutte contre la pollution atmosphérique. La prime de 10 000 euros maximum pour la conversion des vieux véhicules polluants, instaurée en avril 2015, voit son assiette est élargie à tous les véhicules diesels de plus de dix ans. Par ailleurs, le montant de la prime accordée aux ménages non imposables pour l’achat d’un véhicule essence à la norme Euro 6 est porté de 500 à 1 000 euros.
Le rapprochement des taxes sur le gazole et sur l’essence a été engagé. Ainsi, alors que le différentiel de taxation entre le gazole et l’essence était de près de 18 centimes en 2013, il n’est plus que d’environ 12 centimes, et sera ramené à 10 centimes en 2017. Une indemnité kilométrique vélo de 25 centimes par kilomètre, plafonnée, a été mise en place afin que les employeurs volontaires prennent en charge le coût des trajets domicile-travail à bicyclette. L’appel à projets « Villes respirables en cinq ans », lancé le 2 juin, a permis de sélectionner vingt agglomérations lauréates s’engageant à mettre en oeuvre des actions ambitieuses en faveur de la qualité de l’air. Les collectivités bénéficieront d’une aide pouvant aller jusqu’à 1 million d’euros.
En complément du crédit d’impôt transition énergétique, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – ADEME – a instauré des aides pour le renouvellement des appareils de chauffage au bois par des appareils plus performants. Une enveloppe de 10 millions d’euros sera mobilisée sur le fonds de financement de la transition énergétique pour financer des investissements permettant de réduire les émissions polluantes d’origine agricole.
Les certificats « qualité de l’air » permettront de classer les véhicules en fonction de leur niveau de pollution et pourront être utilisés par les collectivités territoriales pour moduler leurs politiques en matière de circulation et de stationnement des véhicules. Une expérimentation sera engagée prochainement, avant le déploiement au niveau national. Le projet d’arrêté relatif à la classification des véhicules fera l’objet d’une consultation ouverte à partir de demain.
La révision du programme national de réduction des émissions de polluants atmosphériques a été engagée à l’automne 2015, avec une large consultation des parties prenantes qui se poursuivra jusqu’à son adoption, prévue avant le 30 juin 2016. Les régions, chefs de file des collectivités territoriales en matière de lutte contre les pollutions atmosphériques, seront également invitées à mobiliser les fonds européens pour les investissements en faveur de la qualité de l’air.
L’ensemble de ces actions renforceront l’efficacité des plans de protection de l’atmosphère adoptés localement dans les zones les plus polluées en concertation avec les acteurs locaux. À ce jour, trente plans sont adoptés et six se trouvent en phase finale d’approbation ou de révision.
En matière d’amélioration des connaissances et de risques émergents, plusieurs démarches ont été engagées. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – ANSES – a été saisie et rendra prochainement ses recommandations de stratégie de surveillance pour évaluer l’exposition de la population aux pesticides présents dans l’air. Sur cette base, le laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air établira un protocole harmonisé de surveillance des pesticides, avant de lancer, conformément à la feuille de route issue de la conférence environnementale, une campagne nationale exploratoire, avec l’appui des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air.
Par ailleurs, l’ANSES a été saisie afin d’identifier les polluants de l’air ambiant actuellement non réglementés et potentiellement préoccupants pour la santé et l’environnement, en tenant compte de la question des « effets cocktails ». Les résultats sont attendus pour début 2017.
Au-delà de ces actions de fond, il convient de continuer à améliorer et renforcer le dispositif de gestion des épisodes de pollution. Le Gouvernement salue donc votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, qui permet de donner corps à plusieurs recommandations du rapport de la mission d’inspection diligentée par les ministres en charge de l’écologie, de la santé et de l’intérieur après l’épisode de pollution de mars 2015.
Les inspections ont souligné que les pics de pollution sont un moment essentiel pour sensibiliser les citoyens, leur expliquer la situation, ses causes, les mesures prises, les comportements sanitaires à adopter, mais aussi les actions de fond qu’il est nécessaire d’engager. Elles insistent aussi sur le fait que les mesures temporaires en cas de pic de pollution constituent un acte de solidarité avec les personnes les plus sensibles. Ces mesures permettent de tester de nouvelles pratiques et préparent des modifications de comportements quotidiens.
Votre proposition de loi a permis de nourrir le travail de réflexion du Gouvernement, dans la perspective de la remise d’un rapport au Parlement, conformément à l’article 48 de la loi de transition énergétique. Ce rapport doit présenter « des propositions de modification de la réglementation encadrant les mesures d’urgence afin de permettre aux pouvoirs publics d’être plus réactifs pour réduire les sources de pollution et pour protéger la santé des populations exposées, en particulier les plus fragiles. » Ce rapport sera transmis au Parlement dans les tout prochains jours.
Sans attendre l’issue des débats parlementaires, le Gouvernement s’engage à mettre en oeuvre par la voie réglementaire les principales évolutions proposées par votre proposition de loi. Ainsi, le Gouvernement a préparé un projet d’arrêté interministériel révisant le dispositif actuel fixé par l’arrêté du 26 mars 2014 relatif au déclenchement des procédures préfectorales en cas d’épisodes de pollution de l’air ambiant. Ce texte s’inspirera très largement de votre proposition de loi et en reprendra les principales mesures. Premièrement, la définition de la persistance des épisodes de pollution aux particules sera revue, afin de permettre aux préfets de déclencher plus rapidement des mesures dès qu’un épisode de pollution prolongé est prévu. Deuxièmement, les mesures pourront être maintenues même si les niveaux de pollution fluctuent en deçà des seuils réglementaires, tant que les conditions météorologiques restent propices à la poursuite de l’épisode de pollution. Troisièmement, les préfets adopteront les mesures d’urgence après consultation d’un comité d’experts associant les collectivités territoriales.
S’agissant des normes en matière de qualité de l’air, que votre proposition de loi propose d’abaisser de manière significative, le Gouvernement s’engage aussi, sans attendre l’issue des débats parlementaires, à saisir l’ANSES et le Haut Conseil de la santé publique afin de disposer de recommandations tenant compte des dernières connaissances scientifiques.
C’est dans cet esprit de pragmatisme et de coconstruction, en recherchant la mise en oeuvre la plus rapide possible des évolutions souhaitées, que le Gouvernement a déposé plusieurs amendements destinés à accompagner les démarches engagées au niveau réglementaire.
À l’occasion des vingt ans de la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie, nous avons collectivement l’opportunité d’améliorer le dispositif de gestion des épisodes de pollution, au bénéfice de nos concitoyens et particulièrement pour les personnes les plus fragiles.