Intervention de Marie-Hélène Fabre

Séance en hémicycle du 14 janvier 2016 à 15h00
Ancrage territorial de l'alimentation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Hélène Fabre :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous considérons, sur la majorité de ces bancs, que les circuits courts sont l’une des réponses à la fois à la crise de l’agriculture et à la crise sociale que traverse notre pays.

Depuis plus de cinquante ans et le développement d’une agriculture de plus en plus productiviste et standardisée, la production et la consommation de produits alimentaires sont deux opérations de plus en plus distinctes. Alors que nos supermarchés mettent chaque jour à notre disposition des produits venus des quatre coins de la planète, nous y trouvons de moins en moins de produits de proximité.

On est sans doute allé trop loin. Je me souviens qu’en février 2013 Pascal Lamy, alors directeur général de l’Organisation mondiale du commerce, faisait l’apologie devant la commission des affaires économiques du bilan carbone, à ses yeux excellent, de la production de haricots en Afrique, et recommandait d’en importer davantage. Je le cite : « ce qui importe, c’est la sécurité alimentaire, non la souveraineté alimentaire. »

Dans le contexte actuel, il semble au contraire utile de raccourcir la chaîne alimentaire et de faire renaître la confiance entre la société et les agriculteurs, face aux doutes suscités par l’hyper-industrialisation et la mondialisation de notre alimentation.

Comme nous l’avons collectivement affirmé au cours de nos débats sur le gaspillage alimentaire, nous sommes conscients de la nécessité de faire évoluer notre mode de consommation. Le « manger local », implique un plus grand respect de la nature, des sols, de l’eau, de l’air et des animaux, bref un mode de vie plus sain.

Alors que la vingt et unième conférence sur le climat, ou COP21, a remis cette préoccupation au centre du débat public, l’agriculture étant responsable de 25 % des émissions de gaz à effet de serre en France, l’ancrage territorial de l’alimentation doit être considéré comme une des principales solutions pour diminuer les émissions de C02 de l’agriculture.

Face à ce défi, nous ne sommes pas restés inactifs ces trois dernières années. La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014, votée à votre initiative, monsieur le ministre, et pour laquelle nous avons tant oeuvré, a fait de l’ancrage territorial de la production agricole l’un des objectifs essentiels de notre politique alimentaire.

Au travers des projets alimentaires territoriaux, les PAT, cette loi a créé un instrument permettant de structurer des systèmes alimentaires pour assurer un approvisionnement local.

Il faut préciser en outre que depuis cet été, le Gouvernement incite les collectivités locales à s’engager davantage pour sauvegarder l’agriculture de proximité. Je le souligne d’autant plus que je suis l’élue d’un département qui s’est engagé dans cette voie depuis près de deux ans.

La mission d’information dont vous étiez la rapporteure, madame Allain, et qui a abouti à la rédaction du rapport « Et si on mangeait local… » a permis de dégager des pistes et de faire des propositions pour favoriser le développement de filières agricoles et alimentaires et je vous en félicite. La proposition de loi qui en résulte et que nous examinons aujourd’hui nous met face à la responsabilité de traduire au mieux notre volonté en actes.

À l’heure actuelle, la part des circuits courts et de proximité est déjà conséquente en France puisqu’on estime qu’ils représentent entre 6 et 7 % des achats alimentaires et que 21 % des exploitations vendent au moins une partie de leur production en circuits courts.

Mais les obstacles sont encore nombreux. Les stratégies territoriales sont souvent inadaptées et les possibilités de privilégier des produits locaux et de qualité ouvertes par le code des marchés publics sont elles aussi trop méconnues. Dans certaines régions, la spécialisation trop marquée de certains terroirs fait obstacle aux circuits courts. Je ne multiplierai pas les exemples mais du manque du foncier agricole disponible aux importations excessives de produits standard à destination de la restauration collective, les pistes pour améliorer cette situation sont très nombreuses.

Il nous appartient de préciser aussi les contours exacts des différents éléments qui composeront ce dispositif de manière à nous assurer de son efficacité.

Sous réserve de l’intégration de certaines dispositions relatives aux grandes enseignes de distribution et visant à lutter contre le gaspillage alimentaire, ce texte sera un nouveau pas vers l’évolution de notre modèle de consommation. Dans ces conditions, vous comprendrez que j’apporte mon soutien à cette proposition de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion