Monsieur le Président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, chers collègues, en 2008, les États-Unis ont exprimé le souhait d’entrer en négociation avec la France en vue d’un accord de coopération policière sur l’échange de données génétiques et d’empreintes digitales, afin de lutter contre la criminalité organisée.
Après une première proposition de protocole d’accord présentée en juillet 2009 les négociations aboutissaient, trois ans plus tard, à un accord signé en mai 2012.
La coopération d’entraide en matière pénale entre la France et les Etats-Unis est ancienne puisque deux accords ont déjà été conclus, le premier relatif à l’extradition, en avril 1996, et le second, relatif à l’entraide judiciaire, en décembre 1998.
Ainsi depuis 2007, près de 500 demandes d’entraides ont été adressées aux États-Unis par les autorités françaises, dont 48 en matière de terrorisme, et plus de 200 par les autorités américaines à la France, dont 37 en matière de terrorisme.
Cependant, la lutte contre le terrorisme, tout comme celle engagée contre la grande criminalité, s’étant globalisée, elle rend nécessaire l’intensification de la coopération de part et d’autre de l’Atlantique.
En effet, depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New York et ceux de Boston en 2013, le Gouvernement américain a fait de la sécurité intérieure une priorité absolue, puisque pour la première fois, les États-Unis étaient touchés directement sur leur territoire.
Par la suite, les pays européens ont eux aussi malheureusement été victimes du terrorisme lors des attentats de Madrid en mars 2004, de Londres en juillet 2005 et, plus récemment, de Paris en janvier et novembre 2015. Tous ont mis en lumière l’apparition de nouvelles menaces avec des actes terroristes venant « de l’intérieur » commis par des individus radicalisés, rendant ainsi nécessaire l’intensification de la lutte contre le terrorisme et l’adaptation à son évolution.
Le caractère international des mouvements terroristes et des réseaux du crime organisé, l’extrême mobilité de leurs membres, leur remarquable capacité à contourner les techniques d’investigation des services d’enquêtes – même les plus nouvelles – justifient le renforcement de la coopération transatlantique et le partage des informations. L’objectif est de pouvoir identifier des individus qui utilisent de multiples identités, au moyen de données dactyloscopiques et génétiques.
A l’heure actuelle, les échanges de données biométriques entre la France et les États-Unis se font dans le cadre de lettres d’entraide internationale via l’Organisation internationale de police criminelle, OIPC-Interpol. Mais, en l’absence d’un outil adapté, ils sont très limités du fait d’un petit nombre de demandes de part et d’autre.
Pour mettre en place cette nécessaire coopération, l’accord qui nous est soumis vise principalement à faciliter des échanges d’informations concernant les profils ADN et les données relatives aux empreintes digitales et palmaires, afin d’identifier des membres des réseaux terroristes et criminels.
Toutefois, si la sécurité collective a un prix, elle ne peut pas être assurée au préjudice de la protection des droits et libertés individuelles. En conséquence, cet instrument offre des garanties en matière de protection des données personnelles.
En premier lieu, l’accès entre les parties aux bases de données d’empreintes génétiques et dactyloscopiques est assuré via des points de contact nationaux, désignés par les parties qui les autorisent, dans un premier temps, à procéder à des vérifications. Ce n’est qu’une fois la vérification établie définitivement que la transmission de données à caractère personnel est effectuée, selon la législation nationale de la partie requise. C’est à ce stade que devra être précisément justifiée l’inscription de la demande de transmission des données personnelles dans un cadre de police judiciaire. Pour que ces données puissent, ultérieurement, être valablement utilisées comme preuve, leur transmission sera encore souvent assurée par le biais d’une demande d’entraide judiciaire.
En France, le point de contact devrait être la sous-direction de la police technique et scientifique de la direction centrale de la police judiciaire.
Ces droits de consultation sont strictement encadrés. Ainsi, ils doivent être exclusivement exercés dans le cadre d’une procédure judiciaire ou d’une procédure d’enquête relative à des crimes graves et visant une ou plusieurs personnes déterminées. Sont concernées les infractions relatives à la criminalité grave et au terrorisme, définies en annexe, ainsi que les autres faits passibles d’une peine privative de liberté égale ou supérieure à trois ans.
Les fichiers automatisés susceptibles d’être consultés à la demande des États-Unis sont le fichier national automatisé des empreintes génétiques – FNAEG – pour les profils ADN, et le fichier automatisé des empreintes digitales, le FAED.
En cas d’urgence ou de péril imminent, l’accord ouvre la possibilité d’une transmission spontanée de données personnelles, à titre préventif, au vu de circonstances particulières laissant présumer qu’une personne est susceptible de commettre des infractions terroristes ou liées à la grande criminalité. Cette transmission est opérée par l’intermédiaire des points de contact désignés et peut être assortie de conditions d’utilisation.
En France, c’est l’unité de coordination de la lutte anti-terroriste, l’UCLAT, rattachée au directeur général de la police nationale, qui devrait être le point de contact.
Par ailleurs, il est important de noter qu’au titre des échanges d’information, les États-Unis, grâce à cet accord, maintiendront pour nos compatriotes le bénéfice de l’exemption de visa s’agissant des séjours de moins de trois mois.
Le deuxième volet important de l’accord est la garantie de protection des données à caractère personnel.
Les États-Unis n’étant pas considérés dans notre législation comme un État assurant « un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux », la France a exigé, dans les négociations, que des garanties soient fixées en la matière. Ces dernières, détaillées à l’article 10 de l’accord, érigent en principe le respect de la confidentialité et la protection appropriée des données à caractère personnel transférées.
En conséquence, les parties s’engagent à ne transmettre que les données à caractère personnel, « adéquates, pertinentes et non excessives par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont communiquées ». Elles s’engagent aussi à s’assurer que toute erreur constatée sera signalée à la partie destinataire en vue de sa rectification et à conserver les données transmises pendant la seule durée d’utilisation nécessaire à la procédure judiciaire pour lesquelles elles ont été demandées.
S’y ajoute une garantie supplémentaire : la transmission des données obtenues en provenance d’un État tiers est soumise à l’autorisation de ce dernier. La tenue d’un registre des données reçues ou transmises permet d’assurer la traçabilité des échanges, la sécurité des données et le contrôle effectif des dispositions de l’accord.
La France peut ainsi refuser d’exécuter une demande d’entraide judiciaire si l’exécution de celle-ci risque de porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à son ordre juridique ou à d’autres intérêts essentiels. Elle refusera notamment – il faut le rappeler – toute entraide dans une affaire judiciaire pouvant conduire à une condamnation à la peine de mort aux États-Unis.
L’accord comporte également des engagements de la partie américaine à assurer la protection des données communiquées et prévoit un mécanisme de contrôle par une autorité indépendante. Cette dernière peut être l’autorité compétente en la matière, comme, en France, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL. La transparence et l’information des personnes concernées sont par ailleurs exigées.
En outre, un droit de recours approprié est garanti à toute victime d’une violation de ses droits ainsi que la protection des données à caractère personnel, indépendamment de la nationalité ou du pays de résidence de l’intéressé.
Un suivi et des consultations entre les parties au sujet de la mise en oeuvre de l’accord sont prévus, particulièrement en cas d’évolution des négociations sur l’accord dit « parapluie » entre l’Union européenne et les États-Unis relatif à la protection des données personnelles lors de leur transfert et de leur traitement aux fins de prévenir les infractions pénales, dont les actes terroristes.
Il importe de souligner que toutes les données conservées en contravention avec les dispositions de l’accord pourront être écartées en tant qu’éléments de preuve et leur pertinence réexaminée.
Par ailleurs, l’accord peut être suspendu en cas de manquement substantiel et après consultation bilatérale des parties.
Cet accord, tout en assurant de solides garanties tant en ce qui concerne les échanges d’informations que le niveau de protection des données personnelles, facilitera la coopération judiciaire entre la France et les États-Unis à un moment où l’échange rapide des données dans des conditions techniques et juridiques sûres est indispensable.
Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre les gouvernements français et américain relatif au renforcement de la coopération en matière d’enquêtes judiciaires en vue de prévenir et de lutter contre la criminalité grave et le terrorisme.