Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la globalisation de la lutte contre le terrorisme et la grande criminalité ont rendu nécessaire l’intensification de la coopération, de part et d’autre de l’Atlantique.
Bien évidemment, la France et les États-Unis n’ont pas attendu ces dernières années pour mettre en place une coopération judiciaire. En matière pénale, deux accords, l’un relatif à l’extradition, l’autre à l’entraide judiciaire, ont été conclus en 1996 et 1998. À cette coopération judiciaire s’est ajoutée une coopération opérationnelle, notamment avec le ministère de la sécurité intérieure américain et les agences fédérales.
La nécessité d’intensifier cette coopération s’est particulièrement fait ressentir lors des attentats du 11 septembre 2001. C’est alors que nous avons considérablement renforcé les moyens à notre disposition pour combattre la grande criminalité, et essentiellement le terrorisme. Ces dernières années ont vu naître de nouvelles formes de terrorisme, venant parfois de l’intérieur, commis par des individus radicalisés. Le caractère international des mouvements terroristes et des réseaux du crime organisé, la mobilité de leurs membres et leur capacité à contourner les techniques d’investigation des services d’enquête nous imposent d’adapter notre législation et notre coopération.
Dans son rapport, notre collègue sénatrice Joëlle Garriaud-Maylam évoque notamment le recours, par les organisations terroristes et criminelles, à des hommes « support », chargés d’organiser l’accueil et la logistique des membres du réseau lorsqu’ils sont « en mission » – entre guillemets, naturellement. Ces nouveaux procédés rendent indispensable le partage d’informations, afin d’identifier, au moyen de données dactyloscopiques et génétiques, les personnes qui utilisent de multiples identités. Dans ce contexte, nous ne pouvons qu’être favorables à un accord qui a pour ambition de faciliter ces échanges.
Les principales mesures sur l’entraide judiciaire, l’extradition, la surveillance des données de vol ou des échanges financiers, sont autant de dispositifs qui amélioreront notre capacité de renseignement, d’enquête et de protection de nos concitoyens. Actuellement, les échanges de données biométriques entre nos deux pays se font dans le cadre de lettres d’entraide internationale via l’OIPC-Interpol. Ils sont très limités car, en l’absence d’un outil adapté, les demandes faites de part et d’autre restent très peu nombreuses.
La coopération policière prévue par cet accord devrait permettre la facilitation et l’intensification de ces échanges. Nous devons néanmoins nous assurer que cet accord préserve un certain équilibre entre liberté et sécurité et qu’il offre des garanties en matière de protection des données personnelles. En effet, à quelques mois du scandale des écoutes massives de la NSA, ce texte pourrait, au premier abord, inquiéter nombre de nos concitoyens.
Or les articles 3 et 5 précisent bien que l’échange d’information se fait au cas par cas, en s’assurant d’une concordance entre le profil demandé et le profil requis. Cette concordance, vérifiée par un point de contact unique entre nos deux pays, assure le sérieux du processus prévu par cet accord. En France, c’est à l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste que reviendra cette mission. S’agissant de la peine de mort, ce texte respecte les accords bilatéraux précédents, puisque la France peut refuser de transmettre des informations sur un individu encourant la peine capitale. Rien ne doit remettre en question l’abolition de la peine de mort, qui fait désormais partie de l’ADN de notre République.
Cet accord apporte également, à l’article 10, un certain nombre de limitations à la transmission de données à caractère personnel. Cette disposition est importante, puisqu’elle permet de sécuriser l’échange des données avec des standards élevés de protection, et prévoit un recours possible pour les personnes dont la protection des données aurait été violée. En outre, l’article 12 permet à chacune des parties d’organiser un suivi de la bonne application de cet accord.
La grande criminalité internationale sait s’adapter aux obstacles que nous dressons devant elle. Il est important, pour cette raison, d’être en mesure d’améliorer et de faire évoluer les outils utilisés. Par ailleurs, les États-Unis ont donné en 2015 de nouvelles garanties sur la sécurité des données, lors de l’adoption par le Sénat américain du USA Freedom Act, qui a posé des limites aux écoutes téléphoniques décriées de la NSA. En effet, les métadonnées téléphoniques sont désormais stockées chez les opérateurs et n’ont plus l’obligation d’être transmises aux autorités. Cela se fait désormais au cas par cas. Toutefois, nous attendons que les autorités américaines avancent sur cette question au niveau international, afin d’améliorer la confiance, sur ce point, entre nos deux pays et l’ensemble de l’Union européenne.
Enfin, cet accord permet de maintenir le Visa Waiver Program, élaboré en 1986 afin de faciliter les voyages d’affaires ou le tourisme pour des séjours n’excédant pas trois mois. Sans une meilleure coopération franco-américaine, ce programme n’aurait pu être maintenu.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, les garanties de ce texte sur la sécurisation de la transmission des données et sur la concordance des informations entre le pays demandeur et le pays requis, dans le respect du droit national de chaque pays, nous semblent très satisfaisantes. Pour autant, un accord avec les seuls États-Unis sera insuffisant. Nous devrions, monsieur le secrétaire d’État, réfléchir à l’amélioration d’une telle coopération au niveau européen.