En droit pénal, un juge confronté à des faits qui peuvent être sanctionnés par plusieurs incriminations pénales doit choisir la plus spécifique. Ainsi, un contrevenant pris à la frontière en train d’importer ou d’exporter un produit avec un pays soumis à embargo tombe sous le délit douanier de contrebande, ce qu’un intervenant a rappelé, en se référant au code des douanes. Ce délit couvre tout import ou export de marchandises prohibées, pour quelques raisons que ce soit, notamment un embargo international. La création du nouveau délit de violation des embargos, qui, comme nous l’avons dit tout à l’heure, introduit une sanction pénale, conduit à une incrimination plus spécifique.
Le paragraphe 1 bis de l’article L. 459 du code des douanes peut cependant poser problème : en sa rédaction actuelle, il peut laisser penser, tant qu’il n’existe pas, sauf exception, de sanctions économiques décidée sur une base purement nationale, que l’article couvre de fait un champ identique à la nouvelle incrimination de l’article L. 437-1 du code pénal, dont la rédaction est un peu différente.
Or les peines prévues par le code des douanes et par le présent projet ne sont pas identiques. Dès lors, il faudra choisir entre deux incriminations. En cas de concours illégal d’infractions, tout d’abord, la jurisprudence permet de retenir la qualification passible de la peine la plus élevée. C’est donc le nouvel article L. 437-1 du code pénal, qui, je le rappelle, prévoit une sanction allant jusqu’à sept années d’emprisonnement, qui devrait s’imposer, parce qu’il est un peu plus sévère. Mais si, a contrario et par habitude, les juges continuaient à n’invoquer que le code des douanes, ce nouvel article serait privé de toute portée. Le projet de loi, dans son ensemble, n’aurait alors pas grand sens. Il faut donc trancher.
Le basculement proposé vers le code pénal, qui est aussi une référence pour les douanes, a des conséquences, notamment parce qu’il remet en cause le primat de la transaction et le monopole de la plainte à la seule administration, en vertu des articles L. 350 et L. 458 du code des douanes. Les procédures seront donc moins discrètes mais la publicité de la justice et des sanctions est, après tout, un principe démocratique de base.
Quant à l’argumentation sur le préjudice de réputation porté aux entreprises par la publicité donnée à leurs errements, il vaut sans doute s’agissant d’intérêts à court terme – évolution du cours de bourse, maintien en poste de dirigeants, des arguments souvent évoqués par ces derniers –, mais il est discutable à plus long terme. Il n’est pas avéré que les pays du Nord de l’Europe ou les États-Unis, qui pratiquent davantage la transparence lorsqu’ils sanctionnent leurs entreprises, aient des économies moins dynamiques pour cette raison-là.
En revanche, le sentiment de collusion qu’a parfois, souvent à tort, l’opinion sur les relations entre l’administration, la justice et les grandes entreprises prises en défaut, entretient un certain mécontentement et tient à prolonger indéfiniment les soupçons.
C’est pourquoi nous avons proposé cet amendement, que la commission a adopté.