…et ainsi faire de ce travail législatif partagé une loi votée à l’unanimité par les deux assemblées. Peut-être que nos collègues sénateurs, qui ont compris notre volonté, et qui, au fond, y adhèrent, garderont cette décision à l’esprit, et voteront conforme le texte que nous approuverons ce soir. Dans ce cas, ce serait la dernière fois que nous travaillerions sur cette loi dans cet hémicycle. J’en forme le voeu, surtout à l’approche du 8 mars, journée consacrée, comme tous les ans, à la promotion de la femme et à la lutte contre toutes les formes de discrimination et de violence que la femme subit encore dans notre pays.
Un point – important – nous a empêché d’aboutir en CMP. Avec le Sénat, nous avions décidé de renoncer à la pénalisation de la personne prostituée – cette décision est d’ores et déjà inscrite dans la loi. Le Sénat savait que nous ne renoncerions jamais à nos articles 16 et 17. Ce que nous voulions, ce n’était pas punir bêtement, pour le plaisir d’avoir un coupable, le client de la prostitution, mais responsabiliser. Pour cela, nous savons bien qu’une sanction est nécessaire, lorsque la responsabilisation par l’éducation ne suffit pas. Si nos collègues sénateurs savaient qu’ils pourraient voter en CMP les articles 16 et 17, un point de désaccord subsistait en revanche sur l’article 1er ter dans lequel les sénateurs voulaient, de manière compréhensible mais maladroite, réintroduire une pénalisation de la personne prostituée, alors qu’eux-mêmes avaient décidé de ne pas le faire, en ne réintroduisant pas le délit de racolage à l’encontre des victimes de la traite, que sont la plupart du temps les personnes prostituées.
Avec l’accord du président de la commission spéciale du Sénat, j’ai dû conclure à l’échec de cette commission, non parce qu’il était avéré – mathématiquement, il aurait pu ne pas être constaté – mais parce que je ne voulais pas – et le Sénat ne le souhaitait pas non plus – faire courir à ce texte le risque majeur d’un vote positif en CMP non suivi d’un vote identique dans chacune des deux assemblées, ce qui aurait conduit à repartir non plus pour une navette, celle dans laquelle nous sommes en ce moment, mais pour deux. Cela aurait été insupportable.
C’est la raison pour laquelle, au moment où nous nous penchons sur les quelques amendements qui restent dans notre débat, et sur lesquels notre assemblée trouvera, très majoritairement, la bonne solution aujourd’hui, nous pouvons former des voeux pour que le texte que nous adopterons ce soir constitue à peu près le texte définitif, que le Parlement aura, dans son immense majorité et, pourquoi pas, une quasi-unanimité, décidé d’adopter.
Ainsi, nous aurons fait l’oeuvre que les victimes de la prostitution attendent de nous. Ainsi, nous aurons accompli la mission sur laquelle nous nous sommes engagés, qui est celle de dire : « Halte ! », qui est celle de dire : « Non ! » La prostitution n’est pas une composante utile, une composante indispensable, une composante nécessaire à la vie d’une société moderne. Non, les personnes prostituées ne sont jamais libres du prétendu choix qu’elles auraient fait de se prostituer, comme s’il s’agissait d’une activité professionnelle comme une autre.
Non, nous n’avons pas le droit de tolérer plus longtemps que, dans un pays comme le nôtre, les yeux restent fermés sur une réalité qui a considérablement évolué depuis une trentaine d’années et dans laquelle, aujourd’hui, la prostitution est le fait, pour l’essentiel, de cette traite des êtres humains que la communauté internationale s’efforce de combattre depuis plus de 60 ans par une convention, la première que l’Organisation des Nations unies a adoptée, et que nous avons ratifiée, il y a un peu moins de 60 ans. Cette oeuvre, considérable, est attendue.
Je forme le voeu, ce soir, que notre assemblée se retrouve, dans une majorité encore plus forte que celle qui a marqué nos débats jusqu’à ce jour, dans une transversalité de nos réflexions, de nos actions, de nos engagements encore plus affirmée que celle qui prévaut depuis l’origine de nos travaux.
Les parlementaires que nous sommes, qui auront vécu ce combat, cette aventure de libération des victimes de la traite des êtres humains, ont tous raison, ce soir, de se dire qu’en le faisant, ils méritent la fierté de leur fonction et l’honneur que nos concitoyens ont placé en eux.