Alors, est-il utile de redire, lors de ce troisième débat, les raisons pour lesquelles cette loi est indispensable ? La tolérance persistante de la prostitution dans notre société et les complicités idéologiques, souvent médiatisées, à ce phénomène me poussent à les redire encore une fois.
La raison première, pour nous qui élaborons les lois de la République, est de permettre à tous les citoyens et citoyennes d’avoir les mêmes droits et les mêmes libertés. C’est ce que nous faisons en décidant d’éradiquer le système prostitutionnel : nous donnons en effet les moyens à celles et ceux qui en sont victimes de se libérer d’un rapport de domination.
Par deux fois, nos collègues sénateurs ont modifié la loi que nous avions adoptée. La commission spéciale, présidée par notre collègue Guy Geoffroy et dont Maud Olivier est la rapporteure, nous présente de nouveau une loi abolitionniste, telle que nous l’avions adoptée, avec tous ses volets : prévention, réparation pour les personnes prostituées, répression pour ceux qui en profitent, du proxénète au client. Je veux ici les remercier tous les deux pour leur engagement et la qualité de leur travail.
Des associations humanitaires se sont inquiétées des limites que cette loi pourrait poser aux droits des femmes étrangères non victimes du système prostitutionnel. Il est vrai que les femmes étrangères ne disposent toujours pas d’un parcours indépendant de leur mari pour l’accès aux papiers et donc à leur autonomie – c’est d’ailleurs l’objet de la proposition de loi que j’ai déposée sur les droits des femmes étrangères. Mais les droits des femmes passent aussi par l’éradication des réseaux mafieux qui les soumettent à un véritable esclavagisme. N’opposons pas les unes aux autres !
En Europe, l’exploitation sexuelle représente un marché potentiel de 3 milliards de dollars. Ce ne sont pas les femmes étrangères qui en profitent, mais le crime organisé à l’échelle mondiale. Une femme prostituée lui rapporte entre 100 000 et 150 000 euros.
Une large majorité des personnes prostituées sont d’origine étrangère, et donc fragilisées par l’absence de papiers ou par la confiscation de ceux-ci par les proxénètes. Ces personnes sont souvent contraintes à se prostituer pour rembourser des dettes dues à leur passage en France. Nous sommes loin du libre arbitre prôné par quelques-uns, mais proches d’une nouvelle forme d’exploitation. Alors oui, il faut agir pour aider ces femmes à sortir de l’emprise de ces réseaux, avec des mesures particulières. Elles doivent savoir que la République est de leur côté, que ce sont elles qui ont le droit avec elles !
Les adversaires de l’abolition disent que cela mettrait en danger la santé des personnes prostituées. Mais n’est-ce pas avant tout la prostitution qui met leur santé en danger ?