Depuis cinquante ans, la France se veut abolitionniste. Elle a refusé la prohibition, qu’elle aurait pu adopter à l’instar de la Bulgarie, de la Chine et de la quasi-totalité des États des États-Unis. En France, la prostitution privée est, jusqu’à aujourd’hui, licite dans les lieux publics, mais le racolage y est interdit. Toutes les formes de proxénétisme sont interdites.
Car la lutte contre la prostitution est d’abord en France, et c’est bien normal, la lutte contre le proxénétisme. Observons que 51 réseaux internationaux de prostitution ont été démantelés en 2012, soit 30 % de plus qu’en 2010, et 572 proxénètes arrêtés.
Il faut se réjouir de ce que les forces de police en France s’attaquent sans désemparer à ce crime odieux qu’est le proxénétisme. Il n’en est pas de même en ce qui concerne les condamnations pour racolage, qui s’élevaient à 1 028 en 2005 et à 148 en 2010. En réalité, le parquet ne poursuit plus les prostituées pour racolage et se contente le plus souvent d’un rappel à la loi, aussi efficace que la pénitence infligée jadis au confessionnal.
La proposition de loi en tire d’ailleurs les conséquences puisqu’elle prévoit d’abroger le délit de racolage public, ce qui a été obtenu en accord avec le Sénat, et c’est une excellente chose. Un nouvel article 225-12-1 du code pénal propose désormais la poursuite et la condamnation des clients de la prostitution à une peine d’amende correspondant à une contravention de cinquième classe.
Au terme de son processus législatif, cette proposition de loi ne laisse personne indifférent. Notre groupe, comme tous les groupes politiques, est partagé. Je dirai même plus : au fond de chacun d’entre nous, les arguments pour ou contre s’entrechoquent. Il faut donc en revenir à l’essentiel.
Je partage en partie les propos de Sergio Coronado. Le texte qui nous est soumis ne s’appuie pas sur des données ou des renseignements indubitables. Le rapport de la commission spéciale l’avoue lui-même puisqu’il précise que la prostitution en France est une réalité difficile à évaluer : on ignore le chiffre exact des prostitués, qui varierait de 20 000 à 40 000 en France, soit dix fois moins qu’en Allemagne ou en Espagne.