Si j’ai souhaité m’exprimer aujourd’hui à la tribune, c’est parce que dans mon département de l’Hérault, à Montpellier, à Lunel, des drames se sont produits. Des jeunes, des pères de famille sont partis faire le djihad et sont morts. Leur situation ne relevait pourtant pas du crime organisé ni même du terrorisme – ils n’ont pas agi sur le territoire national – mais nous devons nous montrer attentifs à ces populations.
Nous savons également que l’état d’urgence a été décrété après un drame qui a fait tant de morts, tant de blessés, dont certains souffrent encore à l’hôpital ou chez eux et qui auront beaucoup de mal à s’en remettre. Malgré la chaleur ou la verdeur des propos tenus, gardons à l’esprit que nous travaillons dans un contexte douloureux qui perdurera pour nos citoyens, qu’ils soient civils ou professionnels des métiers de la sécurité – vous l’avez souligné dans votre rapport, monsieur Ciotti.
Gendarmes, policiers, militaires ou civils, des gens s’engagent et se mettent au service de la nation et de la protection de nos concitoyens dans des conditions difficiles. Ils risquent leur vie ! Onze d’entre eux ont été tués cette année ! Beaucoup ont été blessés – on le dit peu. Faisons en sorte, en leur mémoire, que notre débat se tienne dans l’honneur et la constance !
Il ne faut pas non plus céder à l’arbitraire, comme cela fut jadis parfois le cas dans le domaine de la sécurité – je pense à certains comportements du ministre Marcellin, dont certains se souviennent encore. Grosso modo, l’arbitraire était alors sinon la règle, du moins la réalité. Je pense aux fouilles, aux contrôles, aux portes forcées – lorsque j’avais une petite tendance à manifester contre certains gouvernements, jadis, j’ai moi-même connu cela. À Paris ou ailleurs, des personnes qui étaient pourtant dans des lieux festifs pouvaient faire l’objet de contrôles et d’interpellations.
Il faut faire attention : nous sommes dans une société démocratique. La construction d’une démocratie est lente et implique le respect de fondamentaux. Les forces de l’ordre, ce sont l’ensemble des institutions dont le travail est de veiller au respect de l’ordre public et de la loi. Il s’agit là d’un principe important et ancien.
Dans nos démocraties, le respect des libertés collectives – dont la sécurité de chacun, assurée par l’État – implique celui des libertés individuelles. L’équilibre est difficile à trouver entre une loi assurant la protection des personnes et des biens et une autre assurant le respect de l’ordre public. Il faut tenir cette ligne de crête, qui plus est dans le contexte douloureux et difficile que nous connaissons aujourd’hui avec le terrorisme et le développement de la criminalité organisée.
La loi qui a été déposée le 3 février dernier et dont nous discuterons bientôt visera à embrasser l’ensemble de ces grandes questions : l’équilibre entre le respect des libertés individuelles et la nécessité d’assurer la liberté collective. C’est dans cet axe-là que nous nous situons.
Notre pays, à mon sens, a une tendance étrange et fâcheuse à ne traiter les questions essentielles qu’en cas de crises. Notre pays ne raisonne pas sur la longue durée, non plus qu’il ne module pas à pas le droit et la loi en fonction de l’évolution des mentalités et des situations. Nous avons une fâcheuse tendance à travailler d’une manière un peu chaotique. C’est une réalité dont je me désole assez souvent, mais je tenais à le dire à nouveau.
Le texte qui sera bientôt présenté est de haut niveau, de qualité. Je connais votre ferveur, monsieur Ciotti, vos convictions dirais-je même, mais dans un moment où nous devons tous nous rassembler pour protéger nos concitoyens et la nation, je regrette que l’on soit obligé de parler de ces dispositions alors qu’elles seront à l’ordre du jour très prochainement.