Intervention de Marion Maréchal-Le Pen

Séance en hémicycle du 4 février 2016 à 15h00
Capacités d'intervention des forces de l'ordre — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarion Maréchal-Le Pen :

Je vous le concède : étudier une proposition de loi un jeudi après-midi avec dix députés présents sur des sujets aussi importants n’est pas idéal. Mais autant le Gouvernement se montre capable de mettre en place, en deux heures à peine, une procédure aussi solennelle qu’une réforme constitutionnelle bâclée, autant rien n’est fait depuis trois ans et demi pour assurer une meilleure sécurité de nos forces de l’ordre dans le contexte que nous connaissons. C’est même plutôt l’inverse puisque le Gouvernement a eu plutôt tendance à les décourager – je pense à un certain nombre de réformes, dont la contrainte pénale, qui leur donne le sentiment de devoir vider l’océan à la petite cuillère.

Je remercie M. Éric Ciotti qui, décidément, arrive à arracher un compliment à chacun d’entre nous, de revenir sur cette question majeure et d’enfoncer le clou, une fois encore, car l’année 2015 fut une année absolument terrible pour nos policiers, une année de tous les dangers, entre attentats islamistes, attaques de commissariats, en hausse l’été dernier, et augmentation du nombre de policiers tombés en mission. Je rappelerai quelques chiffres édifiants : sur la dernière décennie, 36 policiers ont été tués en mission, et plus de 52 000 blessés ont été recensés.

Depuis 2009, les effectifs de police et de gendarmerie ont été réduits, de même que leurs moyens matériels : c’est avec des cartouches rationnées et un matériel de protection vieillissant, voire obsolète, qu’ils doivent faire face aux armes de guerre de plus en plus utilisées par le grand banditisme et le terrorisme. Le degré de gravité des agressions à l’encontre de nos policiers et le délitement de leur autorité ne sont pas sans lien avec leur taux de suicide élevé – quarante-deux par an en moyenne depuis cinq ans – qui en fait l’une des professions les plus suicidaires de France.

Le sentiment d’injustice des policiers est légitime : il est en effet invraisemblable que ceux-ci ne bénéficient pas du même régime particulier de légitime défense que les gendarmes, alors qu’ils sont confrontés aux mêmes périls. Ce régime pénal de droit commun, même assoupli par la jurisprudence, les rend vulnérables, ce qui est préjudiciable à la bonne marche de leurs missions. L’harmonisation de la protection pénale de l’ensemble des forces de l’ordre, inscrite dans la proposition de loi que nous discutons aujourd’hui, semble donc indispensable et juste.

Cette proposition de loi a le mérite de relancer le débat sur la lecture de la légitime défense, actuellement très restrictive et déconnectée de la réalité du terrain. L’immédiateté n’a pas de sens. En effet, un individu courant les armes à la main demeure dangereux, tant pour le policier que pour les tierces personnes. Cette temporalité inadaptée aboutit à des situations ahurissantes : aujourd’hui, par exemple, un policier doit attendre que le terroriste recharge son arme pour pouvoir lui tirer dessus !

L’introduction de la notion de « danger imminent » permet de surmonter cette notion d’instantanéité en prenant en considération la globalité de l’action : c’est une nécessité si nous voulons mettre fin à la menace actuelle que constitue le déplacement d’un individu armé. Le policier pourrait intervenir en anticipant le danger et mettre ainsi à l’abri les civils présents dans l’environnement immédiat de l’agresseur.

De même, la notion de « proportionnalité », inadaptée aux missions des forces de l’ordre, doit être revue pour intégrer, comme le propose ce texte, la notion de « violences graves ». La législation actuelle, fondée sur la proportionnalité, est irréaliste : on ne peut pas demander à une personne se retrouvant soudain face à un danger de mort imminent, avec la peur et la surprise que cela peut impliquer, de réagir mécaniquement à l’agression dans une proportion quasi égale.

Cet irréalisme se retrouve dans l’obligation faite aux policiers de ne pouvoir faire usage de leur arme qu’après deux sommations lorsque des individus armés refusent de déposer la leur. Un policier représente – ou devrait en tout cas représenter –, en lui-même, une injonction à la loi. Dès lors, tout individu armé manifestant une hostilité à son égard devrait pouvoir être exposé à une riposte selon la légitime défense. Les deux injonctions peuvent-elles être prononcées à haute et intelligible voix dans une situation d’hyper-stress ? Et qu’en est-il si l’agresseur ne comprend pas le français, ce qui n’est pas rare de nos jours ?

Il n’est pas inutile de donner un exemple concret : aujourd’hui, selon la lecture actuelle de la légitime défense, un agresseur armé d’un couteau a l’avantage sur une personne portant une arme à feu à partir de sept mètres !

Cette réforme de la légitime défense nécessiterait par ailleurs d’être accompagnée d’une réévaluation des heures de formation consacrées au perfectionnement des techniques de tir.

La simplification des contrôles d’identité, de même que la fouille des véhicules et de leurs coffres, va aussi dans le bon sens. En effet, ne permettre la fouille qu’en cas de soupçon de crimes ou de délits imputables au conducteur ou sur réquisition écrite du procureur de la République réduit considérablement l’efficacité du travail des policiers. Il est d’ailleurs malheureux, à ce titre, de se cacher exclusivement derrière des arguments juridiques – avis de la CEDH ou de la Cour de cassation – pour balayer systématiquement d’un revers de main la pertinence de cette proposition, qui est largement réclamée par nos forces de l’ordre.

Les capacités d’intervention des forces de l’ordre doivent également être revues au sujet des perquisitions : les heures légales des perquisitions constituent un frein qu’il convient de lever en alignant le régime juridique des enquêtes préliminaires sur celui des enquêtes de flagrance.

Enfin, le port d’arme des officiers en dehors des heures de service doit être inscrit dans la loi, afin qu’il soit toujours autorisé après l’état d’urgence. J’imagine en effet que personne ici n’est assez naïf pour considérer que la fin de l’état d’urgence signera l’évanouissement, comme par magie, de la menace terroriste.

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