Intervention de Cécile Duflot

Séance en hémicycle du 5 février 2016 à 9h30
Protection de la nation — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Duflot :

Il ne s’agit pas ici de ne pas regarder en face qu’à la Libération, ceux qui ont reconstruit notre pays ont préféré à la déchéance le crime d’indignité nationale, avec une peine associée. C’est la vérité historique !

Notre droit prévoit déjà tant la perte, qui sanctionne un état de fait, que la déchéance de nationalité. Mais l’un comme l’autre excluent l’apatridie. En effet, la perte de nationalité, prévue aux articles 23 à 23-9 du code civil, résulte d’un acte volontaire ou d’une situation de fait. La déchéance de nationalité résulte, elle, d’une décision de l’État, et est prévue par les articles 25 et 25-1 du code civil. Elle ne concerne pour l’instant que les personnes binationales naturalisées françaises depuis moins de dix ans ou quinze ans ayant été condamnées pour différentes infractions graves.

Actuellement, la loi ne prévoit pas la déchéance des personnes binationales née françaises. Cette distinction dans la déchéance entre Français de naissance et Français d’acquisition se justifie par un rapport différent à la nationalité. Dès lors, la déchéance est une mesure décidée par l’autorité administrative qui avait précédemment fait un choix, celui de naturaliser la personne.

Tel est l’objet principal désormais de cette révision constitutionnelle : inscrire la déchéance de nationalité de personnes nées françaises au sein même de notre pacte fondamental, la Constitution.

Au moment même où la Nation a besoin d’être rassemblée, elle est divisée. Pour ne pas inscrire dans le marbre constitutionnel cette inégalité, tout en la maintenant dans les faits – ou peut-être finalement en ne l’y maintenant plus –, le Gouvernement a décidé de proposer une troisième rédaction de l’article 2, associée à un projet de loi.

Les exégètes amateurs ont fait deux lectures différentes de cet amendement. La première est que cette rédaction neutre, tautologique, n’emporterait aucun effet utile en ne précisant pas les cas pour lesquels l’inconstitutionnalité devrait être levée. La seconde, partagée par le Gouvernement, est plus inquiétante. Le projet de loi ne ferait plus de différence entre les personnes nées françaises et les Français par acquisition. Il n’évoquerait plus non plus la question des binationaux. Comme je l’ai entendu de votre bouche, monsieur le Premier ministre, cette question ne serait renvoyée qu’au projet de loi simple, modifiable par n’importe quelle assemblée, dans n’importe quelles circonstances, et aux engagements internationaux de la France qui interdisent l’apatridie.

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