Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, nous voterons cette motion de procédure. Est-il sérieusement raisonnable d’entamer cette discussion alors que nous n’avons pas encore de certitude sur l’application du fameux article 2 ? En effet, quelles en seront les conséquences au regard de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, non encore ratifiée ? Celle-ci prévoit la possibilité, dans certains cas, de créer des apatrides.
Depuis l’annonce faite par le Président de la République à Versailles en novembre dernier, nous ne comptons plus les différentes hypothèses sur la version finale de cet article, hypothèses imaginées pour que l’exécutif puisse sortir de ce piège. La première version qui nous a été soumise en commission prévoyait une déchéance pour les binationaux nés français, qui aurait consacré dans notre texte suprême la stigmatisation d’une partie de nos concitoyens. Les oppositions à cette inégalité fondamentale ont été telles que le Gouvernement nous a finalement proposé par voie d’amendement une nouvelle version de cet article qui dit une chose et, dans le même temps, nous présente un avant-projet de loi d’application de la révision constitutionnelle qui en dit une autre.
Puis, aujourd’hui, une nouvelle version est annoncée, qui aboutit en fait au même résultat que la deuxième. Est-ce la dernière ? Tout cela devient vraiment très compliqué. Selon les versions, nous chutons soit sur la déchéance pour les seuls binationaux, soit sur la déchéance pour tous, et donc la création d’apatrides. Dans un cas comme dans l’autre, c’est un recul considérable. La patrie des droits de l’homme ne peut assumer de renoncer aux principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Qui peut prendre cette responsabilité, de surcroît dans une telle précipitation, pour ne pas dire dans une telle cacophonie ?
Bien évidemment, un argument devrait suffire à convaincre l’ensemble de cet hémicycle d’adopter cette motion : une modification de la Constitution, qui a vocation à perdurer quelles que soient les majorités en place, ne peut se concevoir très sereinement. C’est une des raisons qui motivent les membres de notre groupe à voter cette motion, et une raison de plus de rejeter complètement ce texte.